dimanche 9 août 2009

Coup de vent

Prologue.

La Turquie de chez nous remonte à la plus haute antiquité. Si l'on veut jouer au plus ancien des anciens, elle existait avant même que nous n'existions, plus encore, ne serait-ce pas de là-bas que nous viendrait l'idée même d'Europe, et le nom, à quelques bras de mer près.

L'anachronisme est ce qui me va le mieux. Alors, poussé par une diablesse en sandales, ou plutôt attiré derrière ses mollets décidés, je me suis inventé un voyage, qui comme toute invention ne sort pas du néant mais d'un affreux mélange de vécu et de rêvé, de flots bouillonnants qui m'ont vraiment trempé le jean et de sueurs d'effroi qui m'ont vraiment trempé le cou, avec des lectures lointaines, des traductions hasardeuses, des combats perdus d'avance contre les verbes en mi, où seul le gros dos faisait face au gros temps. Il en est sorti ce jet de vapeur.

Avant d'embarquer pour six terres, va donc humer l'air du temps, il est doux et parfumé, il sent la lavande et le thym, le ciste et l'eucalyptus, et un peu la vieille poule. Mais il est l'embarcadère, juste en face de Théolone.

Maintenant tu peux monter dans le bateau. Attention, c'est un esquif vieux de trois mille ans et quelques.

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Anachronique d'Odysseus.

J'avais juste un petit bras de mer à traverser, pourtant. Mais Neptune ne me lâchait pas la grappe, depuis sept ans que je ramais. Deux grains de ciel noir ébène me sont tombés sur la galère, l'un de l'Ouest, l'autre de l'Est, le mystère des vents du Sud du Taurus demandent plus d'une vie de marin pour être percés.

Alors, mes compagnons et moi, après avoir une fois de plus fermé les écoutilles et rentré les rames et la tête dans les épaules, nous nous sommes laissé secouer comme des prunes de Datça et avons attendu la fin, comme toujours, et comme toujours elle n'est pas venue, il fallait bien que le cycle épique se boucle, et nous n'étions pas encore rendus.

Le matin s'est levé sur une petite baie immobile, si tranquille qu'on entendait se jeter dans la mer le petit ruisseau qui traversait la ville endormie. Bien réveillé, cette fois, je me suis juré que je ne raterai pas le rendez-vous d'aubaine, et je me suis précipité à terre rendre visite à Eudoxe qui habitait cette ville, là, juste la troisième à gauche, sur la petite crête arrondie d'où l'on voit Méditerranée et Egée s'observer en chiennes de faïence.

Que j'aie 800 ans de plus que lui ne fait rien à l'affaire. La conversation fut interminable et j'ai convaincu Eudoxe d'écrire ce qu'il savait du monde, avec un peu de chance on en parlerait encore dans trois mille ans et quelques. Son seul argument était qu'il n'était pas encore né, et il était trop malin pour ignorer que l'argument ne tenait pas un instant face à Homère.

Il me fallait repartir, ces mollets et ces sandales, je les suivrais jusqu'au bout de la terre.

A.
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4 commentaires:

Marie a dit…

Coup de vent comme en mon passage, le sourire revient puisque c'est prologue à tout les étages et que la jeunesse vient au secours du centenaire affiché. Copi-lage ? je dis ça c'est pour les minois.

Loïs de Murphy a dit…

C'est beau un grain de ciel.

ada a dit…

N'empeche j'aimerais bien une suite ! Je repars vers des contrees non connectees, mais maintenant que j'aı un nouveau compagnon de coyage, je vais en profiter pour approfondir mon exploration. Et quel compagnon ! Merci !

Andrem Riviere a dit…

Ton piège est cousu de fil blanc, chère Ada. J'y tombe avec d'autant plus de plaisir. Mais je ne t'accompagnerai pas très loin, car je suis accroché à ma presqu'île, un peu comme une île déracinée, ce qu'elle fut dans l'histoire, en fait.

Je veux moi aussi prendre le temps de causer avec ces gens là d'alors et de là.