lundi 30 novembre 2009

L'école de la République #6/6 : Le 21/11/2009 à 00h30, je persiste et signe, j’antidate.

6. Le 21/11/2009 à 00h30, je persiste et signe, j’antidate.

Ce n'est une surprise pour personne, chacun sait que je suis hostile au rejet de l'école auquel j'assiste et qui ressemble, malgré les mots doux pour le justifier, bien plus à un repli sur soi qu'à une tentative de conquête.

Le mot formatage m'est insupportable car l'école, quels qu'en soient les défauts, est le seul moyen de faire accéder aux enfants à la notion du vivre ensemble. Partager des savoirs communs. Construire des complicités semblables. Non seulement par des rencontres diverses un peu partout au gré du désir et de l’envie, mais par un rendez-vous quotidien, qu’il pleuve ou vente, qu’il neige ou caniculise, de telle heure à telle heure. Quelle que soit la curiosité des enfants, il est des domaines qui leur resteront inaccessibles si l'école ne se mêle pas un peu de les forcer à les regarder en face.

Alors, oui, les classes sont surchargées, certains profs sont nuls, certains autres épuisés, les enfants sont petits, mais on n'enseigne pas non plus de la même façon à des maternelles qu'à des sixièmes et prendre l'exemple de ceux-ci pour justifier l'absence de ceux-là est injuste. La belle idée libertaire menée trop longtemps fera des dégâts dont bien entendu personne ne sera responsable. Sauf bien sûr la "Société".

Nous vivons en société, que nous le voulions ou non, dans cette société-ci faite de beautés et d'horreurs, où l'on rencontre des Akynou de temps en temps, et des Hortefaux parfois aussi ou des Besson. Nous en sommes en partie responsables, de cette société que nous proposons à nos enfants, tout comme nous disions en 68 que la société pourrie de nos parents étaient leur faute.

Ne culpabilisons pas pour autant, et ne jetons pas les bébés avec l'eau du bain. Il nous appartient de leur apprendre à vivre dans cette société, à ces bébés, ou du moins de leur donner les armes pour s'y battre et s'y ébattre. L'orthographe, la belle écriture, le maniement des abstractions, le raisonnement mathématique, la rigueur scientifique, la curiosité perpétuelle, sont autant d'armes et il en est bien d'autres. Et le parent si attentif soit-il, l'enfant si intelligent soit-il, n'accèderont pas à ces richesses sans de solides enseignants qui leur pousseront le cul parfois.

Formatage? Quel mot impropre! Mise en ordre de marche, devrait-on dire. La dureté de l'école d'aujourd'hui n'est rien de plus que la dureté du monde qu'on leur a préparé, et à laquelle ils doivent être préparés.

Mais ce n'est pas une raison pour baisser les bras et cracher sur cette dure école, il faut combattre avec ce monde d'enseignement pour l'améliorer et cesser de désespérer les profs, qui sont un des derniers remparts contre l'avenir qu'on nous mijote. Rien d'ailleurs n'empêche les parents de poursuivre leur travail de parents que l'école n'assurera jamais, car si les parents ne sont pas l’école, l’école ne remplacera jamais les parents, et la disponibilité de la vacance leur est aussi nécessaire que la contrainte journalière, en les éveillant au monde, au monde des parents et au monde entier, et les fleurs du chemin redeviendront des poèmes.

On peut tant qu’on veut disserter sur Montaigne et Rousseau, de grands classiques de sujets du bac. Mais pour que la tête prenne une forme de bien faite, il lui faut de la matière à l’intérieur. Tout le monde n'a pas la chance d'être Mowgli.

Voilà, je me calme. Bonne nuit à toutes. Le combat touche à sa fin, je vais m’allonger ma tâche est finie, la vôtre commence dès que l’enfant paraît.


Commencé d’écrire le 21/11/2009 chez Lyjazz, terminé dans ma cave le 24/11/2009.

Est-ce une conclusion, un épilogue, une fin des fins ? Non, c’est le texte initial à partir duquel tout ce que j’ai raconté avant s’est inventé, et qui vient désormais comme la justification finale de ce qui précède. J’ai fortement réagi au mot formatage. Est-il si déplaisant que je l’ai d’abord supposé ? Maintenant, je n’en suis plus si sûr. Un formateur est aussi bien celui qui forme que celui qui formate, et la frontière de l’un à l’autre devient floue, incertaine, artificielle même.

Au fond, formation et formatage relève de la même intention, et tout au plus pourrons-nous donner un tour négatif à l’un, en ce sens qu’il déforme la spontanéité initiale, l’innocence primale, et un tour positif à l’autre en ce que la formation constitue le socle sur lequel l’enfant s’invente comme être social, sans quoi il ne pourrait devenir homme, humain. Mais cette différence des mots suppose que l'innocence primale existe. Or je ne crois pas que l’homme, l’humain, soit naturellement bon comme l'affirmait le vieux Jean-Jacques,.

Je prétends que rien n’est inné en lui sinon des circuits silencieux et inertes, et qu'il faut y mettre le courant de l’acquis, mettre le feu.

vendredi 27 novembre 2009

L'école de la république #5/6 : Il n’y a pas de défaite de la pensée.

5. Il n’y a pas de défaite de la pensée.

Et moi au milieu avec mon idéal imbécile, je vois déferler vers moi l’invincible armada perse, qui veut faire disparaître l’école comme nulle et non avenue, trop chère, trop inutile, trop éloignée de la rentabilité, toutes ces têtes brunes et blondes qui feraient mieux de produire au lieu de dormir sur leur radiateur, à quoi servent la mathématique et le latin et l’orthographe et l’histoire et la géographie. J’entends tous les jours chacun se vanter d’être nul en histoire, nul en math, nul en philo, une orthographe de merdre, mais attention je parle anglais quand même faut pas pousser, je l’ai appris en écoutant les Beatles.

L’ignorance est devenue un passeport pour les dîners en ville.

N’exagérons rien. Tu ne feras pas ton petit Finkalain. Alain la Croûte. Tu ne porteras pas le fer du général sur le comportement de foules particulières. Nombreux sont ceux qui croient aux mêmes choses que toi et tu ne devras pas les abandonner à l’éructation défaitiste de l’échevelé de la lucarne.

Ma description porte sur l’armée qui se déverse et qui noircit mon horizon, qui va piétiner mon idéal. Je suis coincé dans mes Thermopyles et je vais être balayé. Là-bas, de l’autre côté de la terre, l’école doit avoir le temps de se préparer, il faut non point que j’arrête l’impossible, mais que je le retarde assez que les idées puissent se clarifier dans les têtes des défenseurs, que les caricatures cessent de se jeter en pâture les unes aux autres, que monsieur Global et Monsieur Syllabique soient bien réconciliés ils le sont d’ailleurs et depuis longtemps mais ils symbolisent tout ce qui encore peine à se faire jour dans cette école de la République pour qu’elle sache résister à l’envahisseur obscur.

J’ai confiance en elle, et le combat que je livre ici, même perdu je sais ne pas le livrer en vain. Hier j’ai commencé à donner de la poudre et des balles. Il me reste juste à conclure. Voici venir les derniers mots que je vais dresser sur le chemin de tous ces mornes soldats.
à suivre.
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jeudi 26 novembre 2009

L’école de la République #4/6 : De belle lurette, l’école ne formate plus personne.

4. De belle lurette, l’école ne formate plus personne.

Si l’enseignant désormais se permet un froncement de sourcil en direction du pauvre chéri que l’on formate, j’ai entendu le mot dans la salle, c’est en effet soit sa voiture, soit sa santé, soit sa carrière, qui en prennent plein les vitres, coincé entre le bon désir du roi et les exigences des usagers, on dit usagers et bientôt on dira clients donneurs d’ordres, de toute façon on ne dit plus parents encore moins citoyens. Encore heureux s’il ne sort pas de l’établissement entre deux gendarmes, sans un regard des collègues qui se sont depuis longtemps défilés.

On l’a oublié, que les enseignants d’aujourd’hui vivent plus dans la solitude et la peur que dans la pédagogie. Même leurs syndicats l’ont oublié, savent-ils encore ce qu’ils sont ?

Quelques chevaux légers renforcent cette armée de la Mer. Et surprise, ce sont les mêmes, oui, les mêmes que ceux de l’armée de la Montagne. Vous n’aimez pas que je me répète, vous avez tellement raison que je vais me répéter, mettre beaucoup de points sur chacun de mes zi, enfoncez vous ça dans la tête disait le bon Boris avec la voix douce d’Henri. Je vais être un peu long, il le faut.

Tous ces chevaux légers qui réclament que seule leur vérité à eux de parents soit dite, au nom de leur racines, au nom de leur différence, au nom de je ne sais quoi mais qui ne relève pas de notre bien commun. Et ne venez pas me dire que l’arbitraire les désigne comme hors du bien commun, ce n’est pas l’arbitraire, ce sont nos deux mille ans de réflexions.

Vous avez ceux qui veulent que Dieu ait tout créé il y a Six mille ans et pas plus c’est calculé scientifiquement dans la Bible ; vous avez ceux qui proclament que seul Allah est grand et Mohammad son prophète et que la face voilée de la lune concerne toutes les femmes, et vous autres monothéistes d’autres bords ne ricanez pas vous ne valez pas plus cher avec vos réclamations ; ainsi, pourquoi ferait-on une histoire des religions puisqu’il n’y en a qu’une est qu’elle est déjà écrite, et qu’il y en ait trois ne veut rien dire puisque seule la mienne est la vraie, disent-ils tous en chœur, tous unis pour formater.

Je peux vous en trouver d’autres, des exemples : je vois nos élites pour qui seul est grand Adam Smith, et ses thèses sont notre Bible notre Coran bien qu’il fût presbytérien, pourquoi égarer nos têtes blondes avec Marx et ses reîtres, soyons rapides et efficaces, time is money money money, money jungle ; je ne peut plus finir ma phrase, voici le pire qui approche, voici le vol noir de ceux qui exigent que soit débattue l’idée que l’on peut certes prétendre qu’on a peut-être déporté des millions d’êtres humains d’ici vers là-bas mais qu’il faut pouvoir par souci d’objectivité, ils osent dire objectivité, examiner la thèse contraire, vous connaissez aussi bien que moi le piège du débat utilisé pour valider l’invalide.

Toutes ces smalas et toutes les autres qui ne supportent pas l’idée qu’on enseigne à leur chéri de quoi les conduire à l’interroger, elle, la smala inquiète tout à coup du regard de l’enfant interrogateur. Elle a raison d’être inquiète, empêchons la de nuire.

Voilà, c’est cela, l’enseignement libre qu’on nous vante avec des couronnes de fleurettes. C’est cela ce qui se cache derrière l’enfant qui innocent et curieux pose dans l’épanouissement total les questions rafraîchissantes de sa logique naissante. Il faut savoir être clair et net, il faut savoir refuser le débat de ce qui n’a pas lieu d’être débattu, il faut savoir définir et imposer les méthodes, discerner ce qui est avéré et ce qui est hypothèse, étudier jusqu’à plus soif la mathématique des ensembles sans laquelle nul ne connaîtra la stratosphère joyeuse et humble du chaos, des fractales et de la théorie des cordes.

Bien sûr qu’une collectivité, une nation toute entière, dès lors qu’elle prétend transmettre sa raison d’être d’une génération à l’autre, va construire un corpus de vérités dont nous savons tous qu’elles sont provisoires, incertaines, discutables. Mais ce corpus est le corps de la civilisation dont nous sommes, et que nous devons remettre en ordre de marche à nos enfants. Ils en feront ce qu’ils pourront, mais je suis plus confiant dans la validité de ce corpus que dans les caprices fragmentaires, limités, religieux, ou idéologiques d’un seul bord, que les individus aussi bien intentionnés soient-ils, pourraient transmettre chacun de leur côté.

En tant que parents, libre à eux de le faire. C’est même leur devoir. Mais la Société se doit d’intervenir au-delà des parents pour sa propre pérennité, et s’en donner les moyens. Toute renonciation de la Société sur ce point est pour elle renonciation à survivre. Armé de la sorte, l’enfant, citoyen à venir, disposera des outils pour interroger son monde, et appuyer là où il a mal.

Je me suis un peu égaré dans ma phrase, j’ai engagé mon combat alors que toutes les forces en présence ne sont pas encore arrivées. Mais vous me voyiez déjà venir, alors j’y suis.

Ce sont les mêmes, ces chevaux légers de l’individualisme d’apprentissage. Ils se mêlent aux deux armées de la Montagne et de la Mer, et les deux armées les acceptent en un renfort inespéré et douteux.

à suivre.

mercredi 25 novembre 2009

L’école de la République #3/6 : Libertitude et Larzac.

3. Libertitude et Larzac.

Côté mer. Je veux bien admettre que le soleil y brille davantage et qu’on peut y bronzer en éventail, en épouvantail aussi d’ailleurs. Moi monsieur, mon enfant est épanoui, il est libre, il voit une petite bête, je la nomme coccinelle et il s’émerveille de sa beauté. Du matin au soir, le voici qui court de bestiole en herbe folle et qui me demande les noms et le pourquoi du comment, et je lui raconte mes histoires et mes légendes dorées. Il retient tout mon gamin joli, il rit à la vie, il admire le crépuscule des Dieux, il se prosterne devant le lever de Râ. Enfin non, je m’égare. Il sait que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil et que les gens de l’autre côté même s’ils ont la tête en bas n’ont pas la tête à l’envers.

Quand il grandira, il saura qu’il peut me poser toutes les questions qu’il voudra sans aucun tabou et que je saurai lui donner les réponses moi la mère toute présente toi le père tout-puissant. Au pire, il y aura toujours Wikipédia. Victoire, nous échappons aux scrogneugneu, à l’embrigadement, au conformisme, quelqu’un là-bas a dit formatage, j’ai bien entendu. Victoire, l’enfant échappe au tortionnaire avec sa règle à taper sur les doigts, on sait combien il doit en survivre aujourd’hui dans les écoles même pas le nombre qu’il faudrait pour taper dessus, il échappe au racket des petits voyous de la sortie de 16h30, il échappe aux vérités révélées même pas contrôlées par les parents, aux incompétences des discours de savants mal habillés incapables d’attirer une seule minute d’attention, et sa joie de vivre n’est pas bousculée dans des couloirs encombrés de hurlements.

Vous savez très bien que quelques unités d’élite de ces gens là ont été formées dans l’ancien camp militaire du Causse de Larzac, nostalgie quand tu nous tiens, mais ce ne furent que quelques unités d’élite qui ne sont pour rien dans le succès foudroyant de cette mode, non seulement réservée aux parents, mais peu à peu instillée dans les écoles par les plus austères des inspecteurs et des ministres, peu importe qu’ils soient Ghelfes ou Gibelins, non par raison pédagogique mais par tentation démagogique. Ils ont retiré un par un les instruments du combat nécessaire des enseignants, en commençant à juste titre par les plus contondants, puis emportés par leur élan se sont rués dans la pente savonneuse et injustifiable, en leur ôtant tout ce qui pouvait ressembler mon Dieu quelle horreur à un début d’autorité légitime.

Toi l’instit, maintenant tu fais avec ou plutôt tu fais sans avec tes trente-cinq rugissants, tu as la vocation oui ou non, et en plus tu réclames un meilleur salaire, on aura tout vu avec ces fonctionnaires.

Mais pour autant, le formatage a la vie dure dans les têtes.
à suivre.

mardi 24 novembre 2009

L’école de la République #2/6 : Scrogneugneu.

2. Scrogneugneu.

Plus personne ne veut de ce bon vieux temps là, où pourtant les maîtres étaient maîtres, et où l’Excellence de la République permettait de se hisser au dessus de sa condition de départ, ici ou là, pour jargonner comme chacun jargonne encore aujourd’hui malgré le temps passé. Vous les connaissez tous, nos tribuns jargonnant qui se gonflent et nous gonflent d’Excellence, en multipliant les zixces et les zesses et les ailes pour s’en remplir plein la bouche et nous en mettre plein les yeux.

Dans le même camp que ces dinosaures si bien caricaturés que personne d’entre vous ne voudra y ressembler, même si la caricature cache une nostalgie pour beaucoup d’entre nous, il faut placer ceux qui réclament à tue-tête une école à leur exclusif service. Où seules les vérités décidées du clan, parental, familial, villageois, régional, national, seront dites. Il ne sera pas question de parler aux têtes blondes de Monsieur Darwin par exemple, ou alors, piège parfait, laisser planer la possibilité d’un débat avec les créationnistes ; il ne sera pas question de raconter l’histoire des religions, chacun sait qu’il n’y a qu’une religion, celle-ci là que je désigne et pas celle du voisin d’à côté ou d’en face, les religions n’ont pas d’histoire, il a LA religion un point c’est tout. Alors l’école devra se soumettre au plus fort du coin.

Il y a dans ce camp hétéroclite les petits chefs qui veulent l’enseignant à leur botte. Qu’il dise ce qu’on lui dit de dire. Qu’il déroule le tapis rouge devant l’enfant du notable, ou du caïd. Sinon, gare aux pneus, gare au canif, gare au grand frère, gare à la mutation. Il y a dans ce camp tous ceux qui confondent enseignant et domestique, sans parler de la hiérarchie qui s’en mêle, qui s’emmêle, qui enfonce. Et tous ceux qui pensent que l’école est un accueil, pour occuper les enfants pendant la journée, et rien d’autre.

Vous ne le croyez pas, mais ils font tous partie de la bande des scrogneugneu, les mêmes qu’autrefois, ils ont changé la couleur de leur nez rouge, c’est tout. Ils sont tous complices. Ils embrigadent, profs ou parents, ils veulent des enfants à leur image, strictement conformes. J’entends quelqu’un qui a dit formaté, là-bas au fond. Mot inutile, conforme me suffit. Conformes à l’objectif, car voilà le péché originel : ils ont tous un objectif. A quoi sert l’école, voilà ce qu’ils demandent, et ils ont la réponse à la bouche aussitôt. Leurs réponses sont terriblement précises, mais elles sont toutes différentes. Comme si cette question pouvait seulement avoir une réponse.

Ils sont installés sur les flancs de la montagne.

à suivre.

lundi 23 novembre 2009

L’école de la République #1/6 : Lieux communs.

1. Lieux communs.

Chacun va sourire. Une idéologie rétrograde, qui sent de loin son moisi de troisième République, un idéalisme enfantin depuis longtemps réfuté par les faits, une incantation devenue lettre morte sous les coups de boutoir de la modernité. Vers la montagne j’ai mes ennemis qui ne jurent que par l’obligation d’inculquer aux enfants les seules vérités dignes de ce nom aux yeux des parents ou des ministres, des coteries ou des idéologies, que celles-ci soient bâties sur la verte prairie ou sur la ligne Maginot ; vers la mer j’ai mes ennemis qui ne jurent que par l’enfant magnifique qui découvre de lui-même les merveilles du monde et qu’il ne faut surtout pas interrompre en si bon chemin.

Les valeurs de scrogneugneu contre l’épanouissement naturel, montagne ; les valeurs de Rousseau contre l’enrôlement de la chair à canon, qu’il soit pour de nerf de guerre ou pour de ver de paix, mer. Je suis dans l’étroite bande de terre entre mer et montagne et je dois arrêter l’avance des armées Perses pour donner le temps aux gens de la Grande Ville d’organiser le siège. Je suis un Léonidas en médaille, par avance j’ai perdu la bataille. L’important n’est pas l’issue fatale, mais le temps qu’il faudra.

Examinons les forces en présence. Il y a d’abord le bon vieux temps. Les élèves étaient sages, la tête baissée sous la férule de l’instituteur, terrifiés par les coups de règle sur les doigts et la mèche de cheveux tournée derrière l’oreille. Ils copiaient sous la dictée, ils ânonnaient les récitations et les tables de multiplications, ils vérifiaient que les trains se croisaient bien à Laroche-Migennes plutôt qu’aux Aubrais, ils répétaient que le grand Ferret avait eu tord de boire de l’eau quand il avait trop chaud, mais c’était peut-être un autre, Jeanne Hachette ou Jacquou le Croquant.

A la fin, certif en poche, ils entraient à Creusot-Loire et y mourraient à 55 ans de poumons encrassés pour les plus chanceux ; les autres étaient morts à la guerre à 18 ans. Canon de paix, canon de guerre.
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vendredi 13 novembre 2009

#2/2 - De l'identité française: nationalisme et identités, encore OTIR.

Réponse à OTIR sur le refus du nationalisme.

Bonsoir OTIR.

OTIR a dit, entre autres choses : « Je ne suis pas d'accord avec toi que toutes les nationalités seraient similaires et indistinctes les unes des autres, je crois bien que c'est tout le sens que j'essaye de donner à mes billets sur les différences culturelles ».

Je ne pense pas justifier ton désaccord, chère OTIR, il faut donc que je précise, et bien que tu aies peu de temps, je vais t'en voler encore un peu.

Je ne crois pas que notre désaccord en soit un. Ce qui me semble commun à toutes les nationalités, et aux identités qu'on tente de nous imposer à ce titre, c'est le côté enfermement. Pour cela, je n'ai jamais voulu y adhérer. Pour autant, je ne suis pas de ceux qui se disent "citoyens du monde", reniant par là leur propre construction, qu’on nomme cette construction du mot de nationalité, d’identité, de culture, de tradition, ou de tout autre mot, qui, même s’ils ne sont pas similaires, participent tous à d’une part un enfermement, d’autre part à une originalité.

Si je me sors lentement et prudemment de ce refus de la notion de l'identité, trop vite confondue avec le nationalisme qui est le ressort caché et pervers de ce "débat" bessonnien, c'est justement parce que je me suis assez frotté à ces identités innombrables qui se télescopent dans le monde, du Pérou au Nevada, du Golfe persique à l'Afrique du sud, de la Norvège au Maroc, de la banlieue ouest de Paris au 93, j’en passe et des meilleures, pour savoir qu'il est de richesses de partout et que notre propre identité ne peut se construire qu'en se frottant à ces autres là.

J'ai écrit quelque part que seule la confiance en notre propre identité nous permet de nous confronter à celle des autres sans s'y perdre ; bien au contraire, en y gagnant beaucoup, par emprunts, mises en cause, regard en recul ou en miroir, et lentement par capillarité si affinité, et je l’ai déjà dit, par confrontation, n’ayons pas peur de foncer dans le tas si l’envie nous en prend, tant qu’on garde le respect, mais seul un toromachiste comprendrait.

J'en tire l'idée que j'ai exprimée dans mon billet de Bloghumeur, copie de mon commentaire ici, que notre identité française (il faut bien lui donner un nom) résulte de ce travail foutraque de construction mentale auquel nous sommes tous attelés peu ou prou. Y compris l'idée de prendre ailleurs ce qui peut nous convenir ou nous renforcer, y compris aussi l'idée rigolote de débattre du débat.

Entre nous soit dit, la tradition juive, pour ce que j'en sais, se repait elle aussi, de débats sur les débats, et se nourrit jusqu'à l'infini de polémique sur la façon de poser ou de ne pas poser la bonne question. Ce n'est pas une moquerie, je trouve cela jouissif au contraire, c’est une des voies de liberté qu'on se donne. Cette approche "identitaire" est rare, je la trouve chez nous franco-français comme je l'ai aperçue chez de nombreux juifs. Chic, encore un débat franco-français, comme dirait Obélix.

Je ne l'ai pas trop vu ailleurs, ce goût de la polémique du détail, du je ne sais quoi et du presque rien, quelle que soit la richesse des autres cultures, des traditions lointaines ou proches, et quelle que soit la force des nationalités croisées. Dont l'espagnole, cher Pablo, qui m'a pourtant fortement capillarisé.

Ceci dit, j'ai encore beaucoup à réfléchir sur ces principes, je ne suis pas au bout de ma pensée et je ne suis pas sûr que mon Moine préféré ait envie de me suivre sur ce terrain. Ce que j'aime dans mon identité française, puisque ces mots me sont imposés pour l'exercice, c'est qu'elle est floue et fluctuante, et comme dit l'autre, fluctuat nec mergitur. Le débat nous est imposé, à nous de le détourner pour la plus grande confusion de ses instigateurs en chemises brunes.

Mis en ligne le 13/11/2009.

mardi 10 novembre 2009

#1/2 - De l’identité française : une réponse à OTIR.

Commentaire envoyé le 10/11/2009 à 23h30, chez OTIR.

Une petite idée qui fait son chemin dans ma tête depuis que le sujet est abordé de partout par chez nous. Que ce débat soit ou non utile, je ne sais, mais qu'il nous soit imposé, voilà qui est certain. Alors la petite idée, pour ne pas être en reste.

L'idée de France, et d'identité française, n'existe pas en soi. Pour reprendre un mot de Julio, nous sommes d'abord des "homo sapiens sapiens", dont une des nécessités de survie est de rester groupés. Peut-il y avoir une spécificité française, dans ces conditions, ou n'est-ce qu'une forme de regroupement comme le sont chaque nation, chaque tribu, chaque club, chaque syndicat, chaque parti, chaque coterie ...? Je veux dire que ce qui définit ce groupe est-il du même acabit que ce qui définit n'importe quel autre groupe, et pour prendre ceux qui lui ressemble le plus, n'importe quelle autre nation ?

Ma réponse a longtemps été oui : nous ne sommes qu'un groupe parmi d'autres similaire, ni bien ni mal, groupe car sans groupe point d'humain.

Mais une idée s'est fait un chemin lentement qui n'a pas encore abouti: au delà de la langue, qui réunit bien plus que l'identité française et dans laquelle je me sens bien où que je sois, Québec ou Sénégal, Liban ou Corrèze, au delà du territoire qui m'ancre et qui m'encre, d'où je peux divaguer sans crainte car je sais y revenir, territoire subtil et géométrique, contradictoire et irréfutable, j'imagine l'identité française comme un projet qui ne sera jamais accompli mais auquel chacun de nous adhère à sa façon. Sans que quiconque n'ait défini ce qu'est le projet, pourquoi ce projet, comment ce projet, sans qu'un cahier des charges n'ait jamais été écrit, une sorte d'ectoplasme positif, nous sommes tous à y fourailler, à y mettre nos petits cailloux et nos gros pavés.

Les tiraillements dans tous les sens, les contradictions, les démolitions et les recommencements, font que cahin caha le projet prend une forme que l'on croit distinguer en clignant des yeux un bref instant et qui s'évanouit l'instant d'après.

Voilà l'identité française. Nulle transcendance, nulle évidence devant lesquelles on s'incline plein d'admiration et de respect, mais un gros tas grouillant de nous tous à vouloir lui donner forme. Le jour où le tas aura pris forme et où nous nous reculerons pour admirer la statue magnifique, ce jour là la France n'existera plus.

Bonsoir, OTIR.

vendredi 30 octobre 2009

Conversations avec l’Ours

1. Comment commencer ?

Ce chapitre fera peut-être des petits. J’y reviendrai si mes envies de commentaires quelque part en Gaspésie s’avèrent décidément trop longues. Autant en faire des billets, regrouper ce que je trouve dans une même boîte à malices. Mais rien ne vous empêche d’aller voir sur place si je n’y suis pas, je sais que l’ours y est. Vous gogueulissez Moukmouk et vous avez traversé la mare aux canards, comme il dit.

Qui a dit que le verbe gogueulir n’existait pas ? C’est un verbe régulier, en ir.

Par exemple mercredi dernier, le voici qui décide de défendre l’idée générale des vaccinations générales en général, et d’une grippe alphabétique en particulier. D’où il ressort que les anti-vaccins sont, de près ou de loin, dans leur raisonnement, plus saisis de la peur millénariste et des frayeurs irrationnelles que d’une réflexion sur le fonctionnement des sociétés et de la notion de fraternité. Si mon résumé est nul, il suffit d’aller à la source ou d’attendre le démenti de l’Ours si par hasard un jour il passe par ici s’étant perdu dans la forêt ou plutôt dans la ville, l’ours ne se perd jamais en forêt.

Etant d’accord avec cette idée malgré les objections et les méfiances qu’inspire la campagne actuelle de vaccination mal ficelée, mal expliquée, mal maîtrisée, j’ai écrit un très long commentaire pour apporter mon silex à son tas de briques. Mal m’en a pris ; le commentaire n’a pas survécu à mes tentatives d’immixtion. Les facéties du net pas net, sans doute.

Alors le voici ici, le corps du délit, depuis ma cave douillette et loin des blizzards canadiens. Oui, j’ai dit blizzard, ce qui évitera aux autres de me la faire car on ne me la fait pas.

2. Tout Arrive.

Tout arrive, même que je sois à 100% d'accord avec mon Ours préféré. C'est ici le cas. Une vaccination massive coûtera moins cher que les conséquences d'une diffusion massive de la maladie. Je devine l’objection : quelle maladie ? Cette grippette de rien ? Ce marronnier à journalistes oisifs, cet écran de fumée pour cacher les malfaisances des puissants ?

Je ne crois pas que cette grippe fera beaucoup de morts, elle semblerait même plus anodine que la grippe de base, hormis les phénomènes respiratoires et quelques morts, jeunes souvent mais moins nombreux que sur la route, certains parlent de détail. Il se trouve cependant qu’elle se répand beaucoup plus vite que la grippe analphabète, et qu’elle entraînera certainement des perturbations dans le fonctionnement de la société. En cela, la responsabilité "sociétale" de ceux qui refusent toute vaccination est engagée, puisqu'il s'agit du seul moyen d'empêcher une contamination massive.

Je devine l’objection : c’est le grand capital qui va y perdre dans l’absentéisme massif annoncé, et les malheurs de l’ultra-libéralisme nous laissent indifférents n'est-ce-pas, sinon réjouis. Vous savez déjà ce que je pense de l’usage du mot libéralisme dans ce cas, mais surtout je n’ai pas besoin d’imaginer les absents de la fabrication de biens et des profits qui s’ensuivent pour m’inquiéter ; j’imagine qu'il n'y ait personne à la poste (pas besoin de beaucoup d’imagination d’ailleurs), personne aux urgences (je parle de ceux qui reçoivent, pas de ceux qui attendent), personne pour conduire les trains, pour enseigner les enfants, pour balayer les rues.

Vous avez compris, le tissu de services publics qui soudain se déchire alors même qu’il est déjà mal en point. Le principe d'une société solidaire, je préfère le mot plus riche de fraternelle et vous n’allez pas me dire que vous êtes hostile à ce principe, est que celui qui refuse de se soigner engage la vie de son voisin, et nous pleurons assez après la disparition de cette fraternité pour ne pas rechigner quand elle ressort à la surprise générale, au nom d’une vaccination précautionneuse.

Je sais qu'à la fin de l'hiver, s'il ne s'est rien passé, chacun va ricaner qu'on a crié avant d'avoir mal, et de stigmatiser l'argent jeté par les fenêtres pour la plus grandes joie des bandits pharmaceutiques. Je n'aime pas ce gouvernement et c'est peu de le dire. Mais je resterai silencieux dans cette hypothèse. On ne va quand même pas se plaindre s'il ne se passe rien de tragique, non?

Et s’il se passait quelque chose ?
Pas de sensationnalisme, je ne vais pas imaginer des millions de morts au grand dam des journaux qui aiment bien aligner les nombres horrifiques; J'imagine une pandémie, avec ses millions de journées de travail perdues, son ralentissement économique, son coût de soins curatifs, sa pression d'opinion publique pour trouver des coupables, selon le cas socialistes ou libéraux, je n'ose croire qu'on accuserait tel ou tel peuple élu, telle ou telle confession, mais qui sait? Les voies de l'obscurantisme sont si nombreuses, même en chacun de nous.

Vous me raconterez la suite vous-même, sinon vous allez croire que j’exagère, mais s’il se passait quelque chose de cet acabit ?

Autant l'indifférence et l'inaction du sieur Mattéi m'avait scandalisé lors de la canicule de 2003, 15 000 morts quand même en France, dans la toute bonne conscience du Médecin-Ministre au frais dans sa piscine, autant l'adoption énergique de mesures préventives en urgence et sur une grande échelle me semble un devoir pour les gouvernants.

Au pire, on aura un peu devancé la catastrophe et réduit ses conséquences. Au mieux, on se sera entraîné pour une situation plus grave future.

Je sais, c'est Sarko et c'est Bachelot qui sont aux manettes et rien de bon ne peut sortir de ces néfastes ; alors on tire dans le tas, si je peux me permettre. Désolé, c'est un mauvais combat et peu me chaud leurs motivations secrètes. Quant aux médecins, et à la faculté en général, elle paye de plus en plus pour l'arrogance dont ils font encore preuve face au malade, sous prétexte qu'ils savent et lui non. Tant que cette façon d'être durera, leur parole sera de plus en plus mise en doute au nom de je ne sais quelle magie personnelle, de je ne sais quelle liberté individuelle, et il ne nous restera que la scientologie pour pleurer. Pourtant, quand ils viennent nous vacciner et vacciner nos enfants contre tout ce qui polyomise et tuberculasse, tout ce qui variole et ce qui jaunifèbrille, tétanise et diphtère, je les regarde faire avec un sentiment du devoir accompli.

D’ailleurs, pas plus tard que demain, je vais mettre mon corps à leur disposition pour qu’ils y tranchent le débat, entre Toussaint et Victoire, entre l'appendice et la rectitude. Dépendant de leur habilité et de leur savoir, de leurs précautions et de leur attention, j’oublierai un peu leur éventuelle arrogance de Diafoirus, d’Esculape, d’Hippocrate.

Salut à toi, ô Ours caverneux.

Terminé d’écrire le 30 octobre 2009
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dimanche 11 octobre 2009

Une semaine de Vacances à la Toussaint.

Tumeur, a dit le médecin au patient.
Je meurs, a répondu l’impatient. Kinshasa d’autre ?
Non, pas le Congo, a dit le médecin, mais le Bénin. Un peu cotonneux.

Où et quand ? a dit le patient.
Une chose est certaine, répondit le médecin, vous mourrez. Je ne sais ni où ni quand, mais ce sera d’autre chose, je le sais aussi. Vous mourrez peut-être même avant et je n’y serai pour rien. Je vous propose le jour des morts, le plus tôt sera le mieux. On passe vite du Bénin au Congo, si l’on n’est pas vigilant.

Je n’ai jamais aimé les vigiles rapides, nota le patient. Ils ont vite fait de clouer le pilori avec les tripes dedans. Ce n’est pas parce qu’on désaccorde qu’il faut s’acharner, et les mauvais procès ne bonifieront jamais les causes.
Vous m’embrouillez, dit le médecin.

Pourrais-je écrire, au moins, demanda le patient agacé.
Je ne promets rien, de toute façon personne ne vous attendra.
Qu’en savez-vous ? S’insurgea l’impatient.
Je le sais, c’est tout. Au revoir, mon Côlon. N’oubliez pas le jour des morts, de 10h00 à 16h00 sans les repas, réveil à 17h00. Enfin, théoriquement. J’espère que vous aimez le vert pisseux, je vous garde six jours au chaud.

Au revoir, Monsieur Diafoirus. A bientôt pour le plaisir.
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samedi 15 août 2009

Relisez-vous, dit Otir.

Otir, notre amie d'Amérique, nous invite à nous relire. Remonter le temps et retrouver ces billets d'autrefois dont on a oublié jusqu'à l'existence, dont on est surpris de découvrir qu'ils existent et qu'ils évoquent des sujets auxquels ont croyait n'avoir jamais réfléchi. Quitte à faire partager la redécouverte en mettant en ligne aujourd'hui ce qui fut lu hier mais que tous ont abandonné à leur sort d'ancien billet écrasé sous la pile.

Alors voilà, Otir a réveillé mes vieilles peurs. Tant pis, je vous livre mon commentaire, et probablement ceux qui répondront à ceux qu'elle me répondra, à vous de jongler entre les blogues à travers l'Océan.


Le clou

J'ai toujours eu du mal avec l'idée du blogue. Ces billets qu'on écrit, parfois trop vite, et qui sont lu encore plus vite pour ensuite s'enfoncer dans un Léviathan de nulle part sans jamais vraiment disparaître. C'est pire qu'un dessin à la craie sur le trottoir, qu'une sculpture de glace, qu'un château de sable. Tous ces avatars de l'éphémère me terrorisent, ils ressemblent tant à la mort.

Peut-être aussi est-ce la raison pour laquelle ils nous fascinent. Cette énergie vouée à l'échec quoiqu'il arrive et quel que soit l'habileté, le talent, la grâce, le génie, hop une vague de marée montante, un coup de chaud, une petite averse, un billet du lendemain, et l'ouvrage de l'instant n'a jamais existé.

J'use de subterfuges piteux pour échapper à ce destin. Je mets mes plus récents billets à la suite des plus anciens, de sorte qu'on ouvre toujours mes blogues sur le premier billet qui ne meurt jamais. Mais du coup chacun se lasse et personne ne vient, une mort par effet collatéral en quelque sorte.

Il y a aussi les classements par mois, par thèmes, par tags, mais il faut avoir soigneusement organisé ce mécanisme dès le début, et s'y tenir avec une minutie minimale. Comme si l'on savait à l'avance de quoi serait fait le blogue, comme si on s'interdisait les joyeuses surprises des dérives et des digressions, des interventions amicales et des folies soudaines.

Comme si je devais m'en tenir au thème imposé par le titre sans me donner la liberté de lui tourner autour sans le toucher, tel l'indien son totem, et l'autre sa Kaaba.

Je hais ce proverbe: un clou chasse l'autre.


à suivre. écrit le 13 août 2009.

jeudi 13 août 2009

Les voiles de Sassafras.

Le vieux désir qui se réveille chaque fois…Un vol de coucou au dessus d’un nid, quelques photos embrumées la tête en l’air, une côte qui se découpe à l’infini vaporeux, sans même parler d’Icare qui serait bien capable, le beau jeune homme souriant, de te prendre dans ses bras pour un septième ciel beaucoup plus aérien que terre à terre.

Je suis trop accroché aux cailloux du chemin, aux sandales qui me précèdent, pour soudain flotter dans les stratosphères oniriques. Seule la peur me retient et je sais qu’elle sera la plus forte en tous lieux, prise par surprise ou longtemps apprivoisée. Je peux naviguer lentement dans les marigots suivi de crocodiles affamés et pleurnichards sans frémir, je sais traverser le Lut sans dévier de ma route, je sais trouver le sentier invisible dans la touffeur des sous-bois, les paysages n’ont aucun secret que je ne perce.

Mais ne me demande pas de deviner la mer derrière la surface lumineuse, ses abysses et ses humeurs, ne me demande pas d’être le Capitaine qui t’embarque pour Cythère, et surtout, comme hanté par Antée, ne me décolle pas du sol vivifiant, de la terre sèche ou grasse, du roc éclatant ou friable, je deviens vermisseau torturé dans l’instant. De mon tabouret, de ma chaise de moine sous l’œil de mon icône, de mon île ou de ma terre ferme, marais ou volcan, plaine ma plaine ou montagne des neiges, je n’irai jamais chercher Icare dans son rêve et c’est de loin que je le verrai choir et déchoir de son perchoir.

N’empêche. Dès que la vie a le dos tourné, c’est plus fort que moi, je m’envole de ma cave par les mots grillagés, et je tournoie à la recherche des courants ascendants dans le bruit paisible du souffle de l’air, du souffle des vents d’Eole qui me guident et me soutiennent, et je survole le monde de mes souvenirs, Chypre, Rhodes, Simi, Knide, Halicarnasse. Je deviens Ulysse, Icare, Phébus, tous à la fois un peu, et je ris de mon père Dédale enchevêtré dans son labyrinthe.

Icare et sa proie enchantée sont loin maintenant, ils sont assez de deux pour cette communion céleste et je ne saurais jamais le bruit que fait le vent.

Dédale, celui qui pioche inlassablement le pied de la montagne à papa, celle de Lycie ici, et celle de là-bas, le monstre qui rend si difficile le chemin de Kaboul à Bamyan par ses extensions et ses tentacules, Kuh-i-Baba, un des derniers sursauts du nœud géant de l’Hindou-Kouch d’où naquit l’Afghanistan.

J’aimerais tant monter en haut de la montagne.

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lundi 10 août 2009

Suite immobile


Bien sûr le piège est cousu de fil blanc. Il faut donc y tomber volontairement en faisant croire qu’on se fait mal. Et écrire la suite réclamée, sans tenter d’homériser dans les coins. Il s’agit de Knide, une ville qui n’existe que dans quelques grimoires et dans quelques têtes, et qui pourtant est unique en ce monde. Même à Bordeaux on n’a pas su être plus entre-deux-mers qu’à Knide.
Suite immobile.

Cet endroit est très étrange. Ni par sa configuration, ni par son histoire, ni par la célébrité de quelques uns qui y vécurent. J’ai cité Eudoxe, mais on peut penser à Praxitèle qui y caressa le marbre de chair, ou Sostratos qui fit la lumière à Alexandrie. J’ai envie de lui attribuer le colosse de Rhodes, après tout il est juste en face, mais je vais me faire écharper par tous les bons historiens qui veillent au grain.

Ce n’est pas assez pour expliquer le mystère.

Surtout, cet endroit m’inspire. Rien que la statue y a laissé son empreinte érotique, et ne parle-t-on pas des femmes de Knide, je ne sais qui elles sont mais je sens leur parfum qui erre encore dans les buissons doublement maritimes, Egée colérique et Méditerranée sournoise
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Voilà le vrai secret de Knide, le secret de son étrangeté. Le seul lieu sur terre où l’orient et l’occident ont rendez-vous depuis toujours, tels Ulysse et Eudoxe, le seul port au monde qui a un bassin en Méditerranée et un bassin en Mer Egée, où j’imagine volontiers que chacun allait et venait parlant Orient et Occident indifféremment et sans honte, Grec ou Turc, Hittite ou Mycénien, Perse ou Dorien ; qu’importe au fond, Minoen ou Parthe, le passant était chez lui à Knide et la passante sans souci, et nul roitelet d’Asie ni de Grèce ne pouvait prétendre lui imposer sa loi, Délos pouvait écrire tous les décrets qui lui passaient par l’assemblée, Knide n’en n’avait cure et se prélassait dans le soleil de ses deux mers.

L’histoire a détruit la ville et l’espoir qu’elle représentait. Il est difficile de faire renaître deux millénaires d’espoir après deux millénaires de silence hostile. Pire encore, un jour un monsieur très propre sur lui verra que deux ports pour le prix d’un peut lui rapporter gros, et il installera une base nautique avec immeubles en béton façon architecture locale on n’est pas des bœufs, pontons et anneaux, route d’accès bien large et confortable, panneaux de signalisation, et tout le fourbis. Il gardera un bout de théâtre pour organiser des festivals culturels où l’on jouera les Perses, et les brochures vanteront la mer chaude et le soleil de bronze.

Knide sera perdu, je ne sentirai plus le parfum des femmes dans les néons et les kebabis.

A.

dimanche 9 août 2009

Coup de vent

Prologue.

La Turquie de chez nous remonte à la plus haute antiquité. Si l'on veut jouer au plus ancien des anciens, elle existait avant même que nous n'existions, plus encore, ne serait-ce pas de là-bas que nous viendrait l'idée même d'Europe, et le nom, à quelques bras de mer près.

L'anachronisme est ce qui me va le mieux. Alors, poussé par une diablesse en sandales, ou plutôt attiré derrière ses mollets décidés, je me suis inventé un voyage, qui comme toute invention ne sort pas du néant mais d'un affreux mélange de vécu et de rêvé, de flots bouillonnants qui m'ont vraiment trempé le jean et de sueurs d'effroi qui m'ont vraiment trempé le cou, avec des lectures lointaines, des traductions hasardeuses, des combats perdus d'avance contre les verbes en mi, où seul le gros dos faisait face au gros temps. Il en est sorti ce jet de vapeur.

Avant d'embarquer pour six terres, va donc humer l'air du temps, il est doux et parfumé, il sent la lavande et le thym, le ciste et l'eucalyptus, et un peu la vieille poule. Mais il est l'embarcadère, juste en face de Théolone.

Maintenant tu peux monter dans le bateau. Attention, c'est un esquif vieux de trois mille ans et quelques.

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Anachronique d'Odysseus.

J'avais juste un petit bras de mer à traverser, pourtant. Mais Neptune ne me lâchait pas la grappe, depuis sept ans que je ramais. Deux grains de ciel noir ébène me sont tombés sur la galère, l'un de l'Ouest, l'autre de l'Est, le mystère des vents du Sud du Taurus demandent plus d'une vie de marin pour être percés.

Alors, mes compagnons et moi, après avoir une fois de plus fermé les écoutilles et rentré les rames et la tête dans les épaules, nous nous sommes laissé secouer comme des prunes de Datça et avons attendu la fin, comme toujours, et comme toujours elle n'est pas venue, il fallait bien que le cycle épique se boucle, et nous n'étions pas encore rendus.

Le matin s'est levé sur une petite baie immobile, si tranquille qu'on entendait se jeter dans la mer le petit ruisseau qui traversait la ville endormie. Bien réveillé, cette fois, je me suis juré que je ne raterai pas le rendez-vous d'aubaine, et je me suis précipité à terre rendre visite à Eudoxe qui habitait cette ville, là, juste la troisième à gauche, sur la petite crête arrondie d'où l'on voit Méditerranée et Egée s'observer en chiennes de faïence.

Que j'aie 800 ans de plus que lui ne fait rien à l'affaire. La conversation fut interminable et j'ai convaincu Eudoxe d'écrire ce qu'il savait du monde, avec un peu de chance on en parlerait encore dans trois mille ans et quelques. Son seul argument était qu'il n'était pas encore né, et il était trop malin pour ignorer que l'argument ne tenait pas un instant face à Homère.

Il me fallait repartir, ces mollets et ces sandales, je les suivrais jusqu'au bout de la terre.

A.
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vendredi 10 avril 2009

La Vérité toute nue. #4/4 : Creuser Tillon.

Creuser Tillon.

Voilà ce qui cloche, chère Tornade : à quelle sauce sera assaisonnée l’objectivité selon Saint Nicolas, à quelles méthodes sera soumise la Véritable Information du citoyen, si rien ne bouge ? Les arguments de Monsieur Devedjian, outre qu’ils étaient faux soit par ignorance soit par mensonge je lui laisse le choix, étaient à ce point dérisoires face aux enjeux, il avait une petite cuillère pour vider la mer et cherchait par tous moyens à le dissimuler derrière un triomphe affiché, que le journaliste se faisait un malin plaisir à souffler sur l’écran de fumée déjà trop transparent. Monsieur Devedjian en concevait de l’énervement. Monsieur Devedjian n’était pas à la hauteur de sa hauteur, et le savait.

Alors il brandissait sa majesté l’objectivité comme ultime secours.

Tu devines que je reviens derechef à mon histoire de Vérité nue. Elle ressemble tellement à ton objectivité, cette Vérité là, l’inaccessible étoile. L’objectivité façon Don Quichotte, ma chère chevalière de nos temps désertiques Tornada de la Mancha, pour aimable qu’elle soit nous jettera dans les étoiles comme un vulgaire moulin à vent et l’atterrissage sera rude.

Tiens, regarde, justement j’en vois passer un, monté sur sa Rossinante, de ces journalistes comme tu aimes.

Il est tout comme tu le veux ; la probité même, le scrupule incarné, il mène son enquête avec précautions, il prend son temps quitte à fâcher son directeur qui attend le papier, il contrôle ses sources, il vérifie les faits, il réfléchit à charge et à décharge. C’est un professionnel accompli qui rédige lentement, qui choisit ses mots, qui fait appel à la meilleure rédactrice de tous les temps pour lisser le texte et équilibrer les points de vue ; elle n’a pas sa langue dans sa poche la rédactrice si tu entends ce que tu entends, elle n’a pas non plus sa plume mal placée, quoique acérée.

Moi pauvre lecteur, je vois qu’il existera, malgré tout cet attirail nécessaire, absolument nécessaire, je vois qu’il restera les pesanteurs qui habitent le journaliste, et dont il ne se défera pas malgré toute sa vigilance, il existera les préférences qui l’ont construit, les choix décisifs dont le reniement serait sa propre destruction, que ces choix aient été mûrement pesés ou subtilement inculqués, qu’ils viennent de sa conscience d’homme vivant ou de son inconscient de plein gré. Volens nolens, dans l’article publié, quelques traits seront infléchis, quelques perspectives seront orientées qui, montrant exactement le même paysage pourtant, donneront à voir plutôt comme il aimerait qu’on le voit. Juste un petit pas de côté façon Marx Brothers, juste un premier plan façon photographe habile, juste un fil, un cheveu, une silhouette.

Cet écart de rien du tout sera d’autant plus redoutable qu’aucun reproche ne pourra lui être fait et que son professionnalisme sera total. Tu photographies le même tronçon d’avenue de loin au téléobjectif et de près au grand angle, tu n’auras pas la même photo, et pourtant ce sera le même endroit. Je ne blâme pas cet écart, au contraire, il me semble indispensable à la compréhension du sujet traité. Et tout ce que je demande, au fond, n’est pas de disposer d’une photographie prétendue objective mais de connaître la focale de l’objectif.

En d’autres termes, j’aime savoir si l’article que je lis est rédigé par un journaliste de ce bord ci ou de ce bord là, droite ou gauche pour les simplets, et de bien connaître l’histoire de ce journaliste et ses positions antérieures. Alors à mon tour, le sachant, je ferai une petite correction dans mon regard, dans ma lecture, pour tenter de deviner derrière son travail que l’on a dit objectif, où se trouve la Vérité vraie. Bien entendu, il me faudra faire preuve d’autant de prudence dans ma correction que lui dans sa recherche, je lui dois ce respect. Il faudra qu’un jour je lise Germaine Tillon, elle y a pensé avant moi.

A nous deux, journaliste de qualité et lecteur Haddock, nous parviendrons peut-être à nous approcher de cette Vérité inaccessible et évanescente, à la contempler dormir nue, à la caresser si belle en ce miroir.
A lui faire un enfant.

Et le bonjour à tes sirènes, si reines. FIN. Avril 2009
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mercredi 8 avril 2009

La Vérité toute nue. #3/4 : De Tiepolo à Bianca.

De Tiepolo à Bianca.

J’étais un peu hors sujet, non ? Tu sais bien que non, tu me connais assez et tu seras assez grand pour faire les liens qui conviennent. Juste pour le dire, un piteux cavalier, on dit cavaliéré en italien en roulant l’air et en aiguisant les œufs, s’est récemment ému d’être nargué par le sein qu’il ne saurait voir de la vérité nue alors qu’il l’avait lui-même choisi. Probablement à cause du délicat modelé imaginé par Tiepolo, de sa sensualité vénitienne.

Je te laisse maintenant, voici que s’approche la dame dont je t’ai parlé, dame oui parce que je suis très respectueux, mais dame non parce que avec elle nous ne serons jamais dans le confortable et le prêt-à-penser. Tornade frisée, je pourrais dire. Ma copine Tornada, Tornada Bianca. Prenons l’air étonné.

Bonjour Tornada, quelle surprise ! Justement je passais dans le coin, je peux entrer ? Tu as raison, c’est très cavalier de débarquer sans crier gare dans ton salon, mais ne fais pas semblant, il y a un bon moment que tu me vois venir, non ? Et que tu sais que je ne suis pas dans le coin par hasard.

Vois-tu, j’ai lu quelque part dans tes écrits que la qualité première, l’une d’elles au moins et primordiale à coup sûr du journaliste était d’être objectif. Enfin, je t’ai lue ainsi. Tu l’écrivais au sujet de l’éditorial incriminé, voilà, je le savais que le mot éditorial reviendrait. Un journal même gratuit est un journal, et l’éditorial d’un journal est donc écrit par un journaliste, c’est au moins ce que l’écriveur subtilement tentait de nous faire accroire en intitulant son billet éditorial. Le mot constituait ainsi une partie du masque, un mécanisme du piège.

Le lecteur l’aura ingéré sans même y penser, et laissera gambader son temps de cerveau disponible pendant qu’il sera en train de choisir des cadeaux pour des enfants qu’il souhaite voir sourire, que ce soit pour de fortes ou de faibles raisons. Insidieusement, le message va l’infiltrer et se capillariser dans ses matières perméables tandis qu’il a la tête ailleurs. J’ai bien compris que cette traîtrise là est celle que tu dénonces de toute ta fulminance professionnelle et citoyenne. Ne crains pas que je veuille défendre l’indéfendable, il est des diables dont je ne serai jamais l’avocat. Alors pourquoi y-a-t’il quelque chose qui cloche là dedans ? J’y retourne immédiatement.

La semaine dernière, à peu près, une émission de bonne tenue bien que débat télévisé, mais Yves Calvi sait tenir son monde, traitait pour la cent-millionième fois de la crise et de ses remèdes et de ses plans de relance et de ses responsables. ‘Aliénor tenait à la suivre et la télé tournait tandis que je vaquais. Je me souviens vaguement du crâne de Monsieur Moscovici et de la bouche de Monsieur Devedjian. Il y avait aussi quelques journalistes et autres contradicteurs, et les inévitables experts de tous bords.

« Vous êtes journaliste, vous DEVEZ donc être objectif ! » s’exclama soudain l’un d’eux, et je me suis figé dans mes allées et venues affairées. Monsieur Devedjian venait de s’énerver et interpelait en ces termes un journaliste qui visiblement était dubitatif et suspicieux devant les faits que nous assénait le ministre de sa hauteur et de la relance par-dessus le Marché, majuscule. Le ton et le regard de Monsieur Devedjian étaient rien moins que menaçants et révélait plus que n’importe quel projet de loi la façon dont lui-même et les équipes qu’il accompagne aimeraient bien assaisonner ce journaliste et ses semblables.

mardi 7 avril 2009

La Vérité toute nue. #2/4 : Trop belle pour moi.

Trop belle pour moi.

Cette histoire pitoyable et inquiétante m’a conduit à réfléchir à l’usage du masque et à la notion de journaliste. Je dis bien la notion, je ne prétends pas vous éclairer sur le métier de journaliste, même si j’ai un cousin qui connaît un homme qui a vu l’ours dont l’oncle était journaliste ce qui me donnerait toute compétence pour trancher et pérorer ; malgré tout, je sens qu’il rôde aux environs de derrière mon épaule des professionnels de la profession à l’écoute pointilleuse et à la chatouilleuse rigueur, et assez férus de journalisme pour parfois l’enseigner comme peu savent l’enseigner à en croire la rumeur du tour. Ce sera journalisme vu de ma lorgnette d’ignorant et de ma cervelle d’usager.

Notion. Le mot pourrait être remplacé par costume. Voilà, le costume de journaliste, puisque je te parle de masque, comme un habit qui ferait le moine. Le costume a été endossé par l’écriveur, le costume lui a servi de masque pour avancer en terrain découvert, utilisant comme paravent l’idée dont nous sommes imbibés de toujours sans y avoir pensé que le journaliste est objectif. Voilà le mot lâché, objectif. La professionnelle chatouilleuse elle-même s’accroche à cette idée et la revendique. Un faux journaliste ne sera pas objectif mais habillé du costume pourra le prétendre sans le dire, un vrai journaliste n’a pas besoin de costume et sera objectif. Modeste écriveron qui n’a jamais approché de vrai journaliste en chair et en os, je serais bien incapable de contester cet axiome, ce fondamental dirais-tu toi qui viens d’ovalie, bien incapable de présenter une doctrine différente.

Je ne puis vraiment te contester, chère amie professionnelle, et pourtant je ressens comme une gêne aux entournures. Je vais m’efforcer de débroussailler cette gêne, de te la dire, en négligeant mon copain d’ovalie à qui je causais encore il y a trois lignes, ou deux selon la police. Tu as lu mes élucubrations depuis belle lurette, certaines d’entre elles au moins. Tu as dû remarquer que j’avais une sorte de recul philosophique, une méfiance ontologique, face à la Vérité. Qu’elle soit religieuse, politique, scientifique, factuelle, historique, ajoute les mentions oubliées, la Vérité qui s’affiche me pousse à gratter là où c’est interdit, caresser aussi comme un voyeur pervers qui aime déboulonner les statues les nuits de pleine lune.

Caresser au moment d’abandon quand plus personne ne regarde et que la nuit est douce, juste pour voir, juste pour qu’elle me laisse entrouvrir la pudique toge, juste pour lui faire un enfant car elle est trop belle pour être vraie. Gratter au bon endroit en commençant doucement.

Je te supplie de te souvenir que je ne suis pas pour autant un relativiste mou, selon qui tout se vaut histoire de ne fâcher personne, histoire de fuir les conflits. Le conflit est le sel de la terre et le chemin nécessaire à la lumière, il ne faut pas l’éviter, il faut le chercher, il faut même l’inventer là où tout semble dormir en paix. Ma méfiance face à la Vérité, comme mon désir, ne passera pas par accepter l’inacceptable ; ce sera juste un exemple en passant pour quelques points sur des zi, les thèses révisionnistes, et le mot thèses est mal choisi prétentions est plus exact, ne relèvent en rien d’un juste questionnement sur je ne sais quelle vérité, mais de tentatives de réhabiliter l’impensable. Il est toujours un moment où s’arrête la ci-devant interrogation, le doute, les miens.

Un moyen de s’en apercevoir est que là, la Vérité est si laide qu’on ne peut la caresser ni même l’humer. On la range dans un tiroir à mémoire, et on la sort de temps en temps pour être sûr de ne pas l’oublier, de ne pas oublier qu’un jour, on pourrait bien en être, des bourreaux ou des victimes.

La tolérance ne permet pas que l’on tolère le crime sous prétexte de liberté de penser.

dimanche 5 avril 2009

La Vérité toute nue. #1/4 : La cour de récré.

La cour de récré.

Tu as peut-être déjà lu ce titre quelque part. Ce ne sera que coïncidence et manque d’imagination, quand je tiens un titre je m’y tiens. Ici, pas de classe du bout du monde, pas de désert, pas de rigolade. Ici, nous sommes dans le menu fretin de la propagande nauséeuse. Je le dis ici une première fois et ce ne sera pas la dernière, il ne s’agira pas d’interdire à qui que ce soit d’exprimer des idées avec lesquelles je suis tellement en désaccord que je n’ai même pas envie de discuter : que ceux qui se préparent à me traiter de censeur pour me combattre remballent cet argument. C’est mon affaire que leurs idées m’insupportent et il n’est pas question de les réduire au silence par contrainte.

On a le droit de me déplaire par ses idées. On a même le droit de me donner des palpitations et de l’urticaire. Mais on n’a pas le droit de les insinuer dans mon monde avec un masque de respectabilité, avec cautions honorables, avec journal gratuit d’abord innocent. Tu commences à deviner le pourquoi de mon sous-titre. L’affaire de la rue de la grande récré.

La vague de protestations qui suivi la découverte du subterfuge a été assez haute pour obliger les protagonistes de la manœuvre à faire machine arrière, à présenter amende honorable, à jurer qu’on ne les y reprendrait plus. L’enseigne doit aujourd’hui se faire quelque souci pour sa réputation à juste titre, la confiance met longtemps à se gagner et peut disparaître en deux jours. Il faudra plus longtemps encore pour récupérer cette confiance. Les chargés de markétinge de ces enseignes doivent sentir vibrer leur siège éjectable. Je ne vais donc pas ajouter des arguments à ceux déjà dits sur mes bloguézamis, tu les as lus comme moi. Je ne vais pas non plus ironiser sur la crédibilité des réponses faites. Je prends acte de leur rapidité à réagir et à expliquer, je prends acte qu’ils ne sont pas dérobés, que n’aurions nous pas écrit si nous avions eu affaire à un mur hautain et silencieux, ou pire, à des réponses agressives et menaçantes du genre vous allez voir ce que vous allez voir j’ai une armée d’avocats et des amis hauts placés.

Ils auraient pu, c’est déjà arrivé. Sans pour autant les défendre les yeux fermés, je le mets à leur crédit et j’attends de voir la suite. Je ne vais pas endormir ma vigilance réveillée en sursaut, je vais plutôt rester dans le virage à guetter le prochain dérapage ou non. Et je vais insister sur la question du masque.

L’auteur du billet qualifié d’éditorial et ce mot aura son importance dans la suite, rédige un blogue. Pour le connaître il suffit de s’y rendre, en se bouchant le nez je te le conseille. On est vite édifié sur l’esprit qui y règne et sur l’idéologie qu’il défend. J’ai bien dit que je me répèterai, libre à lui de défendre cette idéologie, et libre à moi de me boucher le nez pour éviter l’urticaire. Il ne s’agit pas d’interdire, il s’agit seulement de dire que ces idées là me sont insupportables et que la lecture du blogue est assez édifiante pour que l’argument de la « surprise » ne tienne pas une seconde dans l’amende honorable. Qu’on ne compte pas sur moi pour engager un débat sur les idées de ce blogue mais vous voyez, j’emploie même ce mot, idées.

Tu sais bien que tout ce que j’ai pu écrire et publier à ce jour témoigne de mon impossibilité à entrer dans ce marécage de ci-devant idées. Je suis trop énervé à les lire pour me contenter d’un échange aimable, d’un débat courtois qui serait presque une forme de reconnaissance, de validation.

Forme et fond sont inséparables : que l’auteur de l’éditorial ait à ce point tenté d’avancer masqué montre bien le côté nauséabond du fond.


vendredi 20 mars 2009

Un monde meilleur, bis.

Un monde meilleur, bis.

Il était une fois un monde meilleur. Il n’était pas d’aujourd’hui, mais d’avant-hier ou d’après demain, de nulle part ailleurs mais pas d’ici non plus. On le disait meilleur parce qu’on n’en savait pas d’autres. Et les gens vivaient ce monde comme le leur, sans le savoir meilleur et croyaient même qu’il y avait un monde meilleur ailleurs.

A première vue, vous l’auriez approché, vous vous seriez sauvés en courant ; ce n’y était que bisbilles, polémiques, combats furieux, duels féroces, bandes rivales et concerts de lazzis. Les chiens de faïence s’y regardaient par en dessous, les éléphants trompétaient leurs porcelaines, les hyènes nettoyaient les plaines désertées par les gaulois, les romains travaillaient, et les condors passaient.

Il faut vous dire que le prince de ce monde se nommait Héraklite, et qu’il avait dit : je reste sur ma bouse, je vous laisse entre vous, mais surtout que personne ne gagne. Voilà quel était le secret du prince, personne ne devait gagner dans cette férocitude, le bien lui-même ne saurait venir à bout du mal. Forcément, puisque nul ne pouvait dire ce qui était bien et ce qui était mal, quand chacun était certain de ce qui était bien et de ce qui était mal, les gens de bien comme les gens de bien mais d’en face.

J’aurais pu vous parler fleurette, soleil, ciel bleu et petit vent frais sur les bords du fleuve tranquille où marchent les kayaks. J’aurais pu parfumer l’atmosphère de sa gueule de Memnon, et oublier le paysan qui attend la pluie, j’aurais pu songer que les rameurs n’avaient aucun souci d’argent, j’aurais pu imaginer des arbres prolifiques chargés de victuailles désirables et goûteuses, et un paradis sans pommier. Trop facile, et au fond, redoutablement ennuyeux.

Alors mon monde meilleur n’est pas le vôtre. Il est rude, râpeux, bruyant, agité, tempétueux, impatient, fatigué et fatigant, bon à rien et prêt à tout, armé jusqu’aux dents. Armé ? Oui, de mots, de phrases, de contes, de discours, de slogans, de rase campagne, et de mille pensées colorées, tiens, justement, en voici des fleurs. Celles pour Algernon, où le miracle se termine en eau de boudin, où la merveille finit par vieillir, où tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se remplit. Mais où personne jamais, tu m’entends, jamais, ne gagne la partie.

Un jour quelqu’un quelque part a gagné. Et le monde meilleur s’est évanoui.


C’était ma contribution seconde au monde meilleur de Luciole. Le 20 mars 2009.
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mercredi 18 mars 2009

Un monde meilleur

J'en ai marre à la fin de me faire t'engueuler. Tu crois qu'il sort de la cuisse de Jupiter, le monde meilleur, qu'il surgit de la lampe frottée tel un jean délavé?

J'ai neffacé tous les mondes meilleurs que je t'avais concoctés dans ma bouilloire, parce que monde meilleur bouillu monde meilleur foutu. Et comme un seul rond de flan, je n'ai plus rien dans ma besace, juste une petite bombe atomique d'un rayon d'action de trois mètre cinquante que je ne sais même pas où faire tomber, tu le sais bien c'est l'endroit oùsse qu'elle tombe qui compte.

Mon monde meilleur commence passage du Nord, juste en face de la place de la Mairie, je ne sais pourquoi mais c'est ainsi. Je prends à droite, je passe sous le pont de chemin de fer et j'arrive au carrefour de l'insurrection.

Tiens, c'est déjà ça.


Puis je descends la pente et je marche le long du long mur du parc du château des Condés, devenu lycée depuis. Et toute mon adolescence m'y explose en pleine face, qui s'y déroula dans le brouillon le plus complet, entre les filles dont j'étais amoureux transi en silence, et les matinées studieuses d'élève appliqué qui ne savait même pas que dehors le monde vrai s'agitait, lui qui se croyait dans un théâtre permanent, perdu dans sa tête.

Il a choisi le chemin d'un monde inventé et s'est réveillé un jour, quarante ans plus tard, dans un monde réel qu'il ne comprends pas. Oui, une esse à comprends, il s'agit de la première personne singulière. Plus personne ne ressemble à Gérard Philippe, à Daniel Sorano, à Pierre Bertin, à Jean-Louis Barrault, à Monique Chaumette, à Agnès Varda, à Françoise Seigner, à Danièle Ajoret.

Si, un peu encore, Marie-Christine Barrault et Agnès Varda, derniers éclats de ce passé là.

Mon monde meilleur est une scène, la grande du troisième acte ou la dernière du dernier acte, la mort du dernier des Mohicans, l'agonie de la belle amoureuse, le martyre de Saint-Sébastien.

Il m'appartient de l'inventer, avec un beau dialogue, un bon metteur en scène, une belle actrice, un ténébreux séducteur, un traître dans l'ombre, et que la fin soit tragique, surtout, pour des larmes de crocodiles spectateurs.

Voilà, c'était ma contribution aux mondes meilleurs de Luciole.

mardi 17 février 2009

ECOLOS, ARROGANTS, Vade Retro, je me débrouillerai bien seul.

Je pars, donc je parle.

Cher Ours,
« Ai-je répondu ? », demandes-tu.

Tu réponds, en cela qu'il y a beaucoup d'intox de toutes parts et c'est le point qui m'indigne le plus dans tout ce fatras, comment veux-tu qu'on puisse au fond avoir une opinion qui se tienne en dehors de nos peurs et de nos allergies?

Tu ne réponds pas, en cela que justement l'usage du MOX permet de se débarrasser pacifiquement du Plutonium, en récupérant ce que les autres centrales ne savent pas brûler. Qu'on brûle la merde pour nous électrifier me semble moins pire que la laisser rayonner à tous les étages, à tous les coins de rue. On ralentit ainsi notre dépendance au minerai d'uranium, ce qui est plutôt positif dans ce monde où tout produit énergétique devient un sujet de guerre abominable.

Mais oui, l'usage du MOX est dangereux et demande plus de soins que l'usage de la barre d'uranium enrichi, et nous ne savons pas vraiment si ces messieurs ont vérifié la question, même si je pense qu’il en est ainsi et même si tu crains le contraire ; comme d'habitude dans tous les cas, ces messieurs ont négligé au moins les conséquences économiques de ces soins, en Finlande. Tu as raison de me rappeler cette info sur le MOX que j'avais zappée, c'est la nature du combustible qui est le point le plus délicat de l'EPR, et les techniques récentes qui permettent de le maîtriser : neutrons rapides, température de fission, pression de circulation de l’eau, rapidité des cycles et crayons de neutralisation.

Ce n'est pas une raison pour avoir peur. La seule raison d'avoir peur est que ces messieurs sous-estiment les difficultés et oublient de les compter en sonnant et trébuchant, par peur d’éventuelles critiques budgétaires, encore une fois la peur, d'où ensuite des conflits financiers parce que ce qui coûte finit toujours par coûter, d’où ensuite des économies de bout de chandelle qui elles, peuvent devenir dangereuses parce qu’on se met à parer au plus pressé en oubliant les fondamentaux.

Quand une difficulté se présente, il est stupide de la cacher, de la minimiser, il faut la regarder en face et prendre le temps qu'il faut pour établir des protocoles de fonctionnement répondant à cette difficulté. Si ensuite on constate que rien à faire, le processus n'est pas maîtrisable, on abandonne, il ne faut pas avoir peur d'abandonner ce qui ne marche pas en l'état des connaissances.

Cahin-caha, avec toutes les caricatures de discours bien-pensant, ce fut ainsi que Superphénix a fini par rendre les armes après des décennies de gabegie. On ne savait pas faire, et personne n’eut le courage parmi tous ces on de le proclamer haut et fort. Comment faire circuler du sodium liquide dans des kilomètres de canalisation sans être confronté à des corrosions monstrueuses ? On le savait dès le départ que l'obstacle ne serait pas franchi de si tôt, et on s’est lancé dans l’aventure sans biscuits, comme escalader l’Everest en espadrilles. Affaire mal enclenchée et mal vécue toujours à cause des affirmations, des intox et des anathèmes, et très coûteuse pour cause de fuite en avant contre toute logique : les faits finissent toujours par s’imposer. Ce sont d'ailleurs les Socialistes de Jospin qui ont pris la décision finale.

En réalité, Superphénix était incompatible avec les matériaux connus, et surtout le saut de géant de Phénix déjà mal en point à Superphénix pas du tout réfléchi était une erreur de méthode gravissime. Peut-être un jour pourrons-nous y revenir, mais ne soyons pas pressés. Alors faut-il derechef reprendre le sketch et l’appliquer à EPR ? Voilà la question qui est bonne, et moi ici je ne vous donnerai pas ma réponse. Exercice pour la prochaine fois, il est hors de question que j'impose mon idée quand j'en aurais une.

Restons-en à la méthode : prenons ce que nous savons ou ce que nous pouvons trouver en s’occupant sérieusement de chercher, négligeant le premier tract qui vole et le premier tonitruement de télé.

A ce jour, les difficultés d’EPR sont exclusivement financières, pour cause de sous-évaluation des coûts de techniques au demeurant bien explorées, en ce qui concerne la Finlande. La technique répond aux questions, mais personne ne veut payer, en Finlande. Ce sont là les "joies", si j'ose dire, des palabres entre acteurs privés. Il ne semble pas qu'on en vienne à cette caricature à Flamanville, qui aurait d'ores et déjà a pris en compte les surcoûts mis en évidence dans la neige lapone mais en oubliant encore quelques menus détails, genre coulage du béton spécial.

Menus détails, je ne suis pas en train de sous-évaluer, là, j’ironise, histoire de pointer mes zi. Flamanville se heurte à la résistance du rocher, à des bétons médiocres, à des règles de calcul absurdes pour cause de Messieurs-Plus qui surgissent de toutes parts avec leurs liasses de règles.

Alors tout désespoir n'est pas permis aujourd'hui. Mais ce que je vous raconte mérite d’être confronté à des connaissances de la question plus précises que les miennes, parce qu'il faut des connaissances et non des racontars. Après tout, on peut légitimement s’intéresser à ce qu’est une technique maîtrisée et une technique non maîtrisée, en prenant garde que la question financière ne vienne parasiter la maîtrise, en prenant garde que le comptable ne vienne empiéter sur le savant.

Pourtant, l’un et l’autre sont bien contraints de se surveiller du coin de l’œil, chiens de faïence obligés.

Voilà. J’ai mis en ligne chez toi un premier jet, j’ai repris le tout et j’en ai fait mon billet de bloghumeur, en numéro deux de celui déjà diffusé. Je me rends bien compte que nous n’en avons pas fini de la question et que nous tombons vite dans les pièges que je dénonce. Continuons à touiller, cher Ours, je vais rester silencieux quelque temps, une fois de plus mais celle-ci volontaire et programmée. J’attends tes nouvelles malices et celles de tes amis, ce qui fera décanter ma suspension, Vu l'heure, bonne soirée aux européens, bonne après-midi aux canadiens, bonne nuit aux chinois, pourquoi n'y aurait-il pas des chinois qui lisent chez Moukmouk ?

Je confirme, il y a des chinois qui lisent chez l’Ours, et nul syndrome à l’horizon.

FIN.

lundi 16 février 2009

LES ECOLOS ME GONFLENT moins QUE LES ELECTRICIENS SAVANTS.

Moukmouk m’a répondu.

Mais Moukmouk ne se laisse pas impressionner de si peu. Il répond, non point vertement comme d’autres l’auraient fait, mais malin il argumente, informe, complète, enrichit. J’apprends ainsi ce que je savais pourtant autrefois, que l’EPR fonctionne selon un processus qui permet de brûler du MOX, un combustible radioactif capable de réaction en chaîne contenant du Plutonium, des crayons de mélange Uranium enrichi et Plutonium. Il fonctionne à de plus hautes températures que le PWR et nécessite des matériaux de grande résistance, dont certains sont de découverte récente.

Il a raison, EPR est plus performant mais plus dangereux que PWR. Le socle en béton sur lequel est posé ce réacteur doit avoir des capacités de résistance très au-delà de celles qu’on attend des réacteurs classiques. Faut-il pour autant le rejeter ? Celui qui a construit le premier moteur à explosion de l’histoire du moteur à explosion n’aurait jamais imaginé, aurait même été totalement incrédule, qu’un jour ce moteur puisse tourner à 12 000 tours par minute, aurait pu imaginer qu’on puisse en fabriquer des millions par jour à travers la planète. D’accord, ce n’est pas un bon exemple et je sais que les chatouilleux du carbone ne roulent jamais en automobile.

Rien que le nom, d’ailleurs fait peur. Terrifiante, l’idée que le moteur à explosion puisse se répandre à travers le monde, non ? Explosion ! Oui, je ridiculise, pour montrer où parfois dérive l’ignorance manipulée.

Attention à l’amalgame une fois de plus, nous ne sommes pas du tout dans la configuration du Superphénix. Cette configuration relevait du saut dans le vide sans savoir si élastique était attaché, ni même s’il y avait un élastique. Rien ne me permet de craindre, aujourd’hui, que EPR est comparable à Phénix. Les matériaux, les températures, les fluides, les réglages, le contrôle de la divergence, sont étalonnés, définis, vérifiés. Et si des litiges paraissent parce que tout ceci qui est bien connu est mal chiffré pour son coût, ce n’est plus une question de technique et de danger, mais une question de kipaikoi.

Bien entendu, le risque que j’évacue par la porte peut bien entrer par la fenêtre sous forme d’économies sur la sécurité pour compenser les vrais coûts de ce qu’on a voulu dissimuler. A ce propos, nous ne payons pas assez cher notre électricité en France, mais va dire aux gens qui ont du mal avec leurs fins de mois qu’ils devraient payer deux fois plus, ce qui serait la vérité du prix de l’électricité nucléaire. Là est le pire des mensonges et bizarrement personne ne dit rien, on préfère répéter machinalement : le nucléaire non merci. Une énergie deux fois plus chère commencerait à répondre aux arguments de notre Ours, à savoir la lutte à entreprendre en toute priorité contre le gaspillage, et là je serai de ce combat, j’en suis déjà.

En 1980, dans mon palais de Billancourt, je consommais 5000 KWH d’électricité par an. Aujourd’hui, bien qu’ayant agrandi mon palais et construit des dépendances tout autour, j’en consomme 4000. Pas de quoi faire le tour de Jéricho en jouant de la trompette, mais nettement à rebours des tendances nationales. Et je peux encore faire mieux, bien que je devienne frileux avec l’âge et que même au gaz, mon chauffage tire un peu de courant.

A la fin de son commentaire, malin et malicieux l’Ours me demande et je vois son clin d’œil moqueur à travers l’océan : « ai-je répondu ? ».

Me voici obligé de reprendre ma réflexion.

à suivre, comme d'hab.

dimanche 15 février 2009

LES ECOLOS me gonflent, LES ARROGANTS d'en face M'INSUPPORTENT..

Discours de la méthode, par moi-même.

Il m’est amusant de me relire. En effet, au fur et à mesure de l’écrit, je vais chercher ici ou là des documentations des articles ou des renseignements, j’en trouve, qui me font revenir sur le déjà écrit. Dois-je alors reprendre tout ce qui n’est pas encore publié, ou dois-je poursuivre et éditer ce qui est au moins partiellement contredit par mes nouvelles connaissances ? Il me semble que je dois rester fidèle à ma logique du savoir disponible et des hypothèses exprimées lors du premier jet, quitte, si remise fondamentale en cause il doit y avoir, à poursuivre l’écriture. Exercice dangereux qui m’expose aux ricanements, exercice nécessaire pour illustrer moi-même ma méthode. Mais je n’en suis pas à cette extrémité.

Pouf pouf.

Le 13 février à 00h59.

Il est toujours difficile de faire le tri entre le renseignement et le mensonge. Il m’est arrivé de me laisser embarquer dans une logique d’apparence rationnelle mais il m’est arrivé aussi d’accéder à des détails qui m’ont permis de ne pas aller au bout du tuyau. Il faut toujours faire attention aux petits détails quand on glisse sur la pente de la logique. J'ai pu de même échapper aux intox d’en face. Attention donc, le terrain est miné, et je ne suis jamais sûr de mes bonnes raisons.

De tout ce qui se dit chez toi, l’Ours, je dispose d’une seule information que je me sente capable de valider : l'arrêt de la centrale EPR de Flamanville, à cette heure-ci de ma connaissance, n'a aucun rapport avec le côté dangereux de la technique dite EPR, ni même aucun rapport avec l’atome. Au demeurant, pour évacuer ce sujet et oublier les imprécisions dans lesquelles le débat patauge, je ne me souviens plus de ce qui différencie l’EPR du PWR, mais tu sauras sans doute rafraîchir ma mémoire passoire, et m’expliquer pourquoi EPR est pire que PWR, puisque telle est ta thèse. Je ne veux surtout pas débattre sur des notions floues, et j’ai tant entendu d’arguties brandies sur le sujet par les uns et par les autres sans jamais pouvoir comprendre ce qui les diffère et en quoi cette différence rend l’EPR plus dangereux, que je réserve mon opinion.

Quoi qu’il en soit, les difficultés actuelles de Flamanville ne sont que questions de réalisation de structures en béton, pour cause d'empilement de règles de sécurité de génie civil ; on peut aussi s’interroger sur la pertinence de cet empilement, comme partout le mieux est l’ennemi du bien. Il se peut qu’il y ait un rapport avec le processus nucléaire qu'abritera beaucoup plus tard cette structure : dans ce cas comme dans tous les autres, ou bien la question technique est maîtrisée, et on met sur la table l’argent nécessaire à la bonne construction, ou bien elle ne l’est pas, et en effet on abandonne le projet.

Il faut toujours être honnête dans un débat : nous ne savons jamais tout de ce nous débattons, et cette part d’ignorance est bien la cause des empoignades. Nous devons alors faire des hypothèses basées sur des savoirs venus d’ailleurs pour avancer, ne jamais oublier que ce ne sont que des hypothèses, et ne pas hésiter à remettre l’ouvrage sur le métier si elles sont infirmées. Je garde donc cette conviction établie sur ce que je sais des techniques de béton armé, que la question posée dans ce cas très précis de ce chantier dont on parle, et je me refuse à toute généralisation ailleurs, est une question de prix et non de matériau, et que là réside la cause de l’arrêt.

Il n'y a pas encore un gramme de produit radioactif dans cette centrale en construction, et les éléments spécifiques du réacteur en dehors des fondations en béton ne sont pas commencés.

En bref, ces difficultés seraient les mêmes s'ils construisaient une centrale au charbon ou au pétrole d'une puissance équivalente (1500 MW) en cherchant le même empilement de règles de sécurité de la partie béton de l'ouvrage. Ainsi, il n'y a aucun rapport entre cet arrêt des travaux et le côté nucléaire de la force. Je n'écris pas ceci pour dire que tu as tord de critiquer, mais pour t'éviter l'emploi d'arguments erronés dont l'usage même involontaire pour trop bien faire dévalorise le reste du discours.

Si débat il doit y avoir, chacun doit prendre soin d'étayer son propos avec des pensées construites après avoir tenté d’en savoir davantage sur le fonctionnement d’un réacteur nucléaire, sur les avantages éventuels et sur les dangers certains, y compris en écoutant attentivement les arguments contraires après y avoir réfléchi, au moins dans la mesure où ils sont autre chose que des paroles lénifiantes et des affirmations hautaines, et c’est rare qu’ils soient autre chose, malheureusement. Il serait bon que tout le monde qui cause ici et là vertement ait commencé par en visiter, des centrales, charbon, fioul, uranium. Et La Hague pour bien faire. Ce n’est pas suffisant mais ce serait déjà une première fenêtre de pensée.

Le vrai danger, au-delà ce nos ignorances techniques, après tout personne n’est tenu de maîtriser le savoir pointu mis en œuvre, le vrai danger est que nous avons tous pour idée de départ que la conclusion doit obligatoirement aboutir à "le nucléaire c'est mal, le nucléaire c'est bien". Ce principe vaut pour la plupart des débats sur la plupart des sujets, mais se trouve particulièrement adapté à ce débat-ci, ce débat-là, ce déballage. A quoi bon débattre s il en est ainsi ? La condamnation ou l’absolution sont données d’avance selon celui qui se lève, et nul ne le fera changer d’avis. Il faut juste clouer le bec à l’autre, et pourquoi ne pas lui couper la tête ?

J’ai beaucoup fréquenté le monde du nucléaire depuis trente ans que j’erre. Et je ne suis toujours sûr de rien. De ton côté, tu sembles une fois pour toutes déterminé. Le débat ne sert donc à rien, ni pour toi qui sera inflexible, ni pour moi dont le péché mignon est de rejeter par principe les arguments du genre clouage de bec, je ne parle pas de toi bien entendu sinon j’aurais déserté le terrain depuis longtemps, ce genre là aurait plutôt tendance à me pousser vers la conclusion inverse, quelque soit la position de mon interlocuteur, écolo face aux arrogants, nucléariste face aux écolos. En vérité, mon inclination va plutôt vers une position favorable à la production d’énergie électrique par des centrales nucléaires, et je me désole de la pauvreté des arguments de ces messieurs les arrogants que j’ai fréquenté d’assez près pour savoir qu’il sont encore pire que tu crois, bien que du même bord que moi sur les choix fondamentaux.

C'est pourquoi je n'écris pas ceci non plus pour dire que tu as raison. Je répète que je ne crains pas la construction de centrales nucléaires, la peur n’a jamais été une motivation convenable et répandre la peur est une ignominie même sous prétexte de réveiller des consciences endormies à ce qu’on croit ; je ne les crains pas, notamment les PWR auxquelles j’ai participé et justement Flamanville et celles de Seine Maritime, Penly et Paluel. Je suis horrifié de la nature absurde du débat sur le sujet de part et d'autre, qui aboutit d'ailleurs aux dérives que tu dénonces, l'absence de recul, l'absence de réflexion sur le long terme, la peur d’informer même en cas d’anomalie, incident, accident, l'approche sécuritaire par le petit bout de la lorgnette qui donne les Tchernobyl, non par souci d'économie mais par empilement de pages de procédures que personne ne lira jamais, empilement de bonne conscience, empilement superfétatoire parce que la sécurité bien ordonnée est une sécurité simple d'accès.

La lourdeur réglementariste est un nuage de fumée si je peux me permettre l'expression douteuse.

La peur des écolos chez les marchands d'électricité a été aussi mauvaise conseillère que leur volonté d'opacité et leur arrogance affichée. Mauvais conseiller aussi l'usage d'arguments terrifiants de la part des ennemis des centrales, qui ont construit leur crédibilité sur l'opacité en question. Terrifiants et souvent erronés, pour rester dans l'euphémisme.

Sans parler évidemment de l'invocation à Tchernobyl, qui relève du passage obligé, de la formule magique, qui fait partie de ces arguments qui tuent imparables, et qui donc marche à tous les coups alors même que plus personne ne se souvient ou ne veut se souvenir, des raisons de cette catastrophe.

Maintenant vous pouvez y aller de vos invectives, je suis absent pour trois semaines. Vous pouvez même venir chez moi, j'y ai laissé un bâton pour me faire battre. J'essaierai à mon retour de donner une troisième partie à mon billet en cours, ce texte me servira de deuxième, comme le premier avais d’abord été un commentaire chez Lydie du Béarn. J'ai déjà été trop long ici à monopoliser la place. Mais sache, Ours d'ici qui m'accueille, et sachez, autres lecteurs sympathisants, que l'invective ne m'intéresse pas, vous avez dû le comprendre.

Un petit codicille s’impose : certaines des affirmations de ce billet doivent être tempérées par des renseignements complémentaires qu’entre temps j’ai glanés, merci à l’Ours et à d’autres de m’éclairer sur le MOX, l’EPR, le PWR. De quoi poursuivre, au moins.

samedi 14 février 2009

LES ECOLOS, et pas qu’eux, PARFOIS ME GONFLENT.

Une petite décharge nucléaire

C'est un billet de Moukmouk du mercredi, 11 février 2009, 22:20 - qui m'a mis sur le sentier du calumet.

Il y a pas qu'en Amérique que les déchets radioactifs sont ignorés. Connaissez-vous la ville de Gueugnon?...

Nous connaissons tous peu ou prou notre ours canadien préféré, ours blanc de peau mais tellement indien d’âme. Lebel ours. Toujours à l’affût, il sait trouver les mots qui nous font frémir, devant l’immensité de l’avidité de quelques un et les conséquences dramatiques sur son espèce en voie de disparition, bizarrement étroitement liée aux risques de disparition de la nôtre, bizarre peut-être mais pas par hasard.

Le voici donc qui fit un billet à nous tourner les sangs sur la dispersion mensongère et criminelle de déchets radioactifs de toute nature à travers notre pays de France, à Gueugnon par exemple et ailleurs, et dont les pouvoirs publics s’indiffèrent en toute lâcheté négligente, laissant la population sans information ni protection. Pouvoirs publics devenus complices lorsque, une fois informés, leur seule réaction musclée est de s’opposer à la poursuite de l’information.

J’ai l’air malin de reprocher aux écolos leurs agitations médiatiques, quand ils doivent se confronter à ce mur de silence, au crime par omission. Et bien je vais garder mon air malin, parce que si la situation impose de crier fort, il faut aussi crier juste. Parler de ces décharges est juste et je participe volontiers à ce débat, mais dériver derechef sur les centrales nucléaires en créant l’amalgame est erroné, imprudent, improductif. On peut aussi débattre des centrales nucléaires, encore faut-il trouver les bons termes du débat et ne pas mélanger avec le cas du radon des maisons.

Merci, Moukmouk de Pohénégamouk, de me donner la parole. Je vais disserter sur la méthode, comme un Descartes de bazar, au hasard, bizarre, plus que du bien fondé de ceci ou de cela.