lundi 7 juillet 2008

INGRID

INGRID


J’avais répondu très longuement à quelques commentaires posés sur le plaidoyer pour Ingrid. J’ai eu envie de reprendre la réponse un peu brouillonne et de la transformer en billet. Un peu d’ordre, quelques corrections de formes, et voici.

Je suis heureux de la libération d'Ingrid Bétancourt. Je n'y croyais pas trop, et je restais plutôt dans l'état d'esprit d’inquiétude fataliste, devant l’inexorable avancée de la bêtise simultanée des FARCs et des militaires Uribéens. Ainsi l’avait aussi ressenti Loïs.

J'avais surtout cette idée que les rodomontades militaristes d'Uribe allaient à l'inverse de leurs objectifs, de même d'ailleurs que les FARCs, qui avaient perdu à mes yeux toute légitimité dans leur faux combat, et étaient devenus rien de plus que des mafieux parmi d'autres. Et ce depuis fort longtemps, et indépendamment du sort réservé à Ingrid Bétancourt. Le seul fait de recourir à des otages avait révélé leur véritable nature, aggravée d’une incompétence manifeste dans l'art de faire accepter les faits d'armes par les opinions publiques locales et internationales. Il en est ainsi quelle que soit la cause qu'on défend et quels que soient les otages dont on se saisit, civils passés là par hasard, militants de la cause adverse, paramilitaires au lourd passé, ou, comme c'était le cas ici, militante d'une cause qui aurait dû être commune au départ.

Je veux bien, à l’extrême rigueur, accepter qu’il n’en était pas ainsi au début, et que les rêves des jeunes guérilleros étaient nobles. Ils n’ont pas su éviter la dérive, trop fréquemment rencontrées de par le monde pour ne l’attribuer qu’à des contingences locales.

Leur combat est perdu d'avance et la seule incertitude est le nombre de morts qu'il faudra pour le voir cesser. En réalité il a déjà cessé, et la libération des paysans n'a pas besoin des FARCs, bien au contraire. Reste la cocaïne, l'argent sale, et les soldats perdus qui ne savent plus ce qu'ils sont, restent d’autres otages qu’il ne faut pas oublier.

Restent quelques imbéciles qui font la moue devant la libération d'Ingrid Bétancourt, au motif que ce ne serait pas un évènement politique, au motif que la dame est sans importance, au motif que les affaires familiales ne nous regardent pas, au motif que cette libération donne du prestige à Uribe et, pourquoi pas, à Sarkozy.

Pour Sarkozy, et malgré les remerciements de la dame à ce Monsieur, je pense que c'est à la France, à nous dans notre modestie multiple, qu'elle s'adressait, ne la bafouons pas par un mépris de mauvais aloi et d'arrogance insupportable. Pour Uribe, je reconnais bien volontiers avoir sous-estimé ses capacités à prendre en compte les échecs passés, et pour autant je ne lui donne pas un blanc-seing pour sa politique. Je note cependant son actuelle popularité, et je me dois de la respecter, si je veux contribuer à ce que la Colombie devienne, lentement, une démocratie.

Il est des gouvernements de droite et affiliés aux américains qui peuvent, par le fait des évènements, prendre un virage démocratique presque à leur corps défendant, et c'est peut-être ce qui arrive.

Ingrid n'est pas une femme d'importance méprisable par nos ridicules arrogants aux pensées de marée basse des blogues d'ici et là, elle est devenue, et elle se serait bien passé de ce chemin pour y parvenir, une voix majeure dans le concert des nations, une voix majeure de la Colombie, qu'on le déplore ou s'en réjouisse.

Ne me dites pas idolâtre ; ses gesticulations religieuses lourdes et papales m'agacent déjà. N'empêche, je ne retire rien de mon admiration, ou plutôt, de mon respect pour elle et ses idées, quant elle deviendrait un jour une alliée d'Uribe en Colombie, ou pire, un porte-voix de Sarkozy pour remonter ses bretelles de popularité défaillante.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Nous sommes tout à fait d'accord, sur tout. Ingrid Bétancourt a conquis son statut politique par son courage et son endurance, et aussi par le savoir faire savoir des siens... famille de politiques.

Elle a aussi l'élégance d'être fidèle.

"Les gens d'ici" se laissent prendre soi aux gesticulations sentimentalo romanesques d'une presse en mal de marronniers, soit à un égoïsme "de ceux auxquels on ne la fait pas", mais cette femme est désormais une voie qui compte.

Andrem Riviere a dit…

Hier soir encore samedi, soirée entre amis où j'ai dû subir les assauts génraux, seul contre tous, de l'argument du complot international destiné à nous enduire d'erreur et à nous cacher la "VRAIE" misère du monde et la mafaisance de l'impérialisme capitaliste.

Vous comprenez, qu'ils disent, mais j'y suis allé, en Amérique latine, alors j'ai tout compris (voyage d'une semaine en car, note de l'auteur). Ils sont donc persuadés que ce n'est que du cinéma et que la captivité d'Ingrid n'est rien qu'une résidence de luxe secrète au fond de la jungle pour nous amuser, nous bas-peuple prompt à s'émotionner d'un rien.

Oui, émotionner est le bon mot en la circonstance.

Merci de me remonter le moral, devant une telle force de bêtise qu'on se croirait face à des nonistes. D'ailleurs ils l'étaient, aussi.

Anonyme a dit…

Délibérément je me suis écartée du battage médiatique - bien facile quand on vit derrière les haies (lieudit)- pour me réjouir en silence
J'ignore si elle a un avenir politique, c'est aussi une voix en passe d'être recours, elle a des convictions d'humanité et je présume qu'elle se fiche complètement (presque) de la remise d'une distinction qui n'a de vrai sens que dans ses valeurs d'honneur. L'agité ne redore pas son blason pour autant !