jeudi 2 juin 2005

Démocrate, démocrates.

Le haut du pavé plastronne. On les voit qui arpentent les allées bombant le torse, pas peu fiers des cinquante-cinq pour cents qui leur sont tombés dans l'escarcelle. Bientôt ils vont y ajouter les nee de nos voisins du plat pays et nous en tirer une tirade. Ils n'ont pas vu qu'il y avait plusieurs escarcelles pleines de ces cinquante-cinq pour cent, ils croient que c'est seulement la leur.

Il s'en faudra de peu que les cinquante-cinq deviennent soixante trois, par le jeu des comptes d'apothicaire et des amalganes hasardeux. D'être victorieux les rend arrogants et imprudents.

Naturellement, ils leur arrive sur leur route triomphale de croiser un ridicule partisan du oui. Loin de se mettre à plat ventre en demandant grâce, le partisan du oui, le béni-oui-oui comme disent élégament les victorieux, parfois clame sa colère devant ce qu'il considère comme un immense gâchis, et bien plus qu'une occasion manquée, un retour inéluctable à la barbarie.

Il se trompe peut-être, le béni-oui-oui. Je souhaite qu'il se trompe bien que je sois de ceux-là qui pensent que nous ne pourrons échapper, tôt ou tard, nous ou nos enfants, au désastre que nous venons, à cinquante-cinq pour cent, de nous programmer dans la joie et la bonne humeur.

Je souhaite me tromper, et découvrir dès demain que ce lendemain chante. Je souhaite de toutes mes forces me tromper lourdement. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je le souhaite.

Il n'empêche, aujourd'hui, je clame ma colère. Et m'entendant clamer, que font-ils de moi, les victorieux ? Ils me traînent dans la boue. Ils prenent des airs offusqués. Ils me traitent d'arrogant. Soudain c'est moi qui suis devenu arrogant. Je suis malheureux comme les pierres et vous me lapidez avec. Au nom, c'est vous qui le dites, au nom de la démocratie. Parce que cinquante-cinq pour cent a décidé, ce que je ne récuse pas, c'est la loi de la démocratie de ne pas le récuser et de ne pas contester que la décision est nette et sans bavure, enfin nette certainement mais des bavures il y en aura, il faudrait que l'on me retire le droit de crier que cette décision est une catastrophe pour mon pays, pour mes enfants, et pour les enfant des enfants, et pour les générations encore qui suivront.

Les nons savaient mouliner des interprètations très élaborées des virgules des articles de la constitution mort-née, pour en faire des épouvantails à moineaux et les moineaux ont été épouvantés, mais ils ne connaissent même pas le b.a.ba de la démocratie, le droit à exprimer son total désaccord, sa colère débordante, sa tristesse désespérée. Certes je ne méprise pas tous les nons. je ne méprise pas ceux qui ont dit non parce qu'ils avaient toujours dit non, depuis soixante ans. Je combats leurs idées depuis toujours, mais je ne les méprise pas et je leur reconnais au moins de la constance et de la cohérence.

Je méprise ceux qui se sont bercés de slogans et de verbe, je méprise ceux qui se sont drapés dans des toges trop larges pour leurs épaules affaissées, je méprise ceux qui ont répondu à une question qui n'était pas posée en sachant très bien ce qu'ils faisaient, mais comme ils l'ont dit si joliment :"rien à foutre". Je méprise ceux qui ont voulu régner sur les ruines d'un grand rêve en sachant très bien qu'ils ruinaient le grand rêve, mais être le premier sur les ruines que le second dans Rome avec son cul-de-poule, et il va bientôt découvrir qu'il n'aura même pas le règne, je méprise ceux qui sous prétexte de combattre la misère ont claqué la porte au monde. Je méprise ceux qui se sont associés au borgne vociférant, feignant de ne pas le voir alors que c'est à lui qu'ils font la courte-échelle. Voilà qui je méprise.

C'est la règle démocratique que la décision soit celle de la majorité. C'est, aussi, la règle démocratique que ceux qui n'ont pas contribué à cette décision continuent de crier qu'il s'agit d'une mauvaise décision. Et la réponse de ceux qui traînent les béni-oui-oui dans la boue chaque fois qu'un béni-oui-oui crie sa colère, en dit long sur la sincérité démocratique des nons, en dit long sur leur compréhension de ce qu'ils ont fait.

Vous avez le droit de dire que je me trompe. Vous n'avez pas le droit de m'empêcher de dire ce que je pense. Mais naturellement, et je le sais mieux que vous sans doute, je n'ai pas le droit de m'opposer à la décision prise, je ne m'opposerai même pas aux conséquences qu'aura cette décision sur nous tous. Quand bien même je le pourrais, ce qui ne se peut pas.
Je le sais enfin, il n'y a aucun risque d'en entendre un dire un jour : ce n'est pas ce que j'ai voulu. Ils vous trouveront toujours un autre bouc émissaire quand elle sera là, la catastrophe. Moi par exemple.

1 commentaire:

Andrem Riviere a dit…

Le résultat ne s'est pas fait attendre, et ce à quoi nous assistons incrédules dépasse toute nos espérances, enfin, si l'on peut appeler espérance la désespérance.