mercredi 21 novembre 2007

Pépé le marocain #4.


Cinquante ans plus tard, on me disait encore qu’il aurait suffi que je me promène au Maroc, surtout derrière la montagne, en disant que j’étais le petit-fils de ce colonel, pour voir s’ouvrir toutes les portes des douars et des ksars. Je n’ai jamais vérifié, et qui connaît l’histoire là-bas maintenant ? Peu importe au fond, il me faut une conclusion, une morale. Je n’aime pas ce qu’il a fait, le Colonel, et à la différence de la chanson, s’il est content mon colonel moi non.
Il avait cinq enfants, l’Homme, de son indomptable épouse, la cinquième était venue après la grande boucherie ; ce n’est pas rien, une femme et cinq enfant à nourrir. L’institutrice, hussard noir, épouse indomptable, avait laissé derrière elle ses petit paysans patoisants du Poitou et du Lot-et-Garonne, pour le suivre dans la grande aventure. Il aurait bien pu y penser ne serait-ce qu’un instant, avant son coup d’éclat d’orgueil mal placé. Face à eux, qu’importe le général à bretelles ?
Verbehaud était la troisième de ses enfants, deux mâles et trois pisseuses. Elle ne s’est jamais vraiment remise de la mort de son père quand elle avait exactement vingt ans. Je l’ai deviné petite touche par petite touche, à travers ce qu’elle m’en disait et ce qu’elle ne m’en disait pas, et d’être Verbehaud était une façon en elle de le faire survivre à travers sa voix. J’ai deviné la souffrance qui éclata bien plus tard et la rendit presque folle, et dont je sais que des séquelles restent en moi bien que guérie pour ma naissance.
Il faudra que je trouve le courage d’y aller, dans ce pays, sans passer par le circuit des villes impériales, ni la tournée des plages « all included », l’énergie de traverser les hauts cols et de redescendre dans ces vallées secrètes où la verdure trouve à temps juste assez d’eau pour nourrir quelques animaux et laisser construire quelques merveilles rouges. Ou bien faute d’os et de muscles, faute d’yeux et de cœur, il faudra que je trouve le courage de renoncer à ce pèlerinage, en laissant la légende me posséder pour toujours jusqu’à ce que la mort nous sépare.
Que me reste-t-il de tout cet héritage, entre ce qu’on m’en a dit, ce que j’en ai cru et ce qui coule à la place de mon sang dans mes veines ? Pas grand-chose à vrai dire, une seule peut-être, comme un boulet :
Elle se nomme l’orgueil.
FIN
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7 commentaires:

Anonyme a dit…

Complot, conspiration, encore des mots qui préfugurent les conflits, les règlements de compte ... et puis d'abord il ne faut pas être égoïste, l'orgueil ne coule pas QUE dans tes veines :-)
vous pouvez utiliser les balises comme b, i, a, tu mets donc des balises

Anonyme a dit…

Je suis heureuse que tu n'aimes pas ce qu'il a fait.

Est il encore connu là bas ? Peut être, mais par ceux qui ont conservé la vie nomade des temps où ils s'opposaient aux français, qui des seigneurs sont devenus les plus pauvres.

Si tu veux repasser dans ces montagnes, nous serons heureux de t'accompagner.

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si il sera de bon ton de plaisanter.
Tant pis.

Cependant, je le savais... tu sais ? ce kif marocain :-)

Je pourrai te guider quand un jour peut-être, je serai en moins mauvaise santé, à travers ces montagnes et ces déserts bien secs.
Bleue touareg, je te promets que ça ne ressemblera en rien au Club Med ;-)

Anonyme a dit…

Etes-vous dans le désert ou dans les méandres de la cave Monseigneur ?

Tu es peut-être en Améwique bwana... ;-)

Anonyme a dit…

Il me vient à nouveau cette pensée : on n'est pas responsable de ses parents - encore moins des aïeux, sinon comment pourraient vivre les descendants des bourreaux.

Andrem Riviere a dit…

@Marie. Je balise tout court, plutôt.

@Marie-Aude. Je crois qu'il est exact qu'il a été connu, en son temps. Mais comme pour Habiba, les anciens ont fini par mourir, et les jeunes sont partis, vers la vie, parfois vers les paillettes. Je doute qu'on se souvienne.

Un vieux caïd, fils de son père qui fut fils de son père, et qui se racontèrent des histoires, et qui aurait mon âge, peut-être.

@Missy'V. Il ne manquerait plus que la Miss au soleil du Maroc cessât de plaisanter. Tu mériterais une bonne AP, pour la peine. Non, ce n'est pas une bonne idée ?

Alors je me tais mais je rumine.

Ceci dit, je suis partout, je ne suis nulle part, je papillonne et je disperse, je me disperse au quatre coins du cercle des blogues, je ne suis plus rien.

Alors tu connais le kif du Rif ? C'est du propre!

@Marie. Les descendants des bourreaux vivent mal. Nul n'est responsable de ses parents ni de ses aïeux. ON a vu assez d'horreurs perpétrées au nom de cette transmission là. Mais chacun de nous sait bien qu'il porte le poids de ses parents, ceux-là mêmes qui lui ont appris à marcher et à regarder.

Un jour je me suis aperçu que ce poids m'aidait à marcher au lieu de m'entraver. Il suffisait que je l'adopte et le fasse mien. Suffisait ? Difficile d'y parvenir, à ce suffir là.

Anonyme a dit…

Ne rumine pas, écris.
Ici ou là, mais écris.

Ce que tu dis ici est le commencement d'un tabou qu'on éclate.
On parle beaucoup des bourreaux, on parle beaucoup des victimes.
Peu ou pas des descendants ou entourage de ceux-ci, et pourtant...

J'ai eu pire qu'une AP.
Si j'avais cru en Dieu, j'aurais pensé que je l'avais bien mérité.