mercredi 17 septembre 2008

Auriez-vous dit Dieu ?

Qui ? Dieu !

Je suis allé me promener chez Embrun dont la rumeur persistante annonce son départ pour de froides contrées ou, sinon Dieu, au moins l’Ours le plus civilisé de la terre existe. Il y était question d’un castrat agnostique, pour parler chic.

Je m'arroge le droit d'ajouter un caillou dans ce jardin. Je ne me focalise pas sur la querelle sémantique entre athée et agnostique. Il me semble cependant qu'il y a bien deux sortes d'athéisme. L'un serait d'ordre religieux, à l'instar des théories de Michel Onfray exposée dans son traité "d'athéologie", et que je résume, impertinent, par la déclaration : je CROIS que Dieu n'existe pas.

L'autre serait de l'ordre du laïc (je n'ai pas trouvé d'autre mot). Il consiste à prendre Dieu au mot ; tu me déclares libre de mes choix, donc je DÉCIDE que tu n'existes pas, et je construis ma vie sur cette décision. On sort de l'orbite de la révélation positive ou négative, de l'orbite du subi, de la soumission acceptée, on passe à autre chose. On ne croit pas, on ne croit pas que Dieu existe. Au fond, qu'il existe ou non n'a aucune importance. La négation porte sur la croyance en lui, non sur son existence.

Je suis de cet athéisme-là. Aucune arrogance, aucune volonté d'en imposer à qui que ce soit de ma vérité ou de mes doutes. J'en ai décidé ainsi pour moi et toi, tu fais ce que voudras, comme le proclamait ce bon moine de Rabelais.

Etymologiquement, les deux formes sans Dieu sont bien des a-théismes, athéismes. Que l’on reproche au mot agnostique de constituer un euphémisme qui serait plus facile à assumer n’est pas en débat. Chacun emploiera le mot qu’il peut, selon son degré de détermination, son degré de liberté, et la force de ses doutes. Le doute est ce qui te saisit chaque matin en te levant et chaque soir au moment de l’abandon. A chacun de s’en sortir, ou de cohabiter. Ce n’est pas le choix du mot qui le vaincra, le doute ; il ne sera jamais vaincu. Il faut donc prendre une décision, seul, devant ton miroir. Dieu te laisse seul si par hasard il existe, il ne te donne pas d’indices, il ne te tient pas la main. Il l’a voulu ainsi : tu es homme donc libre, tu décides. Et ta décision ne sera ni récompensée ni punie, quelle qu’elle soit, ou alors elle ne serait pas libre. Tu pourras même changer d’avis en cours de route si tu y tiens ou si tu ne peux plus continuer comme tu pensais pouvoir le faire.

Pardon pour le dérangement.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Quel dérangement ? on peut avoir reçu une éducation religieuse sans y croire pour autant. Pas de récompense, pas de punition, voici qui me convient bien et sauf erreur, le sujet de la foi, de la croyance et des religions a été évoqué chez toi.

Andrem Riviere a dit…

Le sujet est sans cesse à remettre sur le tapis. L'ouvrage est cent fois à remettre sur le métier. J'en dirai deux mots à Boileau, tant que j'y pense.

J'ai repris et complété un commentaire que j'avais fait chez Embrun, pour qu'il devienne billet ici. C'est surtout chez Théolone et ses fiches qu'on en parle, en effet. J'espère ne pas l'avoir contredit ...

Anonyme a dit…

bonsoir de la part de Miette, Andrem

Je n'aurais peut-être pas dû aller voir la discussion sur le blog d'origine, c'est un peu décourageant …
je mets (ici) quand même mon grain de sel à propos de l'anticléricalisme évoqué par l'un des commentateurs de là-bas: il est parfaitement compatible avec le christianisme, dans le protestantisme par exemple ! et je dirais même qu'il est présent dans l'évangile (Jésus est toujours en bisbille avec les clercs, les représentants qui se pensent "autorisés", les "pros" de la religion en quelque sorte …)

Mais au départ je n'étais pas venue pour dire ça ! je suis plutôt d'accord avec votre évocation de la liberté humaine ; il est remarquable à cet égard que les miracles relatés dans les évangiles soient dictés par l'amour, la compassion, le désir de guérir qqn, et pas de manifester sa puissance pour obliger les hommes à croire — à la différence du Coran comme je le disais dans un échange plus ancien avec enclume des nuits. C'est au contraire la teneur de la tentation de Jésus au désert (l'adversaire propose un "raccourci", des miracles de puissance, bien spectaculaires … du coup la 3ème tentation va de soi, car procéder ainsi serait se soumettre à la logique du monde et du "prince de ce monde")

En fait, je n'étais pas non plus venue pour dire cela, décidément Miette frappe toujours 3 fois …
Je voulais simplement signaler le caractère étroitement chrétien ou anti-chrétien de la discussion (et en France il n'y a ensuite qu'un pas pour réduire encore une fois, et "naturellement" au catholicisme). Parce que le problème du "croire ou ne pas croire", de la foi me paraît surtout essentiel pour le christianisme ; vous connaissez la vieille blague juive du congrès des athées (ou ce que vous voulez, hein) qui se tient … dans la synagogue ! Il me semble que l'on peut aussi faire le choix de vivre selon certains principes, voire de suivre certains rituels auxquels on reconnaît une puissance symbolique structurante. Je dis souvent que pour moi la Bible pourrait aussi s'appeler "La vie, mode d'emploi" (mais bon, quelqu'un a pris le titre …); que c'est un grand traité d'anthropologie, qui nous parle davantage des hommes que de Dieu. J'ai essayé d'en parler un peu chez Clopine,donc je ne vais pas sans arrêt me répéter …
Bonne nuit, et excusez-moi de n'avoir pas pu tout lire sur tous vos blogs …

Andrem Riviere a dit…

Bonjour, Miette.

Je sens qu'il est heureux que je vous aie attirée chez moi. Je vais commenter en remontant le courant. Prenez votre temps pour tout lire. Rien n'est pressé, et mes blogues sont organisés pour me permettre de repérer un commentaire nouveau même sur un très ancien billet. Et si vous prenez votre temps, mon souhait est que vous y trouviez du plaisir, masi à l'impossible nul n'est tenu.

1) Je me suis toujours douté que mes positions se plaçaient dans la logique du catholicisme, mais je n'ai pas voulu dans un court billet tenter une généralisation ur toutes les croyances. Cette généralisation me semble possible, mais probablement en utilisant d'autres termes et en rebondissant sur les logiques particulières des différentes religions monothéistes.
Le raisonnement ne tient pas un instant devant un paganisme animiste, au point que je me demande s'il n'y a pas là un savoir caché à examiner et à respecter, mais c'est un autre débat, qui dépasse Dieu.

2) Pour revenir à la dérive chrétienne ou non-chrétienne (plutôt que "anti"), l'utilisation que j'ai peut-être faite du mot "naturellement" concernant le catholicisme est erronée à mon sens. Il faudrait utiliser le mot "majoritairement", pour décrire ce qui reste encore dominant dans la majorité des têtes d'humains de ce pays.
Pour réfléchir et pour écrire je m'appuie sur ce que j'ai pu apprendre au cours de mon existence, en vécu, en lectures, en écoutes, en mésaventures. L'acquis culturel, comme disent les gens qui causent mieux que moi.
Et tout petit comme un Obélix je suis tombé dans la marmite catholique, ce qui oriente mes propos quoi que je fasse, même lorsqu'il s'agit de m'opposer au sentiment religieux, ou d'en définir les limites et les dangers, même lorsqu'il s'agit de m'opposer à vous.

3) Plus haut, ce pour quoi vous n'étiez pas venu et donc à quoi je ne vais pas répondre dans ce qui suit, mais qui n'est pas sans lien avec ce qui précède, la liberté de l'individu face à sa conscience est une donnée fondatrice et inaliénable. Et les manifestations de puissance ne pourront jamais s'y substituer. Qu'on soit impressionné et qu'on se soumettre reste un choix, soit délibéré, soit d'apparence, mais cette liberté reste, quoi qu'il arrive.
Le miracle par amour n'est plus du même monde, et ne touche pas davantage la liberté ontologique. Il est de nature biblique, cette fois-ci, et plus particulièrement chrétienne. La frontière est ténue entre ces deux mondes et l'apparence ressemble parfois tant à la réalité qu'elle le devient, réalité, si l'on y prend garde. Je ne crois pas m'être avancé sur ce terrain là ailleurs qu'ici, et il faudrait y revenir beaucoup plus longuement.
J'ai écrit, dans mon blogue Théolone, une longue série de billets sur le thème de la croyance, que j'ai intitulé "mauvaise foi". Par le jeu des liens, vous le trouverez sans difficulté.

4) Je finis avec votre début.
J'aime bien me promener chez Embruns (avec une S oubliée dans mes billets et mes liens). Mais l'article sur lequel j'ai réagi a donné lieu à un torrent de commentaires qui, après m'avoir stimulé, m'a lassé, par sa répétition et ses alignements de propos convenus, de part et d'autre. En aucun cas je ne relie l'athéisme à l'anticléricalisme, ni la laïcité à la persécution des religions, bien que telle ou telle circonstance, ils puissent avoir partie liée.
Ma base fondamentale est que la foi est une question intime, au même titre que d'autres intimités qu'on ne dévoilerait à personne sinon à quelques choisis de moins en moins nombreux avec le temps et encore non sans mal. Si je révèle mon choix de non-foi, si je l’écris dans mes blogues, ce n’est pas pour un viol d'autres intimes, mais seulement pour dire la possibilité d’un tel choix, pour dire que ce peut être un choix, et qu’il n’est ni du ressort du rejet ni du ressort de la conversion. Et ce n'est pas toujours facile de se mettre ainsi à nu, de devoir ensuite expliciter face aux contestations souvent agressives, comme il serait difficile en d'autres domaines de justifier de préférences inhabituelles ou, au contraire, trop banales.

5) Pour être explicite, il m’est tout aussi odieux d’être interrogé sur mes préférences sexuelles quand bien même elles seraient d’une banalité désolante, que d’être interrogé sur mes préférences divines, quand bien même elles seraient confortablement installées dans la majorité de mon monde. Et l’envie de mentir me prend, chaque fois que je remplis, ici ou là, une carte de débarquement, comme on s’habille du premier oripeau venu, surpris nu dans la rue.
L'autre base, pendant de la première, est que la religion est un comportement collectif, dans lequel l'imitation et la dépersonnalisation jouent un rôle considérable, et que ce comportement est compatible avec d'autres insertions dans le collectif, telles que l'acceptation de l'appartenance à un peuple (nation, état, population, langue, que sais-je encore). C’est d’ailleurs le sens que je donne à la notion de laïcité, qui recouvre assez bien cette notion de compatibilité.
En effet, je garde l’idée que seule la laïcité permet la coexistence de toutes les religions possibles, ce qui ne peut pas être le cas en présence d'une religion dominante et légiférante ; non par procès d’intention, mais par la seule définition de la religion a fortiori religion "révélée". Les autres, ainsi que l'athéïsme, ne peuvent dans le meilleur des cas qu'être tolérées.

Voilà de quoi converser pendant le reste de notre vie, sans la moindre tolérance, je n'aime pas la tolérance, je lui préfère la liberté.