lundi 30 janvier 2006

LES 35 INTERMEDES

Il faut bien s’amuser un peu entre deux mâchonnements de déception. Comme toujours, c’est Racontars qui m’agite ses jeux et cadavres exquis, et comme un bovidé mal dégrossi je me rue sur le chiffon rouge. Un joli jeu de dupes. Trente cinq phrases qui commencent comme on veut qu’elles commencent, à moi de trouver la fin. Alors, voilà mes fins du fin. Vous l’aurez bien cherché. Les débuts de phrase sont gras et moi je suis maigre.

1. Une fois ma mère
a voulu mourir en marchant droit devant elle. Elle n’a même pas réussi, elle en était pourtant à son deuxième essai à 70 ans d’intervalle. Elle est morte autre part et autrement.

2. Je n’ai jamais appris
à danser le tango. Alors quand je l’entends avec son bandonéon sournois, mon cerveau se tord sans que je puisse bouger, et j’ai des crampes.

3. Quand j’avais cinq ans,
je m’ai perdu. Je m’ai jamais retrouvé.

4. Le collège c’était
une immense usine à intellos avec un grand parc. Il y eut la première mixité de l’histoire de l’instruction laïque et obligatoire, et j’ai découvert que les filles étaient des trucs dont on pouvait tomber amoureux.

5. Je n’oublierai jamais
que je dois 15 000 euros à mon meilleur copain, qui ne l’est plus.

6. Une fois, j’ai rencontré un mec une fille
qui m’a exposé la théorie de la relativité. Je n’ai rien compris, et pourtant elle tournait.

7. Il y a ce type que je connais
depuis si longtemps que je crois bien qu’il n’est jamais né. Une sorte d’immortel qui a toujours été présent, sauf la fois où il a eu envie de me faire une blague : il est mort sans prévenir, mon père.

8. Une fois, dans un bar,
j’ai mangé un palmier à l’ombre d’une orange. Etrange, étrange, étrange.

9. A midi, en général,
c’est cantine pour tout le monde, et moi je blogue.

10. La nuit dernière,
j’ai dormi.

11. Si seulement
je pouvais bavarder avec Héraklite.

12. La prochaine fois que j’irai à l’église,
je fracturerai un tronc pour le donner à un cul de jatte.

13. J’aime bien
rouler sur les trottoirs avec mon catxcat.

14. Quand je tourne ma tête à gauche,
je vois Fabius et des boutons me poussent sur le nez.

15. Quand je tourne ma tête à droite,
je vois Sarkozy et les boutons coulent leur pus.

16. Tu sais que je mens
quand je blogue.

17. À la fac,
ya des petites fleurs ya des petites fleurs, enfin il paraît parce que je n’y ai jamais mis un bouton.

18. Si j’étais un personnage de série télé,
avec mon gros flingue en vrai j’anéantirais toute l’équipe de tournage et toutes les équipes de tournage de toutes les séries télé et tous les producteurs de toutes les équipes de tournage de toutes les séries télé, il n’y aurait plus de série télé à la télé et je pourrais dormir avec ma femme.

19. Le même jour l’an prochain,
j’espère être en train de bloguer à midi. Sinon vous irez cracher sur ma tombe.

20. Le pseudo qui m’irait le mieux
est le nom que me donnera ma fille le jour où enfin elle se décidera à m’appeler par le nom que j’aimerais entendre.

21. J’ai du mal à comprendre
les femmes qui se réjouissent de voir leur fils réussir un attentat suicide.

22. Si je retourne à l’école demain matin,
vu ma tête et mon âge on va m’accuser de pédophilie.

23. Tu sais que je t’aime bien,
et tu fais semblant de ne pas me connaître quand je te croises dans la rue.

24. Si je gagne un prix
ce ne sera que justice, et pas trop tôt.

25. J’espère que 2006
ne sera pas une année bissextile. Je hais le mois de février presque autant que le mois de décembre.

26. Suivez mon conseil,
ne suivez aucun conseil.

27. Le meilleur des petits déj
est celui qu’on prend le matin d’une journée de catastrophes mais on ne le sait pas encore.

28. La chanson que j’adore mais que je n’ai pas
est la chanson du maçon que Claude chante avoir chantée devant ses volets verts mais qui ne nous a jamais chantée à nous, et il est mort un trois mars en nous laissant sa fin sur notre faim.

29. Si vous visitez ma ville natale,
vous irez fracturer un tronc de la cathédrale Saint-André et vous ferez un don à un cul de jatte.

30. Pourquoi personne ne dit
que je suis beau.

31. Si vous passez la nuit chez moi,
n’oubliez pas votre équipement de survie.

32. Le monde peut très bien se passer
de moi, mais moi je ne peux pas me passer du monde.

33. Je préfère torcher le cul d’un éléphant
que traverser un pont de singe, surtout si l’éléphant me suit.

34. Le mieux
est l’ennemi du bien. Trop facile.

35. Eh, au fait,
on gagne quoi à ce jeu ?

Voilà, c’est fini, j’envoie puis je vais faire un tour chez Labosonic et Lewis. Il me retournera son Clarke.

jeudi 26 janvier 2006

Europe #4.2 - Le fantôme du cataclysme.

2. C'est la fête.

Ainsi, l’apocalypse dont les nons se plaignaient d’être menacés n’a pas eu lieu. Tout va bien, aucun char à l’horizon, aucune déroute, aucun Blücher. Le ciel n’est pas tombé sur les gaulois, la terre ne s’est pas arrêtée de tourner. Les allemands hochent la tête même pas surpris, les américains ne comprennent rien mais ce n’est pas neuf, les polonais se frottent les mains, les turcs repartent dans leur pays du moins ceux qui y sont déjà les autres restent ils ont d’autres sœurs à fouetter, les marocains immigrent et les cerveaux fuient. La routine, tout sera désormais comme avant.

Les nons ricanent : alors, votre cataclysme, c’est pour quand ?

Laurent Fabius met François Hollande à la porte, et toute sa clique d’incapables, Aubry, Lang, Strauss Muche, Delanoix et hop je le renomme pour un calembour à la noix, enfin tous, tous ces ouiouinéolib comme ils disent sans savoir ; enfin seul. Il conclut une alliance électorale avec la Buffet et le facteur et un pacte de non agression avec Emmanuelli. Mais c’est que c’est un grand manœuvrier, Laurent le mirifique, n'est-il pas ?

Raffarin est parti. Tout le monde savait qu’il partirait, tout le monde avait remarqué qu’il était déjà parti depuis longtemps ; ce qui n’aura pas empêché les nons de proclamer qu’ils ont eu sa peau. Trop fort, les nons. Tout le monde savait que les nons ne voteraient pas pour des raisons de politique intérieure, mais quand même c’est si bon de dire qu’on a eu sa peau. C’est si bon, chantait Louis Armstrong.

Envoyé le 12 mai 2005 à 13h45 - à suivre

vendredi 20 janvier 2006

Europe #4.1 - Le futur antérieur



Lundi 30 mai 2005. La nuit a été claire. Premier quartier de lune descendante, pas un nuage à l’horizon. La petite chaleur de fin de journée la veille au soir a fait place à la fraîcheur d’un joli matin de printemps. Les derniers fêtards un peu étourdis rentrent chez eux et les machines vertes à nettoyer les caniveaux commencent à ronronner. Il est cinq heures, mais je ne dirai pas que Paris s’éveille, Paris n’a pas dormi de la nuit ; on connaît la chanson et je n’ai pas sommeil. Aucune apocalypse ne s’est abattue sinon peut-être dans ma tête, mais tout le monde s’en fout et tout le monde a raison.

Un tréteau tricolore était installé place des Pyramides et toute la nuit le heavy metal a fait trembler les Tuileries. Heavy metal ou chants militaires ou n’importe quoi d’autre ou tout ce que vous voudrez, je n’étais pas dans les parages et je ne sais pas ce qu’ils ont joué et dansé, les nons.

Un tréteau rouge et rose était installé place de la République et toute la nuit a tourné sur le tango, le jazz et la java, le rock, le rap, et tout ce que l’univers connaît de créativité musicale. Vous en savez plus long que moi sur la question. Il y a même eu du heavy metal, mais je ne crois pas qu’il y ait eu des chants militaires. Je n’étais pas dans les parages mais je sais ce qu’ils ont joué et dansé, les nons.

Cinquante-trois virgule dix-sept. Qu’il est beau ce nombre rationnel, celui sur lequel se lève le joyeux soleil de mai.


lundi 16 janvier 2006

Europe #3 - Il y a des guillemets partout.

« NON à la constitution européenne ».

La constitution a tous les défauts qu'on lui attribue. Elle proclame la loi du Marché, elle propose la privatisation des Services Publics, elle libère la circulation des hommes et des biens mais est-ce un péché, d'ailleurs, de libérer la circulation des hommes et des biens, elle se vautre dans le capitalisme débridé que nous haïssons tous (ou presque), ou que nous prétendons haïr tous (ou presque).

C'est grave docteur ?

Ce n'est pas grave, mon enfant, car l'ensemble des traités que cette constitution vient remplacer a exactement les mêmes défauts, en un peu plus pire, depuis le traité de Rome jusqu'au maltraité de Nice.

Voter NON revient donc à refuser au Parlement européen les quelques pouvoirs qu'il y récupère au détriment de la Commission et du Conseil, dont personne ne viendra me dire qu'ils sont dangereusement gauchistes. On me dit, a la sinistra, que le Parlement non plus n’est pas franchement de gôchhh, d'accord ; la isquierda répond que c'est NOTRE affaire de le voter ce parlement là et d’en faire ce qu’on veut, au lieu de nous abstenir comme des manches sous prétexte que les élections européennes c’est de la roupie de même pas dix sonnets.

Voter NON revient à rejeter la charte des droits fondamentaux, qui ainsi grâce à ce NON révolutionnaire va rester un recueil de voeux pieux alors qu’elle pourrait devenir CONSTITUTIONNELLE, ce qui signifie que toi ou moi pourront saisir le juge de tout manquement à cette charte. Ce parapluie est bien plus résistant que les nons font mine de croire.

Voter NON revient à refuser l'idée que le Marché puisse avoir une dimension "Sociale", d'accord le mot Social est un gros mot mais au moins il est écrit, alors qu'il n'existe pas même à l'état d'embryon dans les traités antérieurs où le NON va nous faire retomber. Depuis quand écrire quelque part à gôchhh le mot Social serait-il anodin, depuis quand serait-il suspect ici et légitime là ?

Il est indubitable et certain ce n’est pas tout à fait un pléonasme, qu’elle est ouvertement capitaliste la société dans laquelle se situe explicitement cette constitution : les pays qui constituent notre Europe le sont tous et le combat n’aura pas de fin, ce n’est d’ailleurs qu’un début n’est-ce pas ? Je garde les mots capitaliste et constitution pour simplifier, tout en sachant qu’il a capitalisme et capitalisme, constitution et traité, et toutes les nuances si commodes pour noyer la cigale.

Voter NON ne changera rien à cet état de choses et nous enlève toutes chance d'en changer. La constitution donne à ceux qui veulent vraiment changer plus d'armes qu'ils n'en avaient sans cette constitution, la première d'entre ces armes étant un pouvoir accru du Parlement Européen. Nous y sommes, dans cette société, plongés jusqu'au cou, qu'on s'en réjouisse ou qu'on le déplore. Je soupçonne certains nons de ne pas vouloir changer, c’est tellement confortable un bon adversaire bien épais pour hurler à la mort contre lui.

Ainsi, le oui nous donne des moyens de poursuivre par exemple en élisant un parlement européen à notre image, qui aura les armes pour freiner les ardeurs de nos ultras (oui, je leur place le mot ultra, sinon ils ne comprendraient pas, il leur faut toujours un ultra quelque part). Le non nous laisse dans l’état hébété où nous sommes aujourd’hui, pour longtemps.

Moi, si j'étais un bon vieux réac des familles, assez soucieux des profits de ma petite entreprise pour jeter aux orties les droits de tous ceux qui viendraient rogner mes prérogatives et empocher mes petits sous, je n'hésiterais pas une seconde, je voterais NON.

C'est peut-être ce que je suis, d'ailleurs, allez savoir, un vieux réac des familles.

Alors nous devons savoir choisir. Si nous n'avons pas peur d'une proximité, d'une intimité même, avec nos voisins, de la Finlande au Portugal, de l'Ecosse à la Crête, si nous sommes assez fiers de nous-mêmes pour nous estimer insolubles dans le grand méchant melting pot, si nous pensons que la construction de l'Europe est la grande aventure de notre génération et des suivantes, par laquelle notre propre culture sera renforcée, oublions les craintes catégorielles et les calculs politiciens, oublions Chirac et Fabius, l'extrême droite polonaise et les subventions grecques, le christianisme messianique et l'islam rampant, et votons OUI.

Oui je sais, Chirac aussi vote OUI. C'est bien la raison pour laquelle il faut l'oublier avant d'aller voter OUI.

Et si vous avez peur de tout cela, votez non.

Envoyé (en vain) le 6 mai 2005

vendredi 6 janvier 2006

Europe #2 - Langue de bois.

2. Langue de bois.

J'aime bien Romano Prodi. Il a un cheveu sur la langue et il parle italien comme parlent les italiens dans Tintin lorsqu’ils parlent wallon, sauf que Romano Prodi parle ainsi même quand il parle italien. Mais ce n’est pas seulement une question de particularité langagière.

Il quittait à l’époque la présidence de la commission européenne, vous savez, cette assemblée de gnomes qui viennent nous chatouiller les orteils quand nous dormons, et qui nous font sans cesse le coup de l’ultra-catastrophe. Vous les connaissez tous, ces valeureux combattants qui sans cesse stigmatisent l’ultra-machin, à vous de poser ce que vous voulez à la place de machin, et qui se croient ainsi dispensés de tout autre argument. Il faut toujours poser ultra devant ce qu’on veut noyer. Alors, pour faire comme tout le monde, je parle d’ultra-catastrophe, en sachant parfaitement que je ne veux rien dire en le disant.

Il est devenu aujourd’hui sans tambour ni trompette le plus sûr combattant contre la perversion berlusconienne. Je ne sais pas s’il va gagner ce combat paisible, mais, comme un italien bien de chez lui, il arrange ses bidons sans faute depuis qu’il a abandonné nos choux de Bruxelles pour rejoindre ses brocolis.

Alors voici ce que j’écrivais à son propos l’an dernier.

Il n’y a qu’un cheveu sur la langue à Prodi, prodigieux cheveu, cheveu d’Europe en bois, qui ne tient que par lui, que par un cheveu. Un cheveu de forte constitution.

Solide déjà ce cheveu depuis l’antiquité, n’avait-il pas fallu qu’il résistât quand Jupiter s’en saisit pour entraîner à travers les mers Europe la belle libanaise brune au long cheveu, loin là-bas au-delà des colonnes, loin, un petit peu plus à l’ouest du Tournesol. Un petit air de Crête, peut-être.

Jupiter le roi des Italiens, des italiens de ce temps-là, des Romano de ce temps-là.

Nous le savons tous, à nous en arracher les cheveux sur la langue de bois, il vaut mieux un Jupiter lubrique qu’un grand Dieu et son train.

Il faudra bien un jour qu'on oublie l'Europe de sang, qu'on cesse de nous sculpter une Europe de bois, pour enfin caresser une Europe de chair, par exemple celle aux longs cheveux venue de l'Orient, qui nous attend quelque part entre la grande île et les colonnes d'Hercule, et de la source du Méandre à l’estuaire du Tage.

Ecrit le 4 mars 2004, revu le 25 octobre 2005.