lundi 26 mai 2008

Les actrices

Les actrices
(modifié le 26/05/2008)


Il est grand temps que je tienne ma promesse à Clopine. Je ne te la présente pas, si tu ne la connais pas, tu ne pourras que t’en prendre à toi-même. Elle a longuement expliqué comment et pourquoi elle aimait tant d’acteurs, pour en finir par un personnage secondaire de Notre-Dame de Paris le roman. Tu te souviens de Notre-Dame de Paris le roman, dont l’auteur n’est jamais venu parler à la télé. Franchement, un tel auteur peut-il seulement exister ?

Sous prétexte de pseudonyme, elle m’a entrainé sur des terrains intimes que je ne regrette pas d’avoir parcourus. Mais il me faut aller au bout de ce voyage, et puisqu’elle s’est intéressée aux acteurs de second rôle qui dominèrent et dominent encore le monde du cinéma français et que son Clopin préféré lui a rétorqué de masculine façon comment il fallait décemment s’intéresser aux actrices, je me trouve enfermé dans la nécessité d’écrire aussi sur ces femmes qui s’exposent. Non que Clopine m’ait enfermé, mais tout seul comme un grand j’ai claqué la porte en oubliant la clé à l’extérieur, et il me faut donc passer par le trou de la serrure.

Alors je peux m’aventurer sur le thème du parler direct : bandantes ou non ? Ou bien sur le thème : icône ou déesse ? Ce qui signifie la même chose dans les dîners chics. Je peux aussi faire preuve de francophobie, genre le cinoche français est nul introverti et intello rien ne vaut les stars américaines, Ava et Marilyn, Cyd et Ingrid, et les bombes italiennes, Monica et Monica, Sophia et Stephania. Parce que chacun sait que le cinéma s’est arrêté en 1965. Quoiqu'une des Monica ne soit pas encore née à cette date, je ne l'ai citée que pour le doublé.

Ou alors, je vais me jouer le dernier TF1 du dimanche soir du temps qu’il y avait un film sur TF1 le dimanche soir, et vanter les mérites testotéronesques des belles potiches. Pas de noms ici, je sais qu’elles ne sont pas potiches et je les aime aussi. Mais telles on nous les y montre. C'est le regard du cinéaste qui m'insupporte. Petit aparté pour Clopine: j'aime le regard d'Almodovar sur les femmes, pour les raisons déjà très bien expliquées par d'autres femmes.

Comment en parler, des actrices ? Assumer son désir, du trouble adolescent boutonneux devant un décolleté magnifique à l’émotion qui nous renverse devant un si beau visage et accueillir la soudaine jeunesse qui nous revient devant une larme discrète ou un rire éclatant, dont bien sûr nous vanterons savamment l’éclairage habile et le chef-opérateur surdoué, car le désir participe au plaisir du cinéma. Hommes, nous pouvons désormais entrer dans le film en se choisissant son propre rôle. Nous avons tous un rôle dans les films que nous regardons, et parfois nous devenons la femme que soudain nous aimons comme nous-mêmes et haïssons l’homme qui nous abandonne alors que nous devrions nous en réjouir.

Lorsqu’on en oublie le jeu parfait et le rôle habité, l’actrice gagne son pari. Elle est devenue actrice en effet et le film est bon. J’ai cité quelques prénoms, et je ne les ai pas cités au hasard, elles font bien entendu partie de mon panthéon. Comme beaucoup d’autres, et n’y sont pas nécessairement les mieux placées, mais inévitables si je veux que tu me croies, exceptée la jeune Monica, qui n'a jamais gagné le pari.

L’idée des seconds rôles est une très bonne idée. Ces actrices dont le passage, parfois bref, parfois répartis en courtes séquences sur les deux heures, font qu’on va revoir le film sans savoir que c’est juste pour elles qu’on revient; on ne s’en rend compte qu’à la septième fois quand les murailles tombent. Ces actrices qui mettent toute leur force dans ces moments de tournage qui n’appartiennent qu’à elles et dont elles savent qu’ils seront plus précieux dans le cœur de beaucoup que les répliques cultes des grands projecteurs, car elles savent toutes pourquoi elles sont là, pourquoi elles s’exposent, pourquoi tant de dangers ne leur fait pas peur, toutes ces amazones qui le chantait si bien de leurs sœurs l’ami Claude font la guerre quand nous ne faisons qu’un match, pourquoi certaines d’entre elles en meurent, sont celles qui m’intéressent vraiment.

Oui monsieur correcteur, la phrase est longue et je t’emmerde. Je suis liseron quand je veux.

Je ne vais donner que deux noms. Je n’en aurais bien donné qu’un, mais il en résulterait des déductions mal placées. Il me faut trouver une combattante, émouvante et fragile, mais intraitable, qu’elle soit victorieuse à la fin ou qu’elle se prenne injustement une balle perdue, qu’elle obtienne réparation ou vengeance équitable, qu’elle devienne la malfaisante secrète ou la passante à peine entrevue même pas importante dans l’histoire. Sa seule apparition m’illumine le film et me décolle imperceptiblement du fauteuil, ce qui dans le quartier latin soulage le train. Elles sont nombreuses ainsi, et n'en citer que deux sera les citer toutes, ne tente pas d’isoler le nom du reste.

Avec deux je ne ferai pas d’ombre aux tues, de Binoche à Emmanuelle je préfère la première à la seconde, de Mathilde à Catherine malgré la différence d'âge, de Viard à Baye, de Morgan à Mastroianni le champ s'agrandit au point de les contenir toutes entre elles deux. Ajoute qu'on trouve la mère et la fille dans la même phrase, il est de ces hasards qui n’en sont pas venant des plus récentes rencontres, tu auras compris que peu vont échapper à ces fourchettes.

D'avoir cité les extrêmes ne signifie pas que je les préfère obligatoirement à celles que je passe sous silence. Je me risque ainsi à citer Marlène Jobert et Miou-Miou qui ont une petite place à part qui échappe au précédentes catégories, je ne les ai pas placées au panthéon, je veux ne me les garder que pour moi, hors de question que je les cite comme les deux noms emblématiques que je t'ai promis, déjà je m'en veux de t'en avoir parlé.

Voilà pourquoi il serait absurde de nommer celle qui serait la meilleure, ou celle qui serait ma préférée. Je n’ai pas croisé mes deux noms depuis assez longtemps pour éviter l'écueil du dernier bon film vu ou de la dernière promo en date, comment échapper aux promos? Peut-être ne les connais-tu même pas. Pourquoi ces deux noms plutôt que d’autres ? Tu le comprendras en relisant du début, et ce que tu ne comprends pas restera secret.

Marie Bunel. Anne Kessler.

jeudi 22 mai 2008

André et la rivière


Commentaire à Clopine devenu billet par la force de la paresse. Il fallait bien aussi relancer ce blogue endormi.


Il n'y a que vous, Clopine, pour poser des question auxquelles je ne veux pas répondre et auxquelles pourtant je réponds parce que c'est vous justement qui me la posez.

Rivière est un nom qui coule de source. C'est un pseudo, aucun officier d'état civil nulle part dans le monde n'accepterait de m'attribuer ce nom. Et pourtant, voyez comme il me va comme un gant, moi qui ne me baigne jamais dans le même fleuve et qui ai des accointances avec le vieil Héraklite.

Ma grand-mère paternelle se nommait Marie Rivière, de naissance. Au début du siècle dernier, tout le monde se nommait ainsi, on ne peut faire plus banal et transparent, si banal et si transparent que personne ne m'a jamais parlé de cette grand-mère que je n'ai jamais connue, morte trente ans avant ma naissance.

C'est probablement pour lui redonner chair et os, lui rendre justice, que j'ai pris son nom pourtant si courant. Et un peu littéraire aussi quand même. J'ai découvert sa tombe après force recherches dans un cimetière perdu au fin fond de rien, très loin de sa campagne poitevine où elle vécut, et rien ne m'explique ce que fait là-bas ailleurs cette plaque à moitié renversée qui n'attend plus que le bulldozeur, le bouteur comme disent les puristes minoritaires, pour faire la place aux jeunes. Des secrets de famille insondables, que même des baudets du Poitou ne sauraient brouter sans dommages, et qui disparaîtront avec la rénovation programmée des espaces municipaux d'ailleurs là-bas du fin fond de rien.

La glèbe du Poitou ne saura rien d'elle. J'ai fait tout un livre déjà de son histoire imaginée qui jamais ne sera blogué, et qui est retourné au fond de mon tiroir après n'avoir jamais réussi à franchir la barrière de la lettre type des éditeurs.

Voilà pour le pseunom.

Le prénom a suivi un chemin plus tortueux, qui a duré plusieurs années avant que j'en accepte l'évidence. Il a fallu des convergences. Celle du prénom quelle donna, ma grand-mère Rivière, à son fils aîné, qui se trouve être devenu mon père quelques années plus tard. Celle de la Cathédrale où je fut baptisé (mais je suis guéri), en la bonne ville de Bordeaux que je ne saurais renier sans disparaître, non que mon nom soit ce prénom là, mais après tout, n'est-ce point la cathédrale Saint-André?

Vous voyez, même le pseuprénom a à voir avec Marie qui nomma son fils André qui baptisa le sien chez Saint-André. Convergences, disais-je.

Quant à l’Aime qui se colle à l'André, l’Aime d’Andraime, d’Andrem, c'est une autre affaire ; l’affaire d'aimer peut-être, l’affaire d'un vrai prénom mais ce n'est pas certain, un prénom à faire chauffer, l’affaire de l'aime de Marie, c'est bien possible. Il me la fallait, cette Aime, pour qu'enfin je me résolve à l'évidence que je ne pouvais être que lui, Andrem Rivière, et que je ne pourrai jamais en changer.

Il m'est plus littéralement indispensable que mon nom de citoyen, de mari, de père, de grand-père, et de fils de ma lignée. Il la contient secrètement et entièrement, la lignée.

Vous comprendrez ainsi pourquoi ce prénom de Marie m'est si important et pourquoi je ne pouvais pas ne pas répondre à votre question à laquelle je ne réponds pas.

Commentaire chez Clopine, Posté par andrem, 20 mai 2008 à 10:19