lundi 3 décembre 2007

De l’espoir dans les cataclysmes.


Texte d’un commentaire posé chez Oxygène au sujet des orpailleurs de Guyane.

Le 3 décembre 2007.

Il y a parfois, dans la description d'un naufrage, des infimes détails auxquels un infime espoir peut s'accrocher.

Je l'avais vaguement ressenti lors de mon périple américain, dont la relation n'est pas encore finie paresseux que je suis. Un récent voyage au Mexique, en terre indienne, l'intérieur du Yucatan, hors des autoroutes à autocars, et les écrits canadiens qui vont et qui viennent au gré des saisons, ajoutent encore des indices à ces détails.

Marie-Guyane nous en remet encore un peu, dans sa dénonciation d’un Etat indifférent sinon complice, qui doit probablement avoir une tendresse pour les mafias orpailleuses, qui chacun le sait travaillent plus pour gagner plus ; objection, elles FONT travailler plus, mais c'est la traduction usuelle du slogan gagnant n'est-ce pas ?

Je m'égare. Revenons à l'infime espoir. En tous ces territoires confisqués par les zépopées séculaires des européens des grandes découvertes et de la conquête de l'Ouest, qu'il soit Canadien, Zétazunien, Mexicain, plop plop plop jusqu'à descendre au sud du Chili, les indiens ont été les grands perdants. Leurs civilisations englouties, leurs hommes massacrés, leurs femmes emportées, leurs enfants confisqués.

Il est déjà extraordinaire que certains de ces peuples survivent encore, certains d'entre eux au moins, quelques uns ont bel et bien disparus. Là survient l'infime espoir. Après avoir été victimes des rapts, des viols, des massacres, des conversions forcées, de l'enseignement dominicain ou franciscain bien-pensant, de la destruction des fétiches sacrés et quotidiens, les voici victimes de l'oubli. Et cet oubli, ils commencent, lentement, mais tous ces signes que j'ai vus ne trompent pas, du Pérou au Nunavut, et des Sioux aux Mayas, en passant donc par les Wayanas et les Quechuas et les Shoshones, et tu me permettras de ne pas allonger la liste pour ne pas ennuyer (prétexte) et parce que j'ai dit tout ce que je savais (la honte), sauf Algonkin mais c'était la bonne bouche, ils commencent tous à en faire leur salut, ou plutôt, n'allons pas trop vite en espoir, leur début de commencement de tentative de renaissance.

L'Etat français les néglige et va fricoter avec les mafias ? Ils vont installer un péage pour leur compte ; l’Etat mexicain ne passe plus voir les pauvres mayas perdus et se moque de leur éducation, de leur santé, de leur confort, ni route ni électricité ni école ni hôpital ? Une hiérarchie renaît qui organise le village, le groupe de village et les dépendances, avec écoles à même le sol, dispensaires de fortune, chemin cahoteux, et paraboles à satellites, holà oui aussi la parabole, métaphore et réalité ; et les indiens du fleuve abandonnés des gendarmes peu à peu apprendront à se défendre contre les mafieux lourdement armés, ils s'armeront à leur tour et la forêt est leur alliée. Voilà l'espoir que je retire de ce que tu me racontes derrière ta colère, Marie-Guyane ci-devant Oxygène.

J'ai le droit de te nommer comme je veux. Non ? Oui ? Attention, je sais me battre en duel. L'arme sera l'écriture.

Je reviens au vent nouveau et aux mayas, par exemple. Leurs villages perdus dans la forêt étrange du Yucatan revivent comme si la main d'aucun espagnol n'avait pis le pied dans le coin, et les liens détruits entre villages semblent, doucement, se réanimer dans l'indifférence coupable mais bienvenue des investisseurs touristiques de la riviera Maya de Cancun et ses parages ; mais ils n’ont pas oublié, eux, le passage du conquistador, ils en savent la nuisance, ils en ont découvert les secrets. Alors ils construisent bien à l’écart et sous la parabole. Si les roulements de mécaniques des indiens du Chiapas et son sous-commandant se voient à la télé, la vraie renaissance viendra du silence de la forêt aux jaguars.

J'ai senti ce vent nouveau dans les baraques installées de Navajos en Arizona, dans les ondulations des herbes de Wounded Knee d'où me regardaient une jeune femme et son enfant aux yeux noirs brillant, dans la première victoire internationale que représente la création du Nunavut, peu célébrée dans le monde et si essentielle pour son devenir, au monde, dans l'arrivée au pouvoir d'un Evo Moralès, peut-être un peu trop instrumentalisé, mais pourtant porteur symboliquement de ce renouveau, même s'il peut arriver qu'il finisse par sombrer dans les entortillements de la politique des états inventés.

Les conquérants ont détruit les peuples indiens à trop s'intéresser à eux et à leurs terres. Qu'ils commencent à les oublier, et l'espoir revient. Il est trop tôt pour prédire, mais il est temps de frémir.
à Oxygène et à Moukmouk. Cadeau.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

On nous parle bien davantage de l'ETA que des drames en province de Guyane ou en Amérique Centrale, proximité oblige. Néanmoins ça dure depuis longtemps, Assassinat de deux agents de la réserve naturelle des Nouragues
Mercredi 24 mai 2006

Les associations de protection de la nature guyanaises souhaitent en premier lieu exprimer leur soutien aux familles, aux proches, au personnel de la réserve naturelle. Mais aussi crier de nouveau leur colère.

Deux innocents assassinés en forêt. Deux là, et combien d'autres ici, combien avant, combien sans doute déjà depuis ? Ceux là étaient des agents d'une réserve naturelle, et après tant de silence et de regards détournés, leur mort violente a fait éclater au grand jour une réalité inavouée, étouffée, bafouée, depuis trop de temps. En effet, combien de courriers, de communiqués de presse, de lettres aux autorités ont été regardés avec condescendance depuis les prémices de cette nouvelle ruée vers l'or sauvage et incontrôlée, dénoncée dès 1998.

Anonyme a dit…

Tu nous parles d'espoir, j'ai ressenti cette nécessité aussi dans mes révoltes du moment. Il faut beaucoup d'espoir pour pouvoir continuer de se révolter, sinon, l'aigreur nous guète et de cela je ne veux pas.

Andrem Riviere a dit…

Merci Marie, merci Luce. Vous ne me quittez pas, je respire.

N'oublions jamais ceci, qu'il faut se répéter, je l'ai fait, je l'ai dit, je le refais, je le redis.

Quoi qu'il advienne, ne pas cesser d'écrire, ne pas cesser d'écrire, ne pas cesser d'écrire.

Je le referai, je le redirai. Parfois, comme le chat qui s'en va tout seul par les chemin du bois mouillé, j'irai pleurer mon impuissance. Puis je le referai, puis je le redirai, ce que j'ai à dire, et même si je n'ai rien à dire.

Anonyme a dit…

Partout ou le colon/colomb est passé, il a laissé le chao :-(