lundi 30 novembre 2009

L'école de la République #6/6 : Le 21/11/2009 à 00h30, je persiste et signe, j’antidate.

6. Le 21/11/2009 à 00h30, je persiste et signe, j’antidate.

Ce n'est une surprise pour personne, chacun sait que je suis hostile au rejet de l'école auquel j'assiste et qui ressemble, malgré les mots doux pour le justifier, bien plus à un repli sur soi qu'à une tentative de conquête.

Le mot formatage m'est insupportable car l'école, quels qu'en soient les défauts, est le seul moyen de faire accéder aux enfants à la notion du vivre ensemble. Partager des savoirs communs. Construire des complicités semblables. Non seulement par des rencontres diverses un peu partout au gré du désir et de l’envie, mais par un rendez-vous quotidien, qu’il pleuve ou vente, qu’il neige ou caniculise, de telle heure à telle heure. Quelle que soit la curiosité des enfants, il est des domaines qui leur resteront inaccessibles si l'école ne se mêle pas un peu de les forcer à les regarder en face.

Alors, oui, les classes sont surchargées, certains profs sont nuls, certains autres épuisés, les enfants sont petits, mais on n'enseigne pas non plus de la même façon à des maternelles qu'à des sixièmes et prendre l'exemple de ceux-ci pour justifier l'absence de ceux-là est injuste. La belle idée libertaire menée trop longtemps fera des dégâts dont bien entendu personne ne sera responsable. Sauf bien sûr la "Société".

Nous vivons en société, que nous le voulions ou non, dans cette société-ci faite de beautés et d'horreurs, où l'on rencontre des Akynou de temps en temps, et des Hortefaux parfois aussi ou des Besson. Nous en sommes en partie responsables, de cette société que nous proposons à nos enfants, tout comme nous disions en 68 que la société pourrie de nos parents étaient leur faute.

Ne culpabilisons pas pour autant, et ne jetons pas les bébés avec l'eau du bain. Il nous appartient de leur apprendre à vivre dans cette société, à ces bébés, ou du moins de leur donner les armes pour s'y battre et s'y ébattre. L'orthographe, la belle écriture, le maniement des abstractions, le raisonnement mathématique, la rigueur scientifique, la curiosité perpétuelle, sont autant d'armes et il en est bien d'autres. Et le parent si attentif soit-il, l'enfant si intelligent soit-il, n'accèderont pas à ces richesses sans de solides enseignants qui leur pousseront le cul parfois.

Formatage? Quel mot impropre! Mise en ordre de marche, devrait-on dire. La dureté de l'école d'aujourd'hui n'est rien de plus que la dureté du monde qu'on leur a préparé, et à laquelle ils doivent être préparés.

Mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras et cracher sur cette dure école, il faut combattre avec ce monde d'enseignement pour l'améliorer et cesser de désespérer les profs, qui sont un des derniers remparts contre l'avenir qu'on nous mijote. Rien d'ailleurs n'empêche les parents de poursuivre leur travail de parents que l'école n'assurera jamais, car si les parents ne sont pas l’école, l’école ne remplacera jamais les parents, et la disponibilité de la vacance leur est aussi nécessaire que la contrainte journalière, en les éveillant au monde, au monde des parents et au monde entier, et les fleurs du chemin redeviendront des poèmes.

On peut tant qu’on veut disserter sur Montaigne et Rousseau, de grands classiques de sujets du bac. Mais pour que la tête prenne une forme de bien faite, il lui faut de la matière à l’intérieur. Tout le monde n'a pas la chance d'être Mowgli.

Voilà, je me calme. Bonne nuit à toutes. Le combat touche à sa fin, je vais m’allonger ma tâche est finie, la vôtre commence dès que l’enfant paraît.


Commencé d’écrire le 21/11/2009 chez Lyjazz, terminé dans ma cave le 24/11/2009.

Est-ce une conclusion, un épilogue, une fin des fins ? Non, c’est le texte initial à partir duquel tout ce que j’ai raconté avant s’est inventé, et qui vient désormais comme la justification finale de ce qui précède. J’ai fortement réagi au mot formatage. Est-il si déplaisant que je l’ai d’abord supposé ? Maintenant, je n’en suis plus si sûr. Un formateur est aussi bien celui qui forme que celui qui formate, et la frontière de l’un à l’autre devient floue, incertaine, artificielle même.

Au fond, formation et formatage relève de la même intention, et tout au plus pourrons-nous donner un tour négatif à l’un, en ce sens qu’il déforme la spontanéité initiale, l’innocence primale, et un tour positif à l’autre en ce que la formation constitue le socle sur lequel l’enfant s’invente comme être social, sans quoi il ne pourrait devenir homme, humain. Mais cette différence des mots suppose que l'innocence primale existe. Or je ne crois pas que l’homme, l’humain, soit naturellement bon comme l'affirmait le vieux Jean-Jacques,.

Je prétends que rien n’est inné en lui sinon des circuits silencieux et inertes, et qu'il faut y mettre le courant de l’acquis, mettre le feu.

vendredi 27 novembre 2009

L'école de la république #5/6 : Il n’y a pas de défaite de la pensée.

5. Il n’y a pas de défaite de la pensée.

Et moi au milieu avec mon idéal imbécile, je vois déferler vers moi l’invincible armada perse, qui veut faire disparaître l’école comme nulle et non avenue, trop chère, trop inutile, trop éloignée de la rentabilité, toutes ces têtes brunes et blondes qui feraient mieux de produire au lieu de dormir sur leur radiateur, à quoi servent la mathématique et le latin et l’orthographe et l’histoire et la géographie. J’entends tous les jours chacun se vanter d’être nul en histoire, nul en math, nul en philo, une orthographe de merdre, mais attention je parle anglais quand même faut pas pousser, je l’ai appris en écoutant les Beatles.

L’ignorance est devenue un passeport pour les dîners en ville.

N’exagérons rien. Tu ne feras pas ton petit Finkalain. Alain la Croûte. Tu ne porteras pas le fer du général sur le comportement de foules particulières. Nombreux sont ceux qui croient aux mêmes choses que toi et tu ne devras pas les abandonner à l’éructation défaitiste de l’échevelé de la lucarne.

Ma description porte sur l’armée qui se déverse et qui noircit mon horizon, qui va piétiner mon idéal. Je suis coincé dans mes Thermopyles et je vais être balayé. Là-bas, de l’autre côté de la terre, l’école doit avoir le temps de se préparer, il faut non point que j’arrête l’impossible, mais que je le retarde assez que les idées puissent se clarifier dans les têtes des défenseurs, que les caricatures cessent de se jeter en pâture les unes aux autres, que monsieur Global et Monsieur Syllabique soient bien réconciliés ils le sont d’ailleurs et depuis longtemps mais ils symbolisent tout ce qui encore peine à se faire jour dans cette école de la République pour qu’elle sache résister à l’envahisseur obscur.

J’ai confiance en elle, et le combat que je livre ici, même perdu je sais ne pas le livrer en vain. Hier j’ai commencé à donner de la poudre et des balles. Il me reste juste à conclure. Voici venir les derniers mots que je vais dresser sur le chemin de tous ces mornes soldats.
à suivre.
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jeudi 26 novembre 2009

L’école de la République #4/6 : De belle lurette, l’école ne formate plus personne.

4. De belle lurette, l’école ne formate plus personne.

Si l’enseignant désormais se permet un froncement de sourcil en direction du pauvre chéri que l’on formate, j’ai entendu le mot dans la salle, c’est en effet soit sa voiture, soit sa santé, soit sa carrière, qui en prennent plein les vitres, coincé entre le bon désir du roi et les exigences des usagers, on dit usagers et bientôt on dira clients donneurs d’ordres, de toute façon on ne dit plus parents encore moins citoyens. Encore heureux s’il ne sort pas de l’établissement entre deux gendarmes, sans un regard des collègues qui se sont depuis longtemps défilés.

On l’a oublié, que les enseignants d’aujourd’hui vivent plus dans la solitude et la peur que dans la pédagogie. Même leurs syndicats l’ont oublié, savent-ils encore ce qu’ils sont ?

Quelques chevaux légers renforcent cette armée de la Mer. Et surprise, ce sont les mêmes, oui, les mêmes que ceux de l’armée de la Montagne. Vous n’aimez pas que je me répète, vous avez tellement raison que je vais me répéter, mettre beaucoup de points sur chacun de mes zi, enfoncez vous ça dans la tête disait le bon Boris avec la voix douce d’Henri. Je vais être un peu long, il le faut.

Tous ces chevaux légers qui réclament que seule leur vérité à eux de parents soit dite, au nom de leur racines, au nom de leur différence, au nom de je ne sais quoi mais qui ne relève pas de notre bien commun. Et ne venez pas me dire que l’arbitraire les désigne comme hors du bien commun, ce n’est pas l’arbitraire, ce sont nos deux mille ans de réflexions.

Vous avez ceux qui veulent que Dieu ait tout créé il y a Six mille ans et pas plus c’est calculé scientifiquement dans la Bible ; vous avez ceux qui proclament que seul Allah est grand et Mohammad son prophète et que la face voilée de la lune concerne toutes les femmes, et vous autres monothéistes d’autres bords ne ricanez pas vous ne valez pas plus cher avec vos réclamations ; ainsi, pourquoi ferait-on une histoire des religions puisqu’il n’y en a qu’une est qu’elle est déjà écrite, et qu’il y en ait trois ne veut rien dire puisque seule la mienne est la vraie, disent-ils tous en chœur, tous unis pour formater.

Je peux vous en trouver d’autres, des exemples : je vois nos élites pour qui seul est grand Adam Smith, et ses thèses sont notre Bible notre Coran bien qu’il fût presbytérien, pourquoi égarer nos têtes blondes avec Marx et ses reîtres, soyons rapides et efficaces, time is money money money, money jungle ; je ne peut plus finir ma phrase, voici le pire qui approche, voici le vol noir de ceux qui exigent que soit débattue l’idée que l’on peut certes prétendre qu’on a peut-être déporté des millions d’êtres humains d’ici vers là-bas mais qu’il faut pouvoir par souci d’objectivité, ils osent dire objectivité, examiner la thèse contraire, vous connaissez aussi bien que moi le piège du débat utilisé pour valider l’invalide.

Toutes ces smalas et toutes les autres qui ne supportent pas l’idée qu’on enseigne à leur chéri de quoi les conduire à l’interroger, elle, la smala inquiète tout à coup du regard de l’enfant interrogateur. Elle a raison d’être inquiète, empêchons la de nuire.

Voilà, c’est cela, l’enseignement libre qu’on nous vante avec des couronnes de fleurettes. C’est cela ce qui se cache derrière l’enfant qui innocent et curieux pose dans l’épanouissement total les questions rafraîchissantes de sa logique naissante. Il faut savoir être clair et net, il faut savoir refuser le débat de ce qui n’a pas lieu d’être débattu, il faut savoir définir et imposer les méthodes, discerner ce qui est avéré et ce qui est hypothèse, étudier jusqu’à plus soif la mathématique des ensembles sans laquelle nul ne connaîtra la stratosphère joyeuse et humble du chaos, des fractales et de la théorie des cordes.

Bien sûr qu’une collectivité, une nation toute entière, dès lors qu’elle prétend transmettre sa raison d’être d’une génération à l’autre, va construire un corpus de vérités dont nous savons tous qu’elles sont provisoires, incertaines, discutables. Mais ce corpus est le corps de la civilisation dont nous sommes, et que nous devons remettre en ordre de marche à nos enfants. Ils en feront ce qu’ils pourront, mais je suis plus confiant dans la validité de ce corpus que dans les caprices fragmentaires, limités, religieux, ou idéologiques d’un seul bord, que les individus aussi bien intentionnés soient-ils, pourraient transmettre chacun de leur côté.

En tant que parents, libre à eux de le faire. C’est même leur devoir. Mais la Société se doit d’intervenir au-delà des parents pour sa propre pérennité, et s’en donner les moyens. Toute renonciation de la Société sur ce point est pour elle renonciation à survivre. Armé de la sorte, l’enfant, citoyen à venir, disposera des outils pour interroger son monde, et appuyer là où il a mal.

Je me suis un peu égaré dans ma phrase, j’ai engagé mon combat alors que toutes les forces en présence ne sont pas encore arrivées. Mais vous me voyiez déjà venir, alors j’y suis.

Ce sont les mêmes, ces chevaux légers de l’individualisme d’apprentissage. Ils se mêlent aux deux armées de la Montagne et de la Mer, et les deux armées les acceptent en un renfort inespéré et douteux.

à suivre.

mercredi 25 novembre 2009

L’école de la République #3/6 : Libertitude et Larzac.

3. Libertitude et Larzac.

Côté mer. Je veux bien admettre que le soleil y brille davantage et qu’on peut y bronzer en éventail, en épouvantail aussi d’ailleurs. Moi monsieur, mon enfant est épanoui, il est libre, il voit une petite bête, je la nomme coccinelle et il s’émerveille de sa beauté. Du matin au soir, le voici qui court de bestiole en herbe folle et qui me demande les noms et le pourquoi du comment, et je lui raconte mes histoires et mes légendes dorées. Il retient tout mon gamin joli, il rit à la vie, il admire le crépuscule des Dieux, il se prosterne devant le lever de Râ. Enfin non, je m’égare. Il sait que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil et que les gens de l’autre côté même s’ils ont la tête en bas n’ont pas la tête à l’envers.

Quand il grandira, il saura qu’il peut me poser toutes les questions qu’il voudra sans aucun tabou et que je saurai lui donner les réponses moi la mère toute présente toi le père tout-puissant. Au pire, il y aura toujours Wikipédia. Victoire, nous échappons aux scrogneugneu, à l’embrigadement, au conformisme, quelqu’un là-bas a dit formatage, j’ai bien entendu. Victoire, l’enfant échappe au tortionnaire avec sa règle à taper sur les doigts, on sait combien il doit en survivre aujourd’hui dans les écoles même pas le nombre qu’il faudrait pour taper dessus, il échappe au racket des petits voyous de la sortie de 16h30, il échappe aux vérités révélées même pas contrôlées par les parents, aux incompétences des discours de savants mal habillés incapables d’attirer une seule minute d’attention, et sa joie de vivre n’est pas bousculée dans des couloirs encombrés de hurlements.

Vous savez très bien que quelques unités d’élite de ces gens là ont été formées dans l’ancien camp militaire du Causse de Larzac, nostalgie quand tu nous tiens, mais ce ne furent que quelques unités d’élite qui ne sont pour rien dans le succès foudroyant de cette mode, non seulement réservée aux parents, mais peu à peu instillée dans les écoles par les plus austères des inspecteurs et des ministres, peu importe qu’ils soient Ghelfes ou Gibelins, non par raison pédagogique mais par tentation démagogique. Ils ont retiré un par un les instruments du combat nécessaire des enseignants, en commençant à juste titre par les plus contondants, puis emportés par leur élan se sont rués dans la pente savonneuse et injustifiable, en leur ôtant tout ce qui pouvait ressembler mon Dieu quelle horreur à un début d’autorité légitime.

Toi l’instit, maintenant tu fais avec ou plutôt tu fais sans avec tes trente-cinq rugissants, tu as la vocation oui ou non, et en plus tu réclames un meilleur salaire, on aura tout vu avec ces fonctionnaires.

Mais pour autant, le formatage a la vie dure dans les têtes.
à suivre.

mardi 24 novembre 2009

L’école de la République #2/6 : Scrogneugneu.

2. Scrogneugneu.

Plus personne ne veut de ce bon vieux temps là, où pourtant les maîtres étaient maîtres, et où l’Excellence de la République permettait de se hisser au dessus de sa condition de départ, ici ou là, pour jargonner comme chacun jargonne encore aujourd’hui malgré le temps passé. Vous les connaissez tous, nos tribuns jargonnant qui se gonflent et nous gonflent d’Excellence, en multipliant les zixces et les zesses et les ailes pour s’en remplir plein la bouche et nous en mettre plein les yeux.

Dans le même camp que ces dinosaures si bien caricaturés que personne d’entre vous ne voudra y ressembler, même si la caricature cache une nostalgie pour beaucoup d’entre nous, il faut placer ceux qui réclament à tue-tête une école à leur exclusif service. Où seules les vérités décidées du clan, parental, familial, villageois, régional, national, seront dites. Il ne sera pas question de parler aux têtes blondes de Monsieur Darwin par exemple, ou alors, piège parfait, laisser planer la possibilité d’un débat avec les créationnistes ; il ne sera pas question de raconter l’histoire des religions, chacun sait qu’il n’y a qu’une religion, celle-ci là que je désigne et pas celle du voisin d’à côté ou d’en face, les religions n’ont pas d’histoire, il a LA religion un point c’est tout. Alors l’école devra se soumettre au plus fort du coin.

Il y a dans ce camp hétéroclite les petits chefs qui veulent l’enseignant à leur botte. Qu’il dise ce qu’on lui dit de dire. Qu’il déroule le tapis rouge devant l’enfant du notable, ou du caïd. Sinon, gare aux pneus, gare au canif, gare au grand frère, gare à la mutation. Il y a dans ce camp tous ceux qui confondent enseignant et domestique, sans parler de la hiérarchie qui s’en mêle, qui s’emmêle, qui enfonce. Et tous ceux qui pensent que l’école est un accueil, pour occuper les enfants pendant la journée, et rien d’autre.

Vous ne le croyez pas, mais ils font tous partie de la bande des scrogneugneu, les mêmes qu’autrefois, ils ont changé la couleur de leur nez rouge, c’est tout. Ils sont tous complices. Ils embrigadent, profs ou parents, ils veulent des enfants à leur image, strictement conformes. J’entends quelqu’un qui a dit formaté, là-bas au fond. Mot inutile, conforme me suffit. Conformes à l’objectif, car voilà le péché originel : ils ont tous un objectif. A quoi sert l’école, voilà ce qu’ils demandent, et ils ont la réponse à la bouche aussitôt. Leurs réponses sont terriblement précises, mais elles sont toutes différentes. Comme si cette question pouvait seulement avoir une réponse.

Ils sont installés sur les flancs de la montagne.

à suivre.

lundi 23 novembre 2009

L’école de la République #1/6 : Lieux communs.

1. Lieux communs.

Chacun va sourire. Une idéologie rétrograde, qui sent de loin son moisi de troisième République, un idéalisme enfantin depuis longtemps réfuté par les faits, une incantation devenue lettre morte sous les coups de boutoir de la modernité. Vers la montagne j’ai mes ennemis qui ne jurent que par l’obligation d’inculquer aux enfants les seules vérités dignes de ce nom aux yeux des parents ou des ministres, des coteries ou des idéologies, que celles-ci soient bâties sur la verte prairie ou sur la ligne Maginot ; vers la mer j’ai mes ennemis qui ne jurent que par l’enfant magnifique qui découvre de lui-même les merveilles du monde et qu’il ne faut surtout pas interrompre en si bon chemin.

Les valeurs de scrogneugneu contre l’épanouissement naturel, montagne ; les valeurs de Rousseau contre l’enrôlement de la chair à canon, qu’il soit pour de nerf de guerre ou pour de ver de paix, mer. Je suis dans l’étroite bande de terre entre mer et montagne et je dois arrêter l’avance des armées Perses pour donner le temps aux gens de la Grande Ville d’organiser le siège. Je suis un Léonidas en médaille, par avance j’ai perdu la bataille. L’important n’est pas l’issue fatale, mais le temps qu’il faudra.

Examinons les forces en présence. Il y a d’abord le bon vieux temps. Les élèves étaient sages, la tête baissée sous la férule de l’instituteur, terrifiés par les coups de règle sur les doigts et la mèche de cheveux tournée derrière l’oreille. Ils copiaient sous la dictée, ils ânonnaient les récitations et les tables de multiplications, ils vérifiaient que les trains se croisaient bien à Laroche-Migennes plutôt qu’aux Aubrais, ils répétaient que le grand Ferret avait eu tord de boire de l’eau quand il avait trop chaud, mais c’était peut-être un autre, Jeanne Hachette ou Jacquou le Croquant.

A la fin, certif en poche, ils entraient à Creusot-Loire et y mourraient à 55 ans de poumons encrassés pour les plus chanceux ; les autres étaient morts à la guerre à 18 ans. Canon de paix, canon de guerre.
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vendredi 13 novembre 2009

#2/2 - De l'identité française: nationalisme et identités, encore OTIR.

Réponse à OTIR sur le refus du nationalisme.

Bonsoir OTIR.

OTIR a dit, entre autres choses : « Je ne suis pas d'accord avec toi que toutes les nationalités seraient similaires et indistinctes les unes des autres, je crois bien que c'est tout le sens que j'essaye de donner à mes billets sur les différences culturelles ».

Je ne pense pas justifier ton désaccord, chère OTIR, il faut donc que je précise, et bien que tu aies peu de temps, je vais t'en voler encore un peu.

Je ne crois pas que notre désaccord en soit un. Ce qui me semble commun à toutes les nationalités, et aux identités qu'on tente de nous imposer à ce titre, c'est le côté enfermement. Pour cela, je n'ai jamais voulu y adhérer. Pour autant, je ne suis pas de ceux qui se disent "citoyens du monde", reniant par là leur propre construction, qu’on nomme cette construction du mot de nationalité, d’identité, de culture, de tradition, ou de tout autre mot, qui, même s’ils ne sont pas similaires, participent tous à d’une part un enfermement, d’autre part à une originalité.

Si je me sors lentement et prudemment de ce refus de la notion de l'identité, trop vite confondue avec le nationalisme qui est le ressort caché et pervers de ce "débat" bessonnien, c'est justement parce que je me suis assez frotté à ces identités innombrables qui se télescopent dans le monde, du Pérou au Nevada, du Golfe persique à l'Afrique du sud, de la Norvège au Maroc, de la banlieue ouest de Paris au 93, j’en passe et des meilleures, pour savoir qu'il est de richesses de partout et que notre propre identité ne peut se construire qu'en se frottant à ces autres là.

J'ai écrit quelque part que seule la confiance en notre propre identité nous permet de nous confronter à celle des autres sans s'y perdre ; bien au contraire, en y gagnant beaucoup, par emprunts, mises en cause, regard en recul ou en miroir, et lentement par capillarité si affinité, et je l’ai déjà dit, par confrontation, n’ayons pas peur de foncer dans le tas si l’envie nous en prend, tant qu’on garde le respect, mais seul un toromachiste comprendrait.

J'en tire l'idée que j'ai exprimée dans mon billet de Bloghumeur, copie de mon commentaire ici, que notre identité française (il faut bien lui donner un nom) résulte de ce travail foutraque de construction mentale auquel nous sommes tous attelés peu ou prou. Y compris l'idée de prendre ailleurs ce qui peut nous convenir ou nous renforcer, y compris aussi l'idée rigolote de débattre du débat.

Entre nous soit dit, la tradition juive, pour ce que j'en sais, se repait elle aussi, de débats sur les débats, et se nourrit jusqu'à l'infini de polémique sur la façon de poser ou de ne pas poser la bonne question. Ce n'est pas une moquerie, je trouve cela jouissif au contraire, c’est une des voies de liberté qu'on se donne. Cette approche "identitaire" est rare, je la trouve chez nous franco-français comme je l'ai aperçue chez de nombreux juifs. Chic, encore un débat franco-français, comme dirait Obélix.

Je ne l'ai pas trop vu ailleurs, ce goût de la polémique du détail, du je ne sais quoi et du presque rien, quelle que soit la richesse des autres cultures, des traditions lointaines ou proches, et quelle que soit la force des nationalités croisées. Dont l'espagnole, cher Pablo, qui m'a pourtant fortement capillarisé.

Ceci dit, j'ai encore beaucoup à réfléchir sur ces principes, je ne suis pas au bout de ma pensée et je ne suis pas sûr que mon Moine préféré ait envie de me suivre sur ce terrain. Ce que j'aime dans mon identité française, puisque ces mots me sont imposés pour l'exercice, c'est qu'elle est floue et fluctuante, et comme dit l'autre, fluctuat nec mergitur. Le débat nous est imposé, à nous de le détourner pour la plus grande confusion de ses instigateurs en chemises brunes.

Mis en ligne le 13/11/2009.

mardi 10 novembre 2009

#1/2 - De l’identité française : une réponse à OTIR.

Commentaire envoyé le 10/11/2009 à 23h30, chez OTIR.

Une petite idée qui fait son chemin dans ma tête depuis que le sujet est abordé de partout par chez nous. Que ce débat soit ou non utile, je ne sais, mais qu'il nous soit imposé, voilà qui est certain. Alors la petite idée, pour ne pas être en reste.

L'idée de France, et d'identité française, n'existe pas en soi. Pour reprendre un mot de Julio, nous sommes d'abord des "homo sapiens sapiens", dont une des nécessités de survie est de rester groupés. Peut-il y avoir une spécificité française, dans ces conditions, ou n'est-ce qu'une forme de regroupement comme le sont chaque nation, chaque tribu, chaque club, chaque syndicat, chaque parti, chaque coterie ...? Je veux dire que ce qui définit ce groupe est-il du même acabit que ce qui définit n'importe quel autre groupe, et pour prendre ceux qui lui ressemble le plus, n'importe quelle autre nation ?

Ma réponse a longtemps été oui : nous ne sommes qu'un groupe parmi d'autres similaire, ni bien ni mal, groupe car sans groupe point d'humain.

Mais une idée s'est fait un chemin lentement qui n'a pas encore abouti: au delà de la langue, qui réunit bien plus que l'identité française et dans laquelle je me sens bien où que je sois, Québec ou Sénégal, Liban ou Corrèze, au delà du territoire qui m'ancre et qui m'encre, d'où je peux divaguer sans crainte car je sais y revenir, territoire subtil et géométrique, contradictoire et irréfutable, j'imagine l'identité française comme un projet qui ne sera jamais accompli mais auquel chacun de nous adhère à sa façon. Sans que quiconque n'ait défini ce qu'est le projet, pourquoi ce projet, comment ce projet, sans qu'un cahier des charges n'ait jamais été écrit, une sorte d'ectoplasme positif, nous sommes tous à y fourailler, à y mettre nos petits cailloux et nos gros pavés.

Les tiraillements dans tous les sens, les contradictions, les démolitions et les recommencements, font que cahin caha le projet prend une forme que l'on croit distinguer en clignant des yeux un bref instant et qui s'évanouit l'instant d'après.

Voilà l'identité française. Nulle transcendance, nulle évidence devant lesquelles on s'incline plein d'admiration et de respect, mais un gros tas grouillant de nous tous à vouloir lui donner forme. Le jour où le tas aura pris forme et où nous nous reculerons pour admirer la statue magnifique, ce jour là la France n'existera plus.

Bonsoir, OTIR.