Lettre à une jeune suicidée #2/5.
2. 19/07/2005 à 12h31.
Ils ont la plus ancienne clé, les parents, celle des limbes et du tréfonds. Ils t’ont donné naissance, bercée, portée, choyée, ils t’ont aimée, ils t’aiment ; il faut employer l’imparfait désormais, ils t’aimaient. Ils t’aimaient mal ; la clé des limbes et du tréfonds, comme tous les parents, ils ne savaient pas s’en servir. Trop présents tu étouffes, trop absents tu erres.
C’est toujours la faute des parents. Sus aux parents.
C’est la faute du mari, de l’amant, du copain, qu’importe le nom de l’homme qui traversait ta vie. Il aime mal, il n’aime pas, mais tu fais semblant de comme si. Il va il vient, éros compris, il pense à autre chose, il va et vient ailleurs, il oublie l’anniversaire ou il se trompe de cadeau ; il boit sa bière devant son foot, il va chercher des cigarettes et ne revient pas. Il avait peut-être aussi peur de ton silence buté, las de se faire rabrouer à chaque approche.
C’est la faute du mari. Sus au mari.
C’est la faute du chef. Il donne des ordres, le chef. Il demande qu’on arrive à l’heure, le chef. Il fait des plaisanteries graveleuses, le chef. Parfois il fait pire. Il faut bien un peu caricaturer le chef sinon je n’y arriverai pas. Certains chefs ressemblent à leur caricature ; d’autres peuvent être indulgents, qui savent faire tourner l’équipe sans mains aux fesses ni menaces. Il avait peut-être même remarqué que tu ne tournais pas rond ces derniers temps et avait réparti la charge ailleurs.
Peu importe, sus au chef.
Et sus aux amis, qui ont croisé ton regard triste derrière tes lunettes sans rien dire ; l’auraient-ils pu ? Ils connaissent d’avance ton haussement d’épaule s’ils te regardent plus de trois dixièmes de secondes : tu veux ma photo ?
Et sus aux frères et sœurs, qui sont les préférés de papa maman, qui font fortune en Amérique, qui font du cinéma, qui ont le prix Nobel de tout, et toi rien.
2 commentaires:
Peut-être eût-il fallu lui écrire avant le geste fatal ? les questions et les remords de ne pas avoir vu ou agi sont pour ceux qui restent. Le plus terrible est un premier sauvetage qui se révèle par la suite totalement inutile, c'est le pire des échecs.
Toute l'horreur est là. Comment faire, que faire, que fallait-il faire, que peut-on faire, qu'aurait-on pu faire? Ou ne pas faire, d'ailleurs, parfois certains mots précipitent les choses au lieu de les arrêter. Bien malin qui a la réponse, toutes les réponses.
Je n'ai pas encore fini cette lettre. Il y a longtemps que je l'ai écrite, je l'ai même déjà mise en ligne en d'autres lieux et en d'autres temps, dans l'indifférence générale. J'ai besoin de recommencer, mais je ne savais pas que ce serait si difficile à faire sur un blogue: relire, vérifier, changer certains mots pour tenter d'être plus justes, ou garder certains mots faute de trouver mieux, et coller ensuite dans le cadre prévu à cet effet du blogue en attente.
Alors je vais m'offrir, et vous offrir, une petite récréation salutaire, une histoire de boulangerie pour faire plaisir à Racontars. C'est un blogue ami où parfois je passe et me délasse, pour y aller un lien dans le titre suffit, ou ce lien ci:
http://akiyo1fr.free.fr/racontars_jeux/tb.php?id=150
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