lundi 5 février 2007

‎1947 - Un an.‎

1947 - Concurrence.


1946 n’a pas fait de vieux os. Je ne vais pas, chaque fois, vous raconter les tenants et les aboutissants et le pourquoi du comment, en remontant cinq ans en arrière.

Quoique.

J’ai quinze années de rattrapage pour arriver en 1960, d’ici là vous seriez tous partis loin, et j’aurais besoin de continuer mes bouchées doubles. Alors je simplifie. Chaque année, j’évoquerai un événement, et un seul, et celui qui me viendra spontanément en tête à l’ouverture du blogue. Mirifique ou piteux, ennuyeux ou universel, peu importe, sa seule qualité sera d’être le premier venu.

Le diplomate de Chalais l’avait dit autrefois : méfie-toi de ton premier mouvement, c’est le bon.

La concurrence.

Ils en ont plein la bouche. Ils n’ont cessé de la vanter, elle est devenu une valeur sûre de l’idéologie de l’évidence : la concurrence. Ils s’en sont servi à tel point qu’elle fut rejetée à 55% par un NON lamentable de citoyens fatigués qui, sous prétexte de lui barrer le passage, l’a renforcée comme jamais, rendant pour longtemps l’Europe impuissante face à elle et ouvrant un boulevard pour ce qui va nous arriver le 22 avril prochain, sans parler du 6 mai qui suivra.

Mon frère est né cette année là. Un petit bébé adorable à la peau lisse et blanche, aux yeux bleus radieux, aux bouclettes épaisses et blondes. Ma houppette brune, mes paupières chassieuses, et ma peau mate n’avaient aucune chance. J’ai appris la dure loi de la concurrence cette année là aussi. Vous dire que je m’en souviens serait très exagéré. Mais rien n’interdit les déductions et les reflux.

Les lettres de mes tantes, exclamatives et ébahies, la comparaison des hauteurs des piles de photographies de l’un et de l’autre, les souvenirs répétés tout au long des années futures du succès de ma mère en train de promener la poussette de la merveille, et la mauvaise humeur qui me vient à chaque fois que j’y pense, et comment voulez-vous que je n’y pense point ici et maintenant que j’écris, sont une preuve que j’ai bien appris cette année là ce que signifiait l’idée de concurrence alors que je n’en connaissais pas encore même le mot.

Pour un peu vous embrouiller dans la recherche des liens de cause à effet, sachez que j’ai voté OUI quand il a fallu voter, comme 45% de mes concitoyens, et que j’y voyais bien plus une arme contre la concurrence qu’une complaisance à son égard, mais c’est une autre affaire et la vérité m’oblige à avouer qu’à l’époque, je n’avais pas encore fait de choix sur la question.

Ainsi fut l’année 1947. J’aime mon frère, ses yeux bleus et son air perdu, et je sais que je suis plus heureux de ma vie que lui de la sienne. Alors, finalement, la concurrence, je m’en moque.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Deux dents en moins et une année exceptionnelle de grands crus.

Anonyme a dit…

Commentaire sobre (j'insiste) et restrictif pour l'année 47 (allusion aux tickets)