lundi 5 janvier 2009

Les ECOLOS parfois me gonflent

Bien entendu, il faut d'abord lire le texte de Fred Vargas que j'ai trouvé sur un joli blogue, lien sur le titre.

Les écolos parfois me gonflent.

Souvent, même. Leur étalage de certitudes deux sous et leur bonne conscience de décapiteurs me fait parfois froid dans le dos. Et que je te fauche les champs, et que je t’escalade les plateformes et les cheminées, et que je braille des slogans insensés, et que je jette le bébé avec l’eau du bain, et que je refuse d’examiner les sujets qui fâchent autrement qu’en se fâchant. Alors si parfois il attirent la sympathie bourrue, parfois ils se tirent une balle dans le pied et me donnent une urticaire géante qui me les rend insupportables. Ouais mais faut se faire entendre, qu’ils profèrent. Ouais, mais justement, il ne faut pas se faire entendre, il faut se faire écouter.

Alors soudain quand j’entends causer Fred Vargas ou qu’on me la donne à lire sur ces question là, j’ouvre un œil rébarbatif et suspicieux. Parce que Fred Vargas est mon amie, en ce sens qu'elle fait partie de ces rares écrivains dont j'ai l'impression qu'ils écrivent seulement pour moi, et que leur millions d'autres lecteurs sont hors sujet, une sorte d'écriture intime et secrète que je suis seul à percevoir. Je ne voudrais pas qu’elle sombre dans le Landerneau écolo.

Je lis donc, mais ce qui devait se produire avec elle se produit une fois de plus. J’ai l’impression qu’elle écrit pour moi seul, qu’elle a deviné mes allergies. Alors elle me prend là où je laisse prise et m’emmène dans son boudoir. Elle me sert la grande aventure de l’humanité, son métier et mon dada, elle me la déploie sous le nez zen grandes banderoles colorées, et pour un peu je m’y ferais prendre, comme un Adamsberg à moitié endormi. Mais voilà. Je ne suis pas Adamsberg. Je suis une sorte de monstre littéraire, formé de la fusion nucléaire d’Adamsberg dans ses moments de totale absence et de Danglard dans ses moments de lucidité implacable. Oui, ma chère Fred, te voici défiée par l’union sauvage de tes deux créatures. Nonmého. Et je ne marche pas tout à fait dans ton histoire.

Je ne suis pas d'accord avec tout ce que dit Vargas dans son texte, même si elle le dit avec talent. Les positions qu’elle exprime sur la déroute annoncée de l’homme sont à fois radicales et insuffisantes et se laissent aller à l'amalgame et à l'approximation, ce qui est regrettable de la part d'une scientifique.

Radical: tout est à jeter, plus rien ne va, pas un seul juste sur terre sinon moi, Cassandre.

Insuffisant: il te faudrait ajouter, Fred, que le mythe ne date pas d'aujourd’hui, et que l’homme face à sa disparition en tant qu’espèce sera toujours aussi terrifié, que le mythe est permanent ; l'espèce humaine n'a survécu que parce qu'elle a eu sans cesse la conscience collective de cette fragilité.

Je rejette l'idée des trois révolutions que développe mon amie. Nous sommes, pauvres humains nus, confrontés en permanence à un tel défi, pas plus aujourd’hui qu'hier mais pas moins, et au moins depuis l’homme est devenu homme, en cela je me distingue des distingués paléontologue que je nomme homme l’espèce qui un grand soir a su maîtriser le feu. Il n’y a pas si longtemps, tout compte fait.

Ce n’est que ce soir là que nous sommes devenus ce que nous sommes. Résumons le à un soir, qu’il ait duré dix ou cent mille ans. Je dirais moi une petite quinzaine, hier quoi. Or, tout ce qui peut être reproché à ce que nous nommons le progrès, qui a pris un essor fabuleux en deux siècles mais qui pour cela a mis quelques millénaires à se préparer, finit si on reste cohérent avec la logique de critique, par condamner ce soir là de l’invention de la maîtrise du feu. Lisons bien tous ces textes qui dénoncent la folie du progrès, et reprenons bien tous leurs termes : il faut être cohérent, il faut éteindre le feu, derechef, de par le monde entier.

Je ne pourrai jamais entrer dans cette logique là. Le progrès, au sens très général mis aussi au sens très particulier de « confort moderne », est consubstantiel à l’homme. Y renoncer est renoncer à être humain. On peut toujours se retourner vers Diogène si l’on veut, qui récuse le progrès parce qu’il récuse l’homme qui en est le valet, selon lui. Ce faisant, il ne fait que confirmer par l’absurde cette consubstantialité fondamentale et cette erreur de diagnostic que je décèle chez Fred, est qui si répandue chez les écologistes bien-pensants.

OUI, la planète va mal. OUI, l’homme en est responsable. OUI, il va y avoir des catastrophes, pires que toutes les catastrophes anciennes réunies. OUI, on ne sait ni quand ni où ni comment, mais on en est certain. OUI, il faut faire quelque chose. Je préfère préciser, pour donner moins de prise aux amalgameurs fous. Mais je sais que notre seule chance de survie, puisque telle est la question que l’homme se pose depuis qu’il est homme et depuis qu’il a maîtrisé le feu, est justement l’usage intelligent de ce que le progrès technique lui apporte. Sans le feu, l’homme n’existerait pas aujourd’hui, n’aurait jamais existé, et dire que ce serait un bien est aussi stupide que dire que ce serait un mal. Simplement nous ne serions pas là pour en parler et pour y écrire.

Alors il saura traverser les tempêtes et les typhons, les famines et les épidémies, la grippe aviaire et l’asphyxie planétaire. Comment ?

Est-ce que je sais, moi ? Mais il a déjà pris conscience de ce que le progrès technique lui avait fait oublier un instant, soixante ans tout au plus, sa fragilité ontologique, son dénuement naturel, son impuissance absolue dans le cosmos, grâce à des paroles comme celles de Fred avec tous ses défauts et tous ses charmes, grâce aussi à son seul outil qui vaille, son cerveau.

Une autre chose est sûre : s’il détruit les outils qu’il s’est forgé sous prétexte de retour au jardin d’Eden, il ne passera pas l’hiver. Imagine qu’on te coupe le chauffage, là maintenant, et qu’on t’interdise tout feu.

Bonsoir.