mercredi 4 avril 2018

NAISSANCE d'un chef-d'oeuvre

Chère Madame Nyssen,
 
Depuis que vous avez très officiellement déclaré le Père Noël « grande cause culturelle nationale », la GCCN pour les intimes, j’ai compris que malgré ma détestation de cette période de fêtes obligatoires de mi-novembre à début janvier où la solitude me pèse plus que jamais, je ne pouvais éviter de produire mon chef-d’œuvre annuel portant sur cette nouvelle divinité. Elle est chère aux grands argentiers de ce monde et plus chère encore à nos bas de laine. J’ai donc écrit l’histoire vraie du dernier des lapons et je vous en demande humblement la publication dans votre ancienne maison, Actes Sud, que vous couvez encore d’un œil attentif bien qu’occupée ailleurs.
 
Personne ne s’était soucié de narrer ces évènements tragiques survenus depuis que le Père Noël a été privatisé Urbi et Orbi, alors je me suis attelé à la tâche tel un renne à son traîneau. On sait généralement que ce bonhomme écarlate a abandonné la quiétude de son igloo et la compagnie de sa tribu, là-haut dans le nord du Nord, mais ceux qui restent ont été oublié des gazettes. J’ai fait les recherches les plus approfondies, les enquêtes les plus enneigées de ma carrière et j’ai pu reconstituer le fil de la décadence.
 
Le village s’est désertifié, et les derniers habitants ont sombré dans l’alcoolisme. Mon histoire est celle du dernier des derniers d'entre eux, qui va essayer contre vents et marées, blizzards et glaciations, de maintenir le feu dans la dernière cabane encore en état, rêvant que la vedette du coin, Santa Klaus rebaptisée Père Noël, revienne mettre du caviar dans le haddock. Son combat sera finalement une défaite.
 
C’est un récit bouleversant et mon manuscrit est semé de larmes, où l’on comprendra que le miroir aux alouettes n’est que ce qu’il est, et que la fortune des promoteurs du père noël et de ses nombreux avatars n’a que peu à voir avec la joie des enfants.
 
Veuillez agréer, Madame la ministre, l’expression de mes plus respectueuses et admiratives salutations en marche.
 
Signature illisible.
 .
Epilogue : le livre a été publié et personne ne l’a jamais acheté.

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