AVIS de TEMPÊTE
AVIS DE TEMPÊTE
Il faut toujours divaguer devant un tableau, en particulier devant ceux d’Edward Hopper :
Second story sunlight, 1960.
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Il y a beaucoup d’avantages à se reposer à Cape Cod en mars.
Il n’y a personne, et parfois on a des après-midi magnifiques sur le golfe, le soleil disparaît derrière les collines dans un grand éclair blanc dont l’eau calme conserve la lumière jusqu’à la nuit.
Margaret eut un peu de mal à convaincre sa fille de l’accompagner pour ces quelques jours de villégiature, mais Charlotte accepta finalement car sa mère payait tout, en cette saison les prix sont bas.
Il y a beaucoup d’inconvénients à se reposer à Cape Cod en mars.
Il n’y a personne, et toujours il fait froid, sauf parfois un étrange après-midi ensoleillé de ce côté-ci du cap, avant que le soleil ne s’efface derrière les collines là-bas, sur le continent, annonciateur de tempête. De courts moments dont Charlotte voulait profiter pour bronzer avant le vent du soir.
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« Charlotte, écarte-toi, tu me fais de l’ombre !
- Mais non, tu es en plein soleil, je ne te gêne pas du tout, c’est juste un prétexte pour que je rentre.
- Tu n’as rien à faire sur cette rambarde dans cette tenue ! Pour qui va-t-on nous prendre ?
- Il n’y a personne, voilà une semaine qu’on ne voit personne, qui pourrait bien nous prendre pour je ne sais quoi ? Et d’abord je veux bronzer, c’est le premier jour tiède après toutes ces pluies.
- De te savoir perchée là m’empêche de me concentrer.
- Fallait pas m’amener ici. Si c’est pour lire ton journal, on était aussi bien à Boston.
- T’entendre tourner en rond dans l’appartement de Boston à ruminer ta séparation est encore plus gênant pour lire. Ici au moins tu as toute la plage pour tourner en rond.
- Je ne tourne pas en rond, maman, je bronze sur toutes les faces, et je tente de récupérer les derniers rayons. J’en profite pour regarder le voilier là-bas qui rentre au port.
- Ce n’est pas un voilier ma fille, c’est un bateau de pêche, il n’a même pas de voile.
- Il y a peut-être le beau marin qu’on a croisé ce matin au marché.
- Tu ne reconnais pas les bateaux mais tu sais voir un beau marin si loin ?
- Laisse-moi le croire, maman, laisse-moi croire à ma vie sans t’en mêler, laisse-moi regarder le golfe, l’autre rive, les collines, le soleil, et les beaux gosses. Je tournerai moins en rond et tu pourras lire tranquille.
- Tu parles comme si tu te préparais à te jeter dans une nouvelle histoire même pas guérie de l’autre.
- Pour guérir comme tu dis, j’ai justement besoin d’une nouvelle histoire et on ne l’appellera pas histoire, on l’appellera remède. Le marin du chalutier sera mon homme-médecine.
- On ne le voit plus, ton bateau. Ton rêve a déjà coulé avant d’être né et si tu ne bouges pas de ton perchoir tu vas attraper froid.
- Mais si, je le vois, je le vois, je vois son mât qui dépasse de la jetée. La tempête qu’on annonce ne lui fera aucun mal et demain matin, emmitouflée dans mon ciré mais toute bronzée en dessous, je le retrouverai, mon matelot et son goût d’eau salée. »
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