mercredi 13 février 2019

Objets inanimés 4 . Le sac magique

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Tout objet a, en lui, une capacité magique. On ne sait jamais laquelle et c’est pourquoi on les croit inanimés et juste destinés à l’usage pour lequel ils ont été créés, inventés, fabriqués. Mais parfois comme dans Harry Potter, le plus banal des ustensiles se transforme en bon génie ou en monstre foudroyant. Pas souvent en général, cela ne m’est encore jamais arrivé, mais sait-on jamais.

C’est aussi l’occasion d’un petit clin d’œil à Jean-Paul Kauffmann.

Depuis qu’il avait commencé son parcours, il avait chaque soir réussi à trouver un asile pour la nuit. C’était la fin de l’été et la proximité de la grande ville rendait la vallée accueillante, on trouvait facilement un hôtel, une auberge, ou même une simple cabane de jardin, elles ne manquent pas dans ces banlieues de plus en plus lointaines et de plus en plus jardinées. Au pire, il avait pu s’abriter quelques heures sous la culée d’un pont, septembre est encore assez doux pour se le permettre.


Son projet allait loin, beaucoup plus loin que ce monde urbain, péri-urbain, banlieusard, au cadastre arlequiné de mosaïque. Il l’avait claironné et ne pouvait se dédire, il devait remonter à la source au sens propre du terme, remonter à la source de cette rivière au cours paresseux d’apparence qu’il avait choisie comme on choisit une fiancée, en cela qu’il n’avait rien choisi du tout, que les choses arrivent, on s’aperçoit qu’on est marié et on en est très heureux, on n’aurait pas imaginé autrement ; ainsi de cette rivière qui l’avait conquis il ne sait comment et il sait qu’il ne saura jamais. Mais il marche et il est heureux de marcher à ses côté et ne peut imaginer marcher ailleurs.


Il va la remonter jusqu’à sa source, il a bien insisté, au sens propre c’est-à-dire au sens figuré forcément. Remonter à la source de toutes choses, en premier lieu de soi-même, à la source de toi-même marcheur infatigable des chemins de halage.


Personne n’y peut rien, l’automne suit l’été et octobre vient après septembre. La banlieue s’éclaircit, les jardins font place aux immensités céréalières. Les grosses fermes se ferment comme leur nom l’indique, et comme il n’y a plus personne, il n’y a ni hôtel ni auberge ni cabanon. Le remonteur de source était inquiet du ciel qui se couvrait et de l’humidité qui commençait sérieusement à lui ronger les os, cette humidité de vallée dont le plateau était dépourvu mais où le vent frisquet aurait aggravé son cas. Sans compter que sa promesse de longer la rive aurait été trahie de s’en écarter autant, alors va pour l’humidité.


La nuit était presque tombée. Nulle écluse, nulle lumière, pas même un petit bateau couvert. Avisant un recoin de broussailles, il y jeta son sac à dos pour se ménager un nid, et aussitôt le sac à dos se déploya pour former une jolie tente douillette qui lui tendit les bras en murmurant : « aies confiance, n’aies pas peur, je suis là, je te garde ». Il l’avait oublié, ce sac à dos lui avait été offert par sa femme pour cette marche. Elle lui avait dit « tu verras, ainsi je t’accompagnerai et tu seras à l’abri ». Il n’avait pas compris sur le champ mais il l’avait embrassée tendrement.


Quechua qui mal y pense, il dormit profondément et repartit frais et dispos le lendemain pour de nouvelles aventures.

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