vendredi 27 avril 2007

‎1956 – Dix ans.‎ Les trois signes

1956 – Dix ans.

L’année 1956 est celle où j’ai passé mon premier examen, celle où j’ai découvert le cérémonial de ce qu’on a appelé plus tard l’excellence républicaine et qui alors ne portait aucun nom tant elle semblait couler de source. Je n’ai jamais accepté cette notion, l’excellence Républicaine, celle-là même qui fabrique des exclus plus sûrement que toutes les cuillers d’argent dans la bouche.

J’ai souvenir du cérémonial, du rite, il y avait comme un côté religieux dans ces files d’attente et ces contrôles pointilleux, mais seul un PDA d’aujourd’hui a été capable de me rappeler l’année concernée, quelques clics sur mes dix doigts et voilà, 1956. C’est pourquoi je m’autorise à te le raconter sous ce numéro, dix ans d’âge et pas la moindre parcelle de tourbe, 1956 ans après le noël zéro.

En 1956 j’avais bouclé mes dix années de vie et j’attendais décembre pour les onze. J’avais dix ans et tartagueule à la récré. La mienne plutôt, j’étais le maigrelet du lot, en voyant le grassouillet moite d’aujourd’hui tu as du mal à le croire mais personne n’est obligé.

Je traîne à raconter ; les trois histoires prévues prendront deux lignes chacune alors je meuble en attendant. Nombreux sont ceux qui sont partis et j’écris aux seuls fidèles.

Trois histoires, qui auraient pu me servir de prétexte pour occuper trois années, mais je n’y peux rien si elles sont toutes casées avec certitude dans mon CECM2. Il pourrait même y en avoir quatre, mais bon, la quatrième sera pour 1957 parce que je ne suis pas si sûr. A chacun de comprendre. Les trois histoires sont donc trois chapitres de cette suite :

L’immigré ;

Le sang ;

L’examen.

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L’IMMIGRE.

En cours d’année, un nouveau a débarqué en classe. José. Nous ne comprenions rien à ce qu’il disait, même pas la maîtresse, une alsacienne qu’on ne comprenait pas bien non plus. Quand il disait son prénom nous entendions quelque chose comme Rossé en encore plus crachat, ce qui ne correspondait pas au mot écrit au tableau : José. Elle l’avait écrit au tableau pour être sûre, et elle nous l’avait lu : Chossé. Comment veux-tu que nous ayons pu nous y retrouver ?

Du coup, fatalement, nous ricanâmes. Le José restait tapi dans son coin et nous avions remarqué que la maîtresse ne s’occupait pas vraiment de lui. La moitié d’entre nous était constituée de petits arméniens de la deuxième génération d’après le génocide ; les hauts d’Issy en étaient peuplés, mon père disait quand nous y allions, le meilleur boucher de la région y officiait arménien lui aussi, nous allons à Tiflis. C’est la seule fois de ma vie que je l’ai pris en flagrant délit d’erreur géographique. Depuis je ne m’en défais pas, Tbilissi est en Arménie. Et Erevan à tous les vents. Mon père n’y mettait aucune malice, au contraire il aimait bien ainsi changer de monde en traversant trois rues, sans parler du rôti fondant du dimanche, ou du gigot, ou ce que tu veux de toutes façons tu l’aurais eu.

Alors voilà, les arméniens échappés du massacre se moquent de l’espagnol juste sorti de son camp de Perpignan, là sous mes yeux et je n’en verrai l’absurdité que plusieurs siècles plus tard. Quelque chose d’inconnu a fait que je me suis rapproché de ce garçon asperge. Curiosité, pitié, malaise des autres, instinct d’explorateur ? Il avait deux ou trois ans de plus que moi, ses préoccupations étaient celles d’une autre planète comme sa langue, il avait les yeux sautillants de qui ne sait d’où va venir le mauvais coup. Son regard insaisissable ne me voyait pas vraiment, il traversait ma transparence vers quelque paysage invisible peut-être encore quadrillé de barbelés.

Voilà ce dont je me souviens : des barbelés dans ses yeux.

La manœuvre d’approche a échoué au bout de quelque temps. Combien ? Quelque temps. Trois jours, trois semaines, trois mois, je ne sais pas. De ne pas savoir, et de ne rien savoir d’autre sur lui me font craindre que ce ne fut que trois jours.

Trois jours pour me pencher au dessus d’un puits où gisait José l’immigré, et reculer.

LE SANG.

Le carrefour près de la mairie avait mauvaise réputation. Il s’en échappait plein de rues dont l’axe départemental qui menait à la route des gardes, des rues en pente qui escaladaient les coteaux de la Seine, et des rues gagnées sur les anciens marais d’autrefois qui étaient devenus l’aérodrome, tu te souviens, les frères Voisins, et Hélène Boucher qui finit en vrille ici même à Issy.

Quand je devais y passer, mille recommandations m’étaient faites qui ressemblaient fort à des interdictions absolues. Ne jamais traverser l’axe. Toujours rester du côté du coteau, le côté du coteau j’aimais bien et depuis je calembourdis, tu n’as rien à faire sur l’autre rive, la boulangerie est aussi côté coteau, c’est pas coton. Je dois te dire que la boulangerie était réputée pour ses gâteaux, et les dimanche où il avait du monde je devais aller le chercher là bas, côté coteau du carrefour de la mairie d’Issy.

Je n’ai jamais aimé le gâteau du dimanche de cette boulangerie avec la crème au café ou au chocolat qui les gonflait en ce temps là. Je n’ai jamais aimé la crème des pâtissiers pas plus aujourd’hui qu’hier et elle me le rend bien. Mais je devais marcher les quatre cents mètres nécessaires, en suivant l’axe côté coteau.

Le cri des pneus glissant sur le pavé abrasif et sec a traversé le carrefour et a rebondi de vitrine en devanture. Le temps de me retourner quand je me préparais à entrer dans le magasin, une foule dense s’est formée en travers de l’axe bouchant la vue. Parisien badaud génétique je suis, je m’approche. Tout le monde est là, comme le jour où Marion Margaux dans la chanson donnait la gougoutte à son chat. Difficile de traverser la forêt de jambes. Mais une foule bouge toujours, la pression baisse parfois et le gamin malingre gagne des décimètres.

Je suis encore loin quand un mouvement plus marqué ouvre une enfilade droit sur la scène et j’ai vu le sang du monsieur.

Il est allongé sur le sol devant la calandre de la 203 noire même pas mal la calandre, une main lui tient la tête, venue de derrière les jambes emmêlées des gens, et le sang coule de sa tête, goutte après goutte, de grosses gouttes qui se courent les unes après les autres, pressées d’en finir. Une flaque en dessous.

L’enfilade est refermée, mais déjà je suis parti, sorti de la foule, dans la pâtisserie. Trois secondes ont dû s’écouler depuis le cri. Je demande mon gâteau et pas mon reste, et je rentre sagement à la maison.

Le lendemain la maîtresse qui habitait au dessus du carrefour nous a dit qu’il fallait toujours faire attention en traversant la rue même quand le feu est rouge, sinon une voiture pouvait vous renverser et vous tuer à la tête.

L’accent alsacien en plus.

L’EXAMEN.

Il serait temps que je t’en parle, de l’examen ; n’était-ce pas le projet initial, le titre, l’objet du discours ? J’ai tergiversé et nous voici perdus dans mes souvenirs.

En fait de souvenirs, cette année 1956 est aussi l’année où je suis devenu myope, à ne pas confondre avec des années de taupe, en trois semaines et pour le restant de mes jours. On allait ajouter des hublots sur le malingre. Entre le début du phénomène, le moment où j’ai vu que je voyais flou, le moment où les autres ont vu que je voyais flou derrière le voile, il s’est écoulé bien plus de trois semaines. On m’a définitivement habillé du costume de médiocre.

Les baignoires ne se videront pas, les trains ne passeront jamais à midi à la gare du Creusot, le marchand vendra plus de pommes dans sa journée qu’il en avait le matin dans son panier ; tout le monde me montrait du doigt avec mes fautes de calcul alors que je savais bien, moi, qu’il faut savoir vendre plus que ce qu’on a pour réussir, alors que je me demande encore ce que j’aurais bien pu faire à midi en gare du Creusot, alors que je préférais me prélasser dans le lait d’ânesse tel un Cléopâtre rachitique au nez trop long plutôt qu’ouvrir la bonde à dix-huit litres par minute.

J’ai passé l’examen dans cet état là. J’avais récupéré ma première paire de lunettes, la monture la plus laide de l’histoire des montures de lunettes, mais remboursée.

Dix ans mais assez grand pour affronter les rites de l’excellence républicaine, puisque tu veux à toute force que j’utilise cette grandiloquence. Elle n’existait pas à l’époque, la grandiloquence. On n’employait pas de mots pompeux pour désigner ce qui semblait alors si simple et qui, aujourd’hui disparu d’être trop rabâché, a perdu son sens. Les mots ne suffisent pas à faire revivre ce que l’indifférence, le mépris ou la haine ont finalement abattu, aussi prétentieux soient-ils. Leur prétention même est la marque du mépris qu’ils tentent de dissimuler. Leur dérisoire prétention.

Il s’agissait de passer l’examen d’entrée en sixième.

Par soucis d’anonymat et d’égalité, tout le monde était dispersé à travers la région parisienne et je me suis retrouvé en terminus d’une ligne inconnue, au fond d’une banlieue dont l’idée qu’elle pouvait exister ne m’avait jamais effleuré. Le lycée qui m’attendait pour l’épreuve n’était pas loin de la station, et les indications cartographiques détaillées accumulées pendant une semaine par mon papa ne me laissaient aucune chance de me perdre.

Ce fut une longue journée. Rédaction, dictée, calcul écrit, calcul mental, histoiregéo en un seul mot comme toujours, bref tout le bagage du CM2 à vérifier. Evidemment je ne me souviens de rien sinon que j’ai à peu près su : les baignoires se sont vidées dans les temps, le train est arrivé à l’heure au Creusot, et le marchand de pommes a vendu son stock.

Mais parlons de la dictée ; un texte de Gide. André Gide, une histoire d’enfance à lui, où il était question d’une bille au fond d’un trou dans une cloison, même qu’il a laissé son ongle pousser pour la récupérer. Je me souviens de son ongle. Je n’y suis pour rien, c’est Gide qui raconte, la bille est son problème, moi j’essaie juste de ne pas faire trop de fautes. C’est drôle comme je me souviens.

Il était aussi question de l’abnégation de sa mère, à cet André là. Comment écrire abnégation, à dix ans, tu l’aurais su, toi ? Déjà que j’ai du mal à définir le mot en une phrase sans aller chercher Monsieur Robert, alors l’écrire correctement ! Dans les questions d’explication de texte qui suivaient, tu sais bien le fameux « qu’a voulu dire l’auteur ? », il a dit ce qu’il a écrit mais cette bonne réponse ne convient jamais à ces messieurs, il m’était demandé la définition du mot abnégation. Il fallait que la question me tombe dessus à moi comme aux milliers d’autres dans mon cas.

Depuis que j’écris je n’ai jamais eu l’occasion d’écrire ce mot, à moins d’un exercice oulipien où il serait imposé. Faites une phrase de vingt mots en y plaçant de façon crédible et fluide les deux mots suivants, Anticonstitutionnellement, Abnégation. Tu noteras que la question est une bonne réponse.

Mes parents étaient furieux du sujet. Déjà ils détestaient Gide et j’ai compris beaucoup plus tard pourquoi, et questionner un nenfant sur un mot pareil relevait de l’abus de position dominante ou quelque chose d’horrible de ce genre. Parce que j’étais un nenfant, comme ils disaient. Les gros titres de journaux du lendemain criaient au scandale, enfin, surtout le figaro.

Le nenfant a réussi l’examen qui fut supprimé deux ans plus tard. Je n’en sus rien, trop occupé à me faire une place dans l’enseignement secondaire débordé par les baby-boomers qui s’annonçaient depuis dix ans mais que personne n’avait prévus, comme d’habitude.

1956. Dix ans. FIN

jeudi 26 avril 2007

Inusité.

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Introduction.


Une fois n'est pas coutume, dit l'expression. Il faut bien parfois sortir de ses habitudes d'écriture et oublier le soin et la torture des mots, les phrases alambiquées et l'obscurité complaisante de formules évasives. Ne pas faire de l'andrem dans le texte en quelque sorte.

Je tape cette fois directement dans la case prévue à cet effet, sans manuscrit crayonné sur carnet, sans recopiage laborieux sur cahier, sans reprise dix-huit mois plus tard sur Word, pour finir en copier coller dans un blog d'humeur, chez un moine dépourvu d'inspiration, ou en Amérique. J'espère avoir la chance de ne pas être poursuivi pour fautes de frappes tragiques et orthographe d'halluciné.

Texte.

J'ai regardé la télévision hier soir. Je vous le disais bien, une fois n'est pas coutume. J'ai même regardé du côté écran, là où il y a des images qui bougent, mais si mais si. Il y avait Arlette Chabot et son pantalon qui tue, face à une dame en qui j'ai cru reconnaître Ségolène Royal. Je me méfie toujours de mon incapacité génétique, je dis génétique puisqu'il paraît que tout l'est mais je n'en pense pas un mot, à mettre un nom sur une physionomie que je crois connaître et réciproquement. J'en ai fait, des boulettes, à cause de cette malformation.

Ce n'est pas sur moi que je voulais écrire ici en impromptu, mais que voulez-vous, l'impromptu ne peux empêcher la digression fatale, l'andremisme de proximité peut-on dire. Revenons à mon mouton, la dame blanche et noire.

Personne ne prétendra que la Chabot lui a déroulé le tapis rouge. Ce n'était que peaux de banane, perversité et pièges qui défilaient sous nos yeux. Je ne lui en ferai pas le reproche, c'est du journalisme bien fait de piéger le candidat sur la sellette, j'attends juste qu'elle soit aussi savonneuse, perverse et rusée face à l'autre et j'ai comme un doute, mais bon, face à Ségolène Royal elle a bien fait son travail de déstabilisation démocratique.

Voici pourquoi j'écris ici, au premier degré et en réaction simpliste et immédiate. J'écris pour vous dire mon admiration devant le slalom géant dévalé à toute allure par ma championne, sans complexe, sans hésitation, sans faiblesse, et en passant toutes les portes à moitié fermées qu'Arlette lui présentait à chaque virage. Et sans reniement, comment elle a su montrer sa capacité de rassemblement.

Arrêtons l'hypocrisie.

Tout le monde sait, tous les citoyens le savent, que ce sont les électeurs de François Bayrou qui vont décider, plus que les fidèles qui sont déjà accrochés à leur candidat d'élection, plus que les allergiques qui sont déjà décidés à couper la route du candidat qu'ils haïssent, ou de la candidate. Car la haine est bien partagée dans cette affaire.

Il y aura certes du mou dans la corde à noeuds à la gauche de la gauche et à la droite de la droite, il y aura même des reniement du vote du premier tour, je suis prêt à parier qu'il existe dans notre beau pays des gens qui ont voté Sarkozy hier et qui voteront Ségolène demain, comme d'autres feront l'inverse, je le parie, on en trouvera bien quelques uns, comme il y a des gens qui ont voté Facteur et qui vont voter Faipeur. La réalité dépasse souvent l'affliction.

Il faut bien que les candidats prennent acte de cette force politique nouvelle, centrale à ce qu'il paraît. Je n'en ferai jamais partie, que nul n'en doute. Il n'empêche qu'elle existe et le nier est aussi absurde que se renier. Cette force sera-t-elle durable, sera-t-elle ancrable dans notre monde, je ne prédis rien. Héraklite me souffle qu'elle n'est pas de bon aloi, peut-être, mais le vieux maître ne rajeunit pas. Je crois possible de faire passer la ligne de fracture entre droite et gauche non seulement entre tel parti et tel autre, mais entre tels groupes d'électeurs et tel autre, à l'intérieur de tel groupe d'électeurs, et pourquoi pas, à l'intérieur de chacun de nous. Le combat n'en est pas moins rude.

Les objections.

La dame ne s'est pas reniée, elle n'a pas abandonné la gauche à son triste sort, elle n'a pas fait de concession sur son pacte. Elle en a seulement fait ressortir ce qui était, mais déjà depuis longtemps, des convergences. C'est la moindre des choses. Elle aurait quand même pu s'abstenir de parler de ministres UDF avant-hier, d'autant que l'UDF est morte et qu'elle s'est couchée devant Faipeur. Vive le Parti Démocrate, dont je ne serai pas, soyons clair. Hier soir, la candidate a oublié ce mot de ministre UDF, mot de trop, elle a évoqué seulement les compétences et les convergences. Dont acte, dont pacte.

N'ayons pas peur de travailler ensemble à notre rénovation de pensée et n'ayons pas peur de rester fidèles à nous mêmes, ce qui n'est pas contradictoire; c'est même la plus difficile de nos fidélités : donner audience à qui pense autrement mais qui, lui aussi, nous écoute. Que la nécessité électorale pousse les politiques à accomplir cet effort sur eux-mêmes est une preuve de la grandeur de la démocratie, et non une manifestation de traficotage.

L'objection est visible: après tout, le camp d'en face fait de même. Appel du pied et contrepied. Justement, contrepied, ce qui n'a rien à voir, et l'amalgame des deux démarches est malhonnête, on voit bien qui le fait, cet amalgame.

Tu as tout faux, mon bon ami objecteur. Le camp d'en face pratique la débauche des élus à coup de menaces élégantes du genre ah ah ah on va bien rire au deuxième tour des législatives, qui c'est qui ne va pas se désister, le camp d'en face demande une soumission en rase campagne, le camp d'en face oublie soudain sa dureté initiale pour mettre du beurre où l'on voudra pourvu que ce soit plus doux, et parle même de protéger les faibles. Qui croira le camp d'en face, hormis ceux qui n'écoutent plus rien depuis longtemps, au motif que moi monsieur je ne fais pas de politique?

Pour qui le camp d'en face prend-il les électeurs? Encore une fois, Madame Royal n'a rien renié de son premier tour; ne le lui a-t-on pas assez reproché, d'être "de droite" en ce temps là, la gauche de la gauche sait très bien retrousser les lèvres en prononçant ces mots, Mélenchon mieux que quiconque. On voit bien ce qu'a donné la réalité de la gauche de la gauche devenue pitoyable à force d'auto-conviction déconnectée.
Bon, il faudra un jour clarifier cette notion, mais on devine un peu, non?

Le pire est dans cette affaire qu'
elle a ma sympathie idéologique, ce qui est uniquement mon problème, et je me charge d'y réfléchir tout seul dans ma chapelle, je vous enverrai une carte postale le moment venu.

Conclusion.

La dame ne se renie pas, elle garde intact son pacte (exercice de prononciation, répéter très vite à haute voix), elle écoute et respecte les électeurs qui doutent.

On va dire et on aura raison, que je suis un fidèle accroché à mon candidat. Juste une voix garantie. Les appels et les sourires ne me concernent pas, chacun sait qui a mon vote depuis longtemps. Je le redis pourtant, si chaque redite permettait de gagner un demi-électeur je serais prêt à redire soir et matin.

Je voterai Ségolène Royal au deuxième tour, sans aucun doute sur ses qualités humaines et sa compétence politique. N'est-ce-pas ce qu'il nous faut, pour nous représenter tous, pour nous incarner tous?

FIN.

samedi 21 avril 2007

Voilà voilà.

Nous y voici. Fin de la récréation. Moment de vide mental. Moment de crainte et d'espoir. Sommes nous tous bien du même pays, et devrons-nous continuer d'aimer LA France?

Tout ne va pas se faire dimanche, deux semaines encore nous attendent. Il nous les faut, ces deux semaines, il nous faut cette bataille là, il faut que les oppositions se constituent, et que chacun choisisse son camp. Celui qui se prétend en dehors des camps a déjà choisi en réalité, mais personne n'est dupe en dehors de lui-même, peut-être.

Alors offrons-nous cette bataille nécessaire, mais sans suffisance, car elle devra l'être, suffisante.

Aimer LA France. Quelle est cette stupidité? Je suis un morceau d'elle, et sans moi elle n'est plus rien, sans chacun de nous elle n'est plus rien. Que signifie ce mot, LA France, si pour un seul d'entre nous ce mot n'a pas de sens?

Faisons tout pour que bientôt, nous n'ayons plus mal à nous-mêmes.

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Bon anniversaire à toi que j'aime, petite ineffable fée d'avril, du 21 avril mais un autre, celui de lumière. Même si je sais que jamais tu ne viendras lire ici.


vendredi 20 avril 2007

La première décennie

Après un long silence dont je peine à sortir, je reviens sur mes lieux hantés et je cherche mes mots. A quoi bon, me dit le diable vauvert, que fais-tu à perdre ton temps et le bout de tes doigts. L’ordinateur n’est pas un appareil si anodin que tu lui confies tes états d’âme et de service, que tu lui racontes ta vie à ta façon, que tu encombres les fils électriques de tes simagrées. Le silence est d’or dit-on, et le moine ne me contredirait pas qui sait si bien tenir sa langue et son piano, quand il veut.

Cet or là me pèse, et plus s’accumulent les idées molles, plus l’envie de dépenser me tenaille. Les déconvenues, ou plutôt la contemplation de la vraie réalité de mon enfermement volontaire et vital, s’opposent à me voir revenir et simultanément rendent mon retour plus nécessaire que jamais à ma survie. Etrange piège où je me suis fourré, en commençant d’écrire d’abord, ensuite en cessant de le faire quelques courtes journées, moins de quarante en tous cas. Je ne peux désormais ni m’interrompre ni recommencer.

Avant de reprendre les blogues, je vais un peu ricocher, voir si l’on voit, voir si je vois, regarder. Justement, me voici au crépuscule de la première décennie. J’ai révolu neuf ans, et je vais attaquer le dixième, avec toujours cette incertitude de savoir si l’an zéro compte rien ou un. Incertitude philosophique, qui en rejoint d’autres. Après tout, parler de l’an 1956 est-il pertinent, évoquer Noël 1955 ou Noël 1956 sous prétexte de souvenirs a-t-il un sens ?

Pourquoi ne parlerait-on pas du Noël zéro, avant de chercher un sens à 1956 années plus tard ?

Ecrit dans la marge, réflexions.

Il en est du Noël zéro comme du grand boum, en anglais le Big Bang. Plus on s’en rapproche, plus il est flou. Les astronomes trouvent une lumière fossile et se perdent dans les températures si gigantesques que le glaçon a fondu avant d’arriver au fond du verre comme celui d’un jour de canicule à l’heure du pastis sur le Vieux Port. Dans ces territoires étranges, gagner un milliardième de seconde dans le passé sur les cinq qui restent à examiner est plus difficile que parcourir tout le chemin qui a conduit à ce cinquième milliardième. Le point zéro est à jamais inaccessible.

Ainsi le Noël zéro.

Déjà personne ne sait si la première année de l’ère a été l’an zéro-un, ou l’an un, ou l’an zéro. On commence mal. Déjà que Noël n’est pas tombé un premier janvier, ce qui est bon pour les jours fériés mais mauvais pour s’y retrouver, et très mauvais pour le vacarme commercial. Ensuite, plus on se rapproche de ce temps originel, c’est bien ainsi qu’il faut le nommer, originel, moins on comprend.

Ceux qui nous ont raconté ce Noël zéro ne sont pas encore nés, de très pieux pères les inventeront de toutes pièces de nombreuses dizaines d’années et de Noëls plus tard ; dans quel but et pour quels complots de conquête, vas savoir. Le travail a été bien fait, Jean Matthieu Luc Marc, quatre noms sortis du panier qui seront apôtrifiés en chœur pour faire du vécu, et qui diront des choses proches mais différentes sans se contredire mais un peu quand même, après tout Dieu justement lui sait comment il faudra plus tard interpréter le discours, autant se donner de la marge.

Ainsi est né Noël, la planque dans la grotte, l’âne et le bœuf, les rois et les trésors ? Le recensement de César, et quel César, le seul le vrai qui se pavane chez Astérix, ou bien un de ses comparses historiques, Auguste, Claude, je ne sais qui ?

Mets quelques détails vrais dans cette belle invention, et les chercheurs de révélation n’auront plus qu’à se mettre en route, on trouvera bien des manuscrits du côté de la Mer Morte et un recensement confirmé par Tite-Live ou Pline jeune et vieux, pour crédibiliser la question, à défaut de la réponse.

Et les cadeaux des rois, où sont-ils passés ? Hein, personne n’en parle, de ces cadeaux. L’encens, la myrrhe, l’or, et le reste, qui les a récupérés dans la grande pagaille de visiteurs de la crèche ? Que fait la police ? Il faudrait peut-être aller voir les caves du Vatican, à tout hasard, pour ceux qui aiment révéler des complots introuvables.

En un mot, je dis 1956 parce que je le vaux bien, mais franchement, je ne suis pas sûr du montant, et personne ne l’est d’ailleurs. Je sais seulement que l’erreur, quelle qu’elle soit, est la même pour tous, et la même pour toutes les dates. J’ai donc bel et bien dix ans et je vous écris pour exister.

à suivre en 1956.