vendredi 28 décembre 2007

Des cultures mélangées #5.


5. Le désert et le tissu.



Tu vois, je n’ai pas oublié. Les quatre épisodes ont fait un petit cinquième. Je ne me referai jamais. Habiba n’a pas terminé son histoire et nous en saurons un peu plus bientôt. Mais ce qui est écrit est écrit, et ce qui lui arrivera ne change rien à ce que j’ai dit.

Je connais une Habiba voisine. Je la vois, doucement, à son rythme, presque à son insu, ne serait-ce qu’en remarquant chaque jour son voile un peu plus accroché autour d’elle, de plus en plus serré jusqu’à se plaquer à la forme du crâne à en écraser les cheveux, comme une dernière racine à laquelle s’agrippe celui qui va tomber dans la cataracte. Inévitablement, il lui échappe, son voile, il s’envole et ses cheveux trouvent le chemin de la lumière. Elle sait qu’ils dépassent et n’en resserre que plus fort le nœud ; son mari aurait pu se nommer Aziz, mari normal et c’est là le plus terrifiant, normal, ni bourreau ni fanatique, normal. Ainsi je devine qu’elle s’interroge.

Elle ne me dit rien, pensez donc, je suis un extra-terrestre pour elle et je n’ai là aucune espèce d’importance. Elle seule face à elle importe, elle doit faire seule ce chemin, dans son corps et dans son âme, et ce chemin est douloureux. Je n’y peux rien, sans regarder je le vois, je la vois qui s’y engage, en avançant un pied puis l’autre, entre rempart et précipice.

Son voile, bout de tissu si peu anodin, n’est pas un accessoire vestimentaire secondaire, mais n’est pas non plus la cible honnie à viser et arracher, le seul sujet de nos conversations civilisées. C’est bien ainsi que nous sommes, n’est-ce pas, quand nous conversons de voile.

Au bout du compte, il ne cache rien, bien au contraire, il dévoile ce qui se passe.

Je suis sûr seulement d’une chose, dans l’histoire d’Habiba, avant d’en connaître la fin. Elle est entrée dans notre monde, Habiba, elle devenue partie de notre monde, elle l’a enrichi de sa présence et de sa vie, ni plus ni moins que moi, ni plus ni moins que toi. Elle a déjà fait une bonne part du chemin parcouru par sa fille qui la guide.

Elle n’est plus fille de douar.

FIN.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'en croise souvent des Habiba et il me semble que la stigmatisation est moins perceptible dans le fond du fond de ma province.
Ce foulard, nous le portions à la mode polonaise jusqu'au jour où Madame BB a trouvé une autre façon de le nouer. Il suffirait peut-être de remettre le foulard à la mode pour changer le regard ...

Anonyme a dit…

Vladimir est passé, Sylvestre aussi, reste une bonne année de souhaits à grignoter.

Meilleurs voeux Monseigneur.

J'en croise très souvent des Habiba.
A chacun(e) son histoire, à chacun(e) sa façon de la porter.
Et comme Marie le suggère, si remettre le foulard à la mode pouvait permettre un peu plus de tolérance et d'ouverture d'esprit, j'en (re)mets un dès demain.