mardi 29 janvier 2019

Objets inanimés 3 - Le Meccano


Le meccano


Je n’ai jamais eu de chance avec les cadeaux que j’ai reçus, quelle qu’en fut l’origine. Pour être précis, je devrais dire que ce sont les cadeaux que j’ai reçus qui n’ont pas eu de chance. Arrivés entre mes mains, pour mon plus grand plaisir presque toujours, il arrive parfois que le cadeau soit à côté de l’envie ou du besoin mais même alors le seul fait qu’on m’ait fait un cadeau me plaisait, ils trouvaient en quelques jours semaines ou mois une fin tragique : brisés, volés, perdus. Les uns sont tombés en panne ou dans la Seine ou dans des fleuves très exotiques sinon impassibles, d’autres ont finis sous les roues d’un autobus, la plupart a mystérieusement disparu.


Il n’y a guère que mon jeu de meccano qui a traversé les âges jusqu’à mon départ de ma maison d’enfance pour de nouvelles aventures. La première boîte était modeste, quelques plaques percées de trous et tiges filetées, avec roues, axes, goupilles et tout un assortiment de vis et d’écrous formant boulons. Le principe était simple, on passait de la boîte numéro un à la boîte numéro deux avec la boîte complémentaire, ce qui évitait à chaque noël un investissement trop important, et de réfléchir trop longtemps à ce qui pourrait bien me faire plaisir cette année.


Le jeu a ainsi gonflé avec l’âge, passant du tâtonnement enfantin aux entreprises hasardeuses adolescentes sous le regard bienveillant de mon père qui, évidemment, n’était pas pour rien dans la gonflette, et malgré les soupirs de ma mère qui vivait assez mal l’envahissement progressif des escaliers par mes systèmes de transport d’étage en étage. Je devinais cependant qu’ils étaient tous les deux satisfaits de mon inventivité pensant qu’elle augurait bien de l’avenir ce en quoi ils avaient tort, je n’ai jamais été un bon bricoleur.


Le meccano est depuis belle lurette dispersé aux quatre coins de la planète qui pourtant est ronde ou presque, et je doute qu’il serve à égayer les jeux de quelque enfant assez égoïste pour passer des heures seul avec lui.

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