jeudi 13 août 2009

Les voiles de Sassafras.

Le vieux désir qui se réveille chaque fois…Un vol de coucou au dessus d’un nid, quelques photos embrumées la tête en l’air, une côte qui se découpe à l’infini vaporeux, sans même parler d’Icare qui serait bien capable, le beau jeune homme souriant, de te prendre dans ses bras pour un septième ciel beaucoup plus aérien que terre à terre.

Je suis trop accroché aux cailloux du chemin, aux sandales qui me précèdent, pour soudain flotter dans les stratosphères oniriques. Seule la peur me retient et je sais qu’elle sera la plus forte en tous lieux, prise par surprise ou longtemps apprivoisée. Je peux naviguer lentement dans les marigots suivi de crocodiles affamés et pleurnichards sans frémir, je sais traverser le Lut sans dévier de ma route, je sais trouver le sentier invisible dans la touffeur des sous-bois, les paysages n’ont aucun secret que je ne perce.

Mais ne me demande pas de deviner la mer derrière la surface lumineuse, ses abysses et ses humeurs, ne me demande pas d’être le Capitaine qui t’embarque pour Cythère, et surtout, comme hanté par Antée, ne me décolle pas du sol vivifiant, de la terre sèche ou grasse, du roc éclatant ou friable, je deviens vermisseau torturé dans l’instant. De mon tabouret, de ma chaise de moine sous l’œil de mon icône, de mon île ou de ma terre ferme, marais ou volcan, plaine ma plaine ou montagne des neiges, je n’irai jamais chercher Icare dans son rêve et c’est de loin que je le verrai choir et déchoir de son perchoir.

N’empêche. Dès que la vie a le dos tourné, c’est plus fort que moi, je m’envole de ma cave par les mots grillagés, et je tournoie à la recherche des courants ascendants dans le bruit paisible du souffle de l’air, du souffle des vents d’Eole qui me guident et me soutiennent, et je survole le monde de mes souvenirs, Chypre, Rhodes, Simi, Knide, Halicarnasse. Je deviens Ulysse, Icare, Phébus, tous à la fois un peu, et je ris de mon père Dédale enchevêtré dans son labyrinthe.

Icare et sa proie enchantée sont loin maintenant, ils sont assez de deux pour cette communion céleste et je ne saurais jamais le bruit que fait le vent.

Dédale, celui qui pioche inlassablement le pied de la montagne à papa, celle de Lycie ici, et celle de là-bas, le monstre qui rend si difficile le chemin de Kaboul à Bamyan par ses extensions et ses tentacules, Kuh-i-Baba, un des derniers sursauts du nœud géant de l’Hindou-Kouch d’où naquit l’Afghanistan.

J’aimerais tant monter en haut de la montagne.

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1 commentaire:

Marie a dit…

Evocation (dans ma tête) de Madeleine Renaud, elle dans les branches de sassafras, à écouter le vent.