Lettre à une jeune suicidée #1/5.
1. 19/07/2004 à 9h39.
Tu es montée sur le tabouret. Tu as glissé le nylon avec ce joli hochement de tête familier comme pour un de tes colliers. Dehors, le temps était couvert, un peu lourd, mais on n’annonçait pas de pluie. Tes yeux ont pris un petit pli amer, tu as donné une pichenette au tabouret, et ta vie est allée voir ailleurs si tu y étais.
Tu souffrais. Bien malin qui sait de quoi, mais le savais-tu vraiment ? Nous connaissons tous une litanie de causes, ce que les braves gens appellent des causes. Tu sais bien que ce ne sont qu’écrans de fumée, tu peux me la réciter par cœur, ta litanie d’écrans de fumée. Chagrin d’amour. Licenciement. Humiliations. Elles commencent toujours ainsi, les litanies. Elles ne sont pas pires que celles vécues par d’autres, et les autres pourtant ne se suicident pas. Pas tous.
C’est bien qu’il y a autre chose, plus caché, plus secret, plus monstrueux. Le chagrin, l’échec, la rudesse de la vie qui râpe, ne sont que les apparences ; on a tellement peur des monstres qu’on traîne tous, qu’on va en faire tout un plat, des apparences. Ce sera plus confortable. On va montrer du doigt le mari volage, l’amant désinvolte, le patron-canapé, les parents.
Tiens, les parents, justement. On va commencer par les parents.
1 commentaire:
Explication probablement simpliste : il y a ceux qui ont peur de vivre et ceux qui ont peur de mourir.
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