vendredi 30 octobre 2009

Conversations avec l’Ours

1. Comment commencer ?

Ce chapitre fera peut-être des petits. J’y reviendrai si mes envies de commentaires quelque part en Gaspésie s’avèrent décidément trop longues. Autant en faire des billets, regrouper ce que je trouve dans une même boîte à malices. Mais rien ne vous empêche d’aller voir sur place si je n’y suis pas, je sais que l’ours y est. Vous gogueulissez Moukmouk et vous avez traversé la mare aux canards, comme il dit.

Qui a dit que le verbe gogueulir n’existait pas ? C’est un verbe régulier, en ir.

Par exemple mercredi dernier, le voici qui décide de défendre l’idée générale des vaccinations générales en général, et d’une grippe alphabétique en particulier. D’où il ressort que les anti-vaccins sont, de près ou de loin, dans leur raisonnement, plus saisis de la peur millénariste et des frayeurs irrationnelles que d’une réflexion sur le fonctionnement des sociétés et de la notion de fraternité. Si mon résumé est nul, il suffit d’aller à la source ou d’attendre le démenti de l’Ours si par hasard un jour il passe par ici s’étant perdu dans la forêt ou plutôt dans la ville, l’ours ne se perd jamais en forêt.

Etant d’accord avec cette idée malgré les objections et les méfiances qu’inspire la campagne actuelle de vaccination mal ficelée, mal expliquée, mal maîtrisée, j’ai écrit un très long commentaire pour apporter mon silex à son tas de briques. Mal m’en a pris ; le commentaire n’a pas survécu à mes tentatives d’immixtion. Les facéties du net pas net, sans doute.

Alors le voici ici, le corps du délit, depuis ma cave douillette et loin des blizzards canadiens. Oui, j’ai dit blizzard, ce qui évitera aux autres de me la faire car on ne me la fait pas.

2. Tout Arrive.

Tout arrive, même que je sois à 100% d'accord avec mon Ours préféré. C'est ici le cas. Une vaccination massive coûtera moins cher que les conséquences d'une diffusion massive de la maladie. Je devine l’objection : quelle maladie ? Cette grippette de rien ? Ce marronnier à journalistes oisifs, cet écran de fumée pour cacher les malfaisances des puissants ?

Je ne crois pas que cette grippe fera beaucoup de morts, elle semblerait même plus anodine que la grippe de base, hormis les phénomènes respiratoires et quelques morts, jeunes souvent mais moins nombreux que sur la route, certains parlent de détail. Il se trouve cependant qu’elle se répand beaucoup plus vite que la grippe analphabète, et qu’elle entraînera certainement des perturbations dans le fonctionnement de la société. En cela, la responsabilité "sociétale" de ceux qui refusent toute vaccination est engagée, puisqu'il s'agit du seul moyen d'empêcher une contamination massive.

Je devine l’objection : c’est le grand capital qui va y perdre dans l’absentéisme massif annoncé, et les malheurs de l’ultra-libéralisme nous laissent indifférents n'est-ce-pas, sinon réjouis. Vous savez déjà ce que je pense de l’usage du mot libéralisme dans ce cas, mais surtout je n’ai pas besoin d’imaginer les absents de la fabrication de biens et des profits qui s’ensuivent pour m’inquiéter ; j’imagine qu'il n'y ait personne à la poste (pas besoin de beaucoup d’imagination d’ailleurs), personne aux urgences (je parle de ceux qui reçoivent, pas de ceux qui attendent), personne pour conduire les trains, pour enseigner les enfants, pour balayer les rues.

Vous avez compris, le tissu de services publics qui soudain se déchire alors même qu’il est déjà mal en point. Le principe d'une société solidaire, je préfère le mot plus riche de fraternelle et vous n’allez pas me dire que vous êtes hostile à ce principe, est que celui qui refuse de se soigner engage la vie de son voisin, et nous pleurons assez après la disparition de cette fraternité pour ne pas rechigner quand elle ressort à la surprise générale, au nom d’une vaccination précautionneuse.

Je sais qu'à la fin de l'hiver, s'il ne s'est rien passé, chacun va ricaner qu'on a crié avant d'avoir mal, et de stigmatiser l'argent jeté par les fenêtres pour la plus grandes joie des bandits pharmaceutiques. Je n'aime pas ce gouvernement et c'est peu de le dire. Mais je resterai silencieux dans cette hypothèse. On ne va quand même pas se plaindre s'il ne se passe rien de tragique, non?

Et s’il se passait quelque chose ?
Pas de sensationnalisme, je ne vais pas imaginer des millions de morts au grand dam des journaux qui aiment bien aligner les nombres horrifiques; J'imagine une pandémie, avec ses millions de journées de travail perdues, son ralentissement économique, son coût de soins curatifs, sa pression d'opinion publique pour trouver des coupables, selon le cas socialistes ou libéraux, je n'ose croire qu'on accuserait tel ou tel peuple élu, telle ou telle confession, mais qui sait? Les voies de l'obscurantisme sont si nombreuses, même en chacun de nous.

Vous me raconterez la suite vous-même, sinon vous allez croire que j’exagère, mais s’il se passait quelque chose de cet acabit ?

Autant l'indifférence et l'inaction du sieur Mattéi m'avait scandalisé lors de la canicule de 2003, 15 000 morts quand même en France, dans la toute bonne conscience du Médecin-Ministre au frais dans sa piscine, autant l'adoption énergique de mesures préventives en urgence et sur une grande échelle me semble un devoir pour les gouvernants.

Au pire, on aura un peu devancé la catastrophe et réduit ses conséquences. Au mieux, on se sera entraîné pour une situation plus grave future.

Je sais, c'est Sarko et c'est Bachelot qui sont aux manettes et rien de bon ne peut sortir de ces néfastes ; alors on tire dans le tas, si je peux me permettre. Désolé, c'est un mauvais combat et peu me chaud leurs motivations secrètes. Quant aux médecins, et à la faculté en général, elle paye de plus en plus pour l'arrogance dont ils font encore preuve face au malade, sous prétexte qu'ils savent et lui non. Tant que cette façon d'être durera, leur parole sera de plus en plus mise en doute au nom de je ne sais quelle magie personnelle, de je ne sais quelle liberté individuelle, et il ne nous restera que la scientologie pour pleurer. Pourtant, quand ils viennent nous vacciner et vacciner nos enfants contre tout ce qui polyomise et tuberculasse, tout ce qui variole et ce qui jaunifèbrille, tétanise et diphtère, je les regarde faire avec un sentiment du devoir accompli.

D’ailleurs, pas plus tard que demain, je vais mettre mon corps à leur disposition pour qu’ils y tranchent le débat, entre Toussaint et Victoire, entre l'appendice et la rectitude. Dépendant de leur habilité et de leur savoir, de leurs précautions et de leur attention, j’oublierai un peu leur éventuelle arrogance de Diafoirus, d’Esculape, d’Hippocrate.

Salut à toi, ô Ours caverneux.

Terminé d’écrire le 30 octobre 2009
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dimanche 11 octobre 2009

Une semaine de Vacances à la Toussaint.

Tumeur, a dit le médecin au patient.
Je meurs, a répondu l’impatient. Kinshasa d’autre ?
Non, pas le Congo, a dit le médecin, mais le Bénin. Un peu cotonneux.

Où et quand ? a dit le patient.
Une chose est certaine, répondit le médecin, vous mourrez. Je ne sais ni où ni quand, mais ce sera d’autre chose, je le sais aussi. Vous mourrez peut-être même avant et je n’y serai pour rien. Je vous propose le jour des morts, le plus tôt sera le mieux. On passe vite du Bénin au Congo, si l’on n’est pas vigilant.

Je n’ai jamais aimé les vigiles rapides, nota le patient. Ils ont vite fait de clouer le pilori avec les tripes dedans. Ce n’est pas parce qu’on désaccorde qu’il faut s’acharner, et les mauvais procès ne bonifieront jamais les causes.
Vous m’embrouillez, dit le médecin.

Pourrais-je écrire, au moins, demanda le patient agacé.
Je ne promets rien, de toute façon personne ne vous attendra.
Qu’en savez-vous ? S’insurgea l’impatient.
Je le sais, c’est tout. Au revoir, mon Côlon. N’oubliez pas le jour des morts, de 10h00 à 16h00 sans les repas, réveil à 17h00. Enfin, théoriquement. J’espère que vous aimez le vert pisseux, je vous garde six jours au chaud.

Au revoir, Monsieur Diafoirus. A bientôt pour le plaisir.
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