jeudi 27 décembre 2007

Des cultures mélangées #4.

4. L'histoire de Malika.

Malika est partie. Elle est partie pour construire un couple, ce n'est pas un hasard quand j'écrivais qu'un couple est une décision et je savais que nous y viendrions ; qui pourra nier qu’il y a eu décision de Malika, rien qu'à imaginer tous les liens qu’elle a dû détruire en elle et hors d'elle, pour partir construire sa vie. Malika est de ce monde-ci, nommons-le comme nous pouvons, notre monde, le nôtre, l’occident, donnons lui des airs plus libres, le monde de la république et de la citoyenneté, le monde où Dieu nous laisse en paix. Ce monde est nôtre. Il n’est pas supérieur au monde sarahoui, il n’est pas du même climat et c’est celui-ci où nous sommes. C’est celui-ci où a grandi Malika. Nous sommes ni meilleurs ni pire qu’elle, nous avons la même tête qu’elle, à l’intérieur. Notre sœur.

Que savons-nous du bonheur de Malika et de ses tristesses, du voile de poussière impalpable qui lentement recouvre un monde perdu, moins qu’on croit mais plus qu’il faut : le douar vit en elle, même si elle n’en est pas et n’en a jamais été, il l’aide face aux défis quotidiens comme la parole de mère le fait aussi, à elle comme à chacun. Le douar est la parole de sa mère. Malika contient en elle toutes les batailles, gardons ce mot de culturel bien qu'un peu trop simple, batailles culturelles qu’un couple doit livrer à deux, entre eux et face aux autres.

Au lieu de l’aider, son père l’a contrainte à choisir, comme si un tel choix était nécessaire à supposer qu’il soit possible, en lui interdisant le choix. Son père a plus sûrement détruit sa propre culture ainsi que par les ravages du feu et du sang.

Il y a toujours là-bas des oasis où la vie est précautionneuse. La culture y reste vivace et forte pour qui s’y attache et s’y tient. Et s’il faut penser à d’autres voies de la raison quand le ciel se couvre et que la nuit tombe sans même qu’on le remarque, elle ne disparaîtra pas dans le changement des formes et des habitudes. Elle se mettra en boule dans un recoin de l’âme, et le moment venu saura apporter à ceux qui l’auront protégée le réconfort à des fatigues qu’on ne peut encore prédire, et parfois la réponse à des défis qu’on ignore aujourd’hui.

Les traditions et la culture sont le fruit d’une société, elle-même le fruit d’un climat, soyons simplistes. Tu changes de société, tu changes de climat, et la tradition devient prison. Mais bon, je sais, ne me le dis pas je le sais, que je suis blanc, homme, chrétien de culture mais athée de décision, et vieux, trop vieux sans doute, et qu'il m’est facile de faire le malin.

Et pourtant nous aussi, nous aurions besoin de sarahoui. La ceinture d’Aziz et nos ceintures de chasteté resteront celles qui interdisent cet ensemencement.

#5 à suivre. Je ne tiens jamais mes promesses, il y aura un cinquième billet.

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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Voici qui m'arrange bien, ça ne pouvait se terminer ainsi, il reste tellement à comprendre.

Anonyme a dit…

Alors quand on est vieux (vieille), blanche et athée, on peut faire son malin ?

Heu, sans point d'interrogation :-)

Anonyme a dit…

Le changement de culture est aventure individuelle, qu'on soit homme ou femme. C'est encore plus difficile pour une femme alors qu'elle est davantage prédisposée au changement, elle a de plus grandes facultés d'adaptation, c'est revenir loin en arrière dans tes écrits et il ne me semble pas percevoir de contradiction dans ton discours.