vendredi 22 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - Mon ami mon frère. #‎10/10.‎

Mon ami mon frère. 10/10.



Il reste un point qui attendait l’occasion de sortir depuis un bon moment, depuis le début en réalité. Je suppose qu’il aura été soulevé avec vigueur, et force points d’exclamation, bien avant que je diffuse ceci ; il y a des rois du point d’exclamation ; j’aime mieux le point-virgule, mal aimé.



Nous y voici.



La compassion, le pardon, l’oubli de la faute, l’absolution des péchés. La priorité des vivants sur les morts. La nécessaire reconstruction. De bien beaux mots, de beaux clous pour un beau pilori.

Lorsque je rends visite à mon frère ou à mon ami en prison sur qui hurlent les loups parce que c’est tellement plus facile, et même s’il n’est ni frère ni ami, il sait ma compassion et il accepte la cigarette que je lui tends comme dans la chanson. Mais il sait aussi mon jugement parce que je l’ai dit en face, au coin d’un bois ou d’un écrit. Il faut qu’entre lui et moi ces choses là soient dites, sur toutes les agoras du monde.

Sinon, comment peut-on, un seul instant, imaginer reconstruire quoi que ce soit ? Il nous appartient de lui tenir le miroir, sans complaisance, en disant : voilà ce que tu es, voilà ce que tu as fait, voilà ce que j’en pense. Alors tu prends la pelle et la pioche, et tu recommences ton château de sable ou ton château en Espagne, et tu as intérêt qu’il soit plus beau et plus haut que celui que tu as cassé, sinon je me tire sans me retourner.

Parce que c’est ainsi seulement que la mort n’aura pas été inutile, et qu’elle aura, au moins provisoirement, perdu la partie contre la vie. On m’a déjà reproché de cracher sur des tombes. Je ne sais pourquoi et je ne sais plus qui et je ne sais lesquelles.

Ce ne peut pas être une consolation, mais j’ai bien peur de ne pas être le seul.



Envoyé le 25/11/2004 vers 18h10.

Dédié à Marie Trintignant.

FIN.

mardi 19 décembre 2006

‎HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - L’inégalité heureuse.‎ #‎9/10.‎

L’inégalité heureuse. 9/10.

Un combat est en cours, loin d’avoir abouti mais alors vraiment très loin, pour remédier à la domination de l’homme sur la femme. Droits, salaires, statuts, hiérarchie, de petits progrès en conquêtes symboliques, le long chemin à parcourir se parcourt.

Mais on ne pourra jamais, sauf mutation improbable comme celle imaginée par l’ami Claude, rendre la moyenne statistique des femmes aussi forte que la moyenne statistique des hommes, face à la violence du geste. Je ne suis pas dans patience et longueur de temps, je suis dans hic et nunc, pour couper court aux objections qui frétillent.

Ainsi, on ne peut pas supprimer la physiologie, on ne peut pas décréter la disparition pure et simple de cette inégalité là. Elle est trop, comment dit-on déjà, naturelle. Il nous faut donc la surmonter ; il faut transformer en atout ce qui serait une faiblesse, en privilège ce qui serait une injustice. On pourrait dire, par exemple, qu’il y a complément, au lieu de prétendre à une confrontation.

Facile à dire. Mais bien obligé de faire, car on sait, Marie en est la preuve, que l’affrontement physique est victorieux à sens unique, donc inique.

On va me déverser d’autres formes d’inégalités tout aussi naturelles et qui vont profiter aux femmes, tout arrive, et qui vont compenser, dans une sorte de bilan énergétique ridicule, l’avantage que donne à l’homme sa violence. Je ne les cherche pas, ces inégalités là, mais vous saurez mieux que moi les sortir de votre besace. Mettons qu’il y en ait.

Désolé, ces inégalités là n’ont pas à intervenir, vous pouvez vous les remettre dans la besace. Ou plutôt, elles doivent être vécues comme j’aimerais que soit vécue celle dont nous parlons, comme un commencement de complémentarité. Toutes devront se transformer en différences nécessaires et profitables, l’une après l’autre, sans interférer entre elles. Différences plutôt qu’inégalités, comprenez-vous ?

Pour en finir, il me vient un doute philosophique, vous en ferez ce que vous voudrez : j’ai bien l’impression que le monde animal lui-même nous donne une leçon : la domination du mâle sur la femelle y est-elle vraiment la règle ? Alors il n’y a pas d’égalité qui tienne, et l’homme a le devoir inégal et absolu de taire sa force instantanée. Comment non ?

Nous en reparlerons le jour où autant d’hommes mourront sous les coups de leur femme, que de femmes.



Premier envoi en ligne le 24/11/2004 vers 14h39.





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vendredi 15 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - Les adultes.‎ ‎#8/10.‎

Les adultes. #8/10.

Plus sérieux encore est l’argument des adultes. Voici venir des avocats plus coriaces.

Ils sont adultes, disent ces avocats là, égal à égal, l’un comme l’autre bourré, l’un comme l’autre amoureux. Bourré, amoureux, on l’a déjà dit. Adultes égaux, voire. Examinons.

L’un comme l’autre fort ou faible, prétendent-ils ces avocats malins, elle aurait frappé de même, avec le même résultat. Je l’ai entendu cet argument, il faut bien que je m’en occupe. J’ai plusieurs fois croisé Marie ; je suis nettement plus gros qu’elle, mais plus petit aussi. Je ne suis pas sûr que j’aurais eu le dessus dans un pugilat. Seulement voilà, nous ne sommes pas aux Jeux Olympiques, et la question n’est pas de savoir qui va gagner la médaille. La question n’est pas de savoir qui aurait pu, peut-être, frapper à la place de l’autre. La question est de savoir qui a frappé et qui est mort.

Ce n’est un secret pour personne que, en moyenne et au physique, l’homme est plus costaud que la femme. La règle s’applique aussi en remplaçant homme par mâle et femme par femelle. Toutes les sociétés de tous les temps se sont construites sur cette statistique animale, en instituant, à tord ou à raison c’est un autre débat, des mécanismes de protection physique de la femme par l’homme.

Ces sociétés en ont profité, tant qu’à faire, pour ajouter à la protection des mécanismes de domination sous prétexte que l’un ne va pas sans l’autre. Presque toutes les sociétés, et presque tous les animaux, je me méfie, des historiens et des zoologues très émérites sauront bien me contredire, trouver des contre exemples. Alors, pas fou, je dis presque et je parle de statistique.

Premier envoi en ligne le 24/11/2004 vers 10h32. #9/10 à suivre.

mercredi 13 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - L’animal, le retour.‎ ‎7/10.‎


L’animal, le retour. ‎ #7/10.





Il y aurait beaucoup à dire sur l’animalité.



J’en fais ici une sorte d’état initial, originel, infantile ; est-ce bien raisonnable ? Et ne serait-ce pas un mauvais procès fait aux animaux ? Il me faut poursuivre sans trop me disperser, alors je garde cette animalité là comme repoussoir, une allégorie de l’infâme ; je demande que le règne animal me le pardonne ; je promets que pour marquer notre péché originel, je trouverai un jour autre chose que vous autres, bêtes féroces et innocentes.



Ne me faites pas dire que les aboiements d’insultes et les discours humiliants sont légitimes, permis, tolérables, et tant qu’on y est souhaitables on ne prête qu’aux riches ; aucun ne l’est et sous aucun prétexte. A répéter cent fois. Tant qu’il s’agit de mots, nous restons humains, pitoyables et ridicules peut-être, mais la gangue originelle ne se referme pas encore. Disputes, cris, éructations, invectives nous laissent exsangues, mais humains.



Alors, voilà, chers Maîtres. Il n’est pas d’argument de colère amoureuse qui tienne devant un seul coup de main, ou de pied.



Premier envoi en ligne le 23/11/2004 vers 14h51. # 8/10 à suivre.

mardi 12 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - Le verbe et la chair.‎ #‎6/10.‎

Le verbe et la chair. 6/10.

Le désir, la possession, la domination, la soumission, la dépendance, ont parfois l’apparence et l’odeur de l’amour. Ils en sont le simulacre, ils en sont parfois le tremplin, ils en sont souvent le tombeau.

Ils ne pourront jamais être de l’amour. Une fois l’envol pris, il faut oublier tout ce fatras, et construire à petit feu ce que sera la vie à deux, tant qu’on sera d’accord pour le faire, deux jours, deux mois, deux ans, deux siècles. Si vous me le permettez, je vais sortir le désir de ma liste des simulacres, il ne fait pas partie du fatras : il servira pour faire durer le plaisir.

A l’instant même où l’on frappe celle qu’on aime, on a cessé d’aimer, à supposer qu’on l’ait aimée avant.

Il s’agit bien ici de frapper. Il s’agit bien ici de gestes, mouvements de bras, du poignet, de la jambe, de la tête. Il s’agit bien de violence physique. S’il vous plaît, pas d’amalgame avec la violence verbale. Non qu’elle en soit disjointe, ou qu’il faille l’ignorer, ou qu’il faille la glorifier. Sûrement pas, mais il y a dans le verbal comme une forme d'égalité, si la violence peut s'accommoder de cette concession. A armes égales, disent les duellistes.

La vie de couple amoureux, hachée ou quotidienne, n’est ni tranquille ni douillette. Mais j’ai invoqué ce rêve fou de se séparer du monde animal ; si on veut imaginer le caresser un jour, il faut en rester au verbal.

Les animaux le savent qui se miaulent dessus pendant des heures sans jamais se toucher, on n’arrive même plus à dormir avec ce vacarme.





Premier envoi le 22/11/2004 vers 19h12. #7/10 à suivre.


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vendredi 8 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - L’animal et l’exigence.‎ ‎5/10.‎

L’animal et l’exigence. 5/10.

Que ce jour là je suis retourné à mon état animal d’où cet amour aurait dû me faire sortir, une régression pour une transgression ; qu’en réalité je n’aimais pas, on pourra donner tous les noms qu’on voudra aux pulsions qui me rendaient cette femme indispensable, mais d’amour point ; qu’elle seule probablement m’aimait d’un amour sans retour et soudain devenu sans espoir.

Consciemment ou non je suis trop maladroit pour le savoir et trop prudent pour le dire, elle avait voulu vérifier que j’aimais ou que je n’aimais pas. Pour être servie elle a été servie, mais il lui fallut encore six mois pour se décider à partir, c’est dire qu’elle m’aimait.

Quoi qu’elle ait dit ou fait, bien sûr je ne me souviens de rien, je n’avais pas à la frapper. Je suis aujourd’hui très ferme sur cette certitude, j’en ai peu mais en voici une : aimer exige d’être capable d’accepter sans coup férir ce que dit ou fait celui ou celle qu’on aime, aimer exige d’accepter qui il est, qui elle est. Aimer est d’abord une exigence.

Premier envoi le 19 novembre vers 19h43. #6/10 à suivre.

mercredi 6 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - Ma gifle.‎ ‎4/10.‎

Ma gifle. #4/10.


Il y a des arguments plus sérieux. L’argument de la colère amoureuse en est un. Examinons.

Il existe dans l’agora un recoin ensoleillé avec une jolie fontaine au milieu, consacré à l’amour. Qu’est-ce qu’aimer, est le nom de ce recoin. On se groupe autour du murmure du jet d’eau, et chacun y va de sa définition, de son vécu, de ses peurs et de ses espoirs, avec tendresse, maladresse, émotion, poésie, voire cynisme. J’aime bien écouter la rumeur de cette place là et je n’ose pas trop y parler.

Tout le monde sait bien qu’on ne trouvera jamais de réponse à la question, il y a autant de réponse que de répondeurs. On peut cependant y échanger ses aventures, raconter ses expériences, montrer ses blessures, dévoiler ses cicatrices, chacun devient un peu voyeur et un peu exhibitionniste, puis tout le monde repart en allant mieux.

Alors je fais de même : j’exhibe.

Moi aussi j’ai transgressé ; j’ai frappé une femme que j’aimais, une seule fois une seule gifle, en plus elle avait tout fait pour m’y conduire. Que dire d'autre, une fois la colère et le temps passés ?

Premier envoi le 19/04/2004 vers 15h30. #5/10 à suivre.

mardi 5 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - Circonstance atténuante.‎ ‎3/10.‎

Circonstance atténuante. #3/10


C’est curieux comme dans ce monde de musique et de radio on s’est mis, enfin moi surtout, à parler hommes et femmes. Ce n’est pas si impertinent qu’il paraît, et au moins on ne viendra pas me refiler de l’humanisme long comme le bras, mot boulet qui permet de se donner de grands airs en ne disant rien. Leur humanisme, les grands airs peuvent se le garder, il pèse lourd mais il est vide.

Où en étais-je ? La route poudroie, de grands bras s’agitent et les manches virevoltent, les noirs corbeaux sont dans la plaine.

Je vois débarquer à pleins poumons les avocats de la défense. Les débutants sont en tête, plus jeunes ils déclament plus vite. Ouais, disent les avocats de la défense, le pauvre garçon était bourré, que dis-je, il était shooté, et la fille aussi d’ailleurs. Chers Maîtres, vous me voyez content d’apprendre que les actes commis sous le coup de la boisson ou de la drogue sont moins graves.

Vous avez raison, Chers Maitres, d’ailleurs la prochaine fois que j’écrase un passant avec mon catxcat, souvenez-vous que j’ai un catxcat j’ai parfois tendance à l’oublier je suis si distrait, je dirais ouais monsieur l’agent je suis bourré et drogué, et pour faire bonne mesure je lui montrerai les trous d’aiguille dans mon bras. Quand on parle à un agent ou qu’on est avocat débutant, on dit ouais.

Si de surcroit le passant était bourré aussi, je repartirai sans encombre tuer quelqu’un d’autre avec mon catxcat.

Je vous rassure, je bois et je fume comme tout le monde, et mes habitudes sont ainsi faites que je rentre parfois chez moi après avoir bu. Il faudra un jour changer ces habitudes, on le dit, mais on en est loin du moins par chez nous. Si malheur arrive pendant le retour, rien ne pourra excuser que je sois la cause du malheur, ni fumée ni alcool, il n’est habitudes culturelles qui tiennent, et les juges auront raison de me pilorier.

Premier envoi le 18/11/2004 vers 16h49. #4/10 à suivre.

lundi 4 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND - La transgression philosophique.‎ ‎2/10.‎

La transgression philosophique.‎ ‎#2/10.
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Tant que j’en dispose, je revendique ma liberté de juger qui je veux au nom de moi-même, et je n’ai aucun besoin d’estrade. D’égal à égal suffira, les yeux dans les yeux, tout comme pourra le faire à mon égard celui qui me fait face. Pas de robe noire, pas d’apparat ni de boiseries. Juste lui et moi, au coin d’un bois ou d’un écrit.

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De ce jugement là ne sortira aucun pilori, aucun lynchage. Je dirai à celui qui me fait face tu as bien fait si je juge qu’il a bien fait, ou tu as mal fait si je le juge ainsi, et nous sommes bien dans ce dernier cas ; il se peut alors que je lui tourne le dos. Je ne me priverai pas de ma liberté de dire que je juge qu’il a mal fait, et de tourner le dos. Non pour hurler avec les loups, mais parce que ma petite loi au fond de moi me rappelle, et doit lui rappeler, qu’il a transgressé un fondement de l’espèce, un de ces fondements dont nous rêvons qu’il pourrait nous extraire de notre animalité. Rêve insensé, je sais. Mais ne jamais y renoncer, à ce rêve.

Non, je ne pense pas au meurtre ; le meurtre n’est pas la transgression qui me préoccupe ici, bien qu’il s’agisse aussi de fondement de l’espèce. Mais le meurtre a fait l’affaire des messieurs très importants de tout à l’heure, les juges, ils ont réglé la question comme ils ont voulu et je ne vais pas y revenir. De quoi s’agit-il, alors ?

Il faudrait se lancer dans des considérants considérables, pour distinguer ce qui doit l’être, séparer les lois de la société des lois de l’espèce, séparer le travail du juge de celui de l’humain qui regarde. Je suis l’humain qui regarde et je juge au seul nom de moi-même en tant qu’humain. Je m’occupe de la loi de l’espèce, non de la légalité. Tuer est contraire à la loi de la société, illégal donc, fût-ce accidentellement, et le juge ne s’y trompe pas qui condamne avec force verrous et barreaux. Tuer est aussi en soi enfreindre la loi de l’espèce, mais dans une moindre mesure surtout lorsque c’est accidentel.

Mais tuer une femme lorsqu’on est homme est une transgression fondamentale. Il n’est accident qui tienne lorsque la mort a été précédée de violences.

La transgression fondamentale est la violence faite par un homme à une femme qu’elle soit meurtrière ou non, parce que, meurtrière ou non, la violence est toujours intentionnelle. Chacun peut arrêter la mécanique infernale pour peu qu’il garde ses yeux ouverts et sa vigilance vivace. Vous me présenterez d’autres sortes de violences et nous pourrons débattre savamment de ce qu’elles sont fondamentales ou non. J’écris ici sur celle-ci : la violence de l’homme faite à la femme ; ne me sortez pas de mon ornière, je n’ai pas fini le chemin.

Je ne perdrais pas mon temps ni le vôtre avec cette affaire si l’homme avait frappé et tué accidentellement ou non, un autre homme. Les juges sont là pour s’occuper du cas de cet homme. La transgression qui m’occupe ne relève plus de la justice et son train, ils sont déjà passés et quand même ils ne seraient pas encore passés elle serait hors sujet ici.

La transgression qui m’occupe est une transgression philosophique, d’autant plus grave qu’elle est philosophique. Comment voulez-vous que l’homme en réchappe et survive, si on ne lui dit pas ce qu'il faut lui dire, en face, les yeux dans les yeux, sur les agoras.

Dire, et non clouer. Il doit pouvoir affronter son miroir. Voilà tout.

Premier envoi de #2/10 le 17/11/2004 vers 18h30. #3/10 à suivre.


vendredi 1 décembre 2006

HISTOIRE DE MARIE & BERTRAND. #1/10 - Ma liberté.‎


Ma liberté. #1/10.


C’est ma liberté d’en parler. Cette sorte de nuage impalpable qui ne s’use que si ne l’on s’en sert pas. Liberté d’admirer ou de haïr ; de juger ; d’écrire que j’admire ou que je hais ou que je juge de ma petite hauteur, puis de dire tout cela, vous savez bien tous ici, et hop. Ehoper, a-t’on joliment dit une fois, écoper, achopper, échapper.

Je vais vous raconter l’histoire de Bertrand Duschmoll et de Marie Pervenche.

Il y a des gens très importants qui, du haut de leur estrade, tranchent et enferment au nom des uns, au nom des autres, au nom de la loi, au nom du peuple, et pourquoi pas au nom de l’humanité toute entière. On les appelle juges. Ils font un travail utile à ce qu’on dit, on les paye pour le faire et plutôt chichement, mais les payeurs d’impôts ont tord de s’en réjouir. Et puisque je paye mes impôts moi aussi, je m’intéresse à leur travail, mais je ne m’en mêle surtout pas, et si par hasard ils s’intéressent à moi, je frémis et me terre.

On peut imaginer sinon espérer, que la société est ainsi protégée ; ceux qui ont une dette la payent, ou la paieront. Mais attention : personne ne devra faire payer une seconde fois qui a déjà payé sous prétexte de je ne sais quoi ; par exemple sous prétexte de vengeance, ou pire, sous prétexte de bonne conscience, vous savez, ces bonnes consciences qui hurlent avec les loups au nom de l’humanisme.

Alors voici le point crucial : il ne s’agit pas ici de faire payer Bertrand, ni une première fois ce fut le travail du juge, ni une seconde fois ce n’est le travail de personne. Mais je veux raconter mon histoire, qui est la sienne surtout.


Ecrit le 16/11/2004 vers 19h51. A suivre.

mercredi 22 novembre 2006

B.A.B.E.L. sur mer

Il n’y aura donc jamais de fin ?

Il faut déménager, qu’il nous avait dit, vous ne pouvez pas rester là.

Nous en avions traversé pourtant, des déserts, des montagnes, des mornes plaines.

Mamie voulait voir la mer en regardant vers l’ouest, alors évidemment quand on habite Vladivostok le trajet est un peu longuet. Et quand j’écris voir je me comprends.

Toutes les idées que nous avions tentées pour échapper au piège avaient été rejetées, pas folle Mamie. Nous avions bien envisagé de l’amener sur un île en face, ou de l’autre côté d’un golfe clair, ou encore traverser une petite mère, je ne sais pas moi, mer de Chine, mer du Japon, mer de Corée, il n'en manque pas par ici en tout cas. Enfin là-bas, maintenant que tout est fini.

Refusé, Niet, Mamie voulait défier l’océan le vrai en regardant se coucher le soleil droit dans les yeux, elle voulait s’asseoir dans sa maison et, sans bouger, entendre le mugissement de six mille kilomètres de houle venue de l’ouest.

Il faut vous dire que Mamie était arrivée de loin déjà pour habiter avec Papi à Vladivostok, ou plutôt un petit village de pêcheurs situé à quelques verstes au Nord de la ville grise à la gare très littéraire. Pour elle, vivre ici était le paradis, le midi, le pays chaud. Elle était bien avec son Mandchou de mari, Sancho au sang chaud et pas manchot, qui avait pour elle des attentions d’italien du Gargano.

Elle n’avait jamais regretté son pays natal Inuit bloqué dans le permafrost.

Sancho ? Le père du mari de Mamie, mon aïeul, était le traducteur en Mandchou démotique de Cervantès, c’est tout. Vous avez d’autres questions ?

Puisque nous en sommes aux confidences, je vais révéler un lourd secret qui a déjà été éventé, la chose n’étant plus nouvelle aujourd’hui. Mamie s’appelait Lamia: ce qui en Inuit de son village natal signifie Alouette qui rit dans le soleil. Sauf que personne là-bas ne savait ce qu’était une alouette, frileuse la bête, ni ce qu'était le soleil, jamais levé l’animal. Elle détestait ce prénom qui ne lui disait rien et avait préféré se faire appeler, depuis son arrivée à Vladivostok, Lam.

Les enfants petits, dans leur langage mal dégrossi, l’appelaient Laminuite.

Ben voyons.

Photo n°1 de RhP :

http://www.flickr.com/photos/rh-p/237871938/in/set-333561/

Nous avons donc chargé la maison et tout le fourbis sur Laminuite, et nous avons fait notre croisière jaune à l’envers pour aller voir la mer. Nous avions peu de choses et mamie savait parfaitement comment se déplacer avec.

Vous dire pourtant que ce fut facile serait mentir ; en comparaison, la croisière jaune à l’endroit avait été une partie de campagne. Mais voilà, nous y sommes. Nous avons rapidement reconstruit la maison, juste face à la mer, au milieu des herbes étranges qui poussent là où rien ne devrait pousser, et qui fouettent les mollets des enfants coureurs, et d’autres coureurs mais ce ne sont pas leurs mollets qu’elles fouettent.

Soudain, le Directeur du camping voisin a surgi, les yeux bleus étincelants et le bronzage épidermique. Il a dit qu’il s’appelait Patrick, j’ai oublié le nom d’après mais il était oubliable, et il nous a demandé de, comment a-t-il dit déjà, foutre le camp. C’est lui qui l’a dit, hein, pas moi, alors je répète, je n’ai pas l’habitude d’inventer des choses qui ne seraient pas exactes. Sans doute craignait-il je ne sais quelle concurrence, lui qui venait d’installer des sanitaires tout neufs conformes à la norme énorme.

Vous ne pouvez pas rester là, vous devez déménager, qu’il a dit.

Impossible de lui faire comprendre l’histoire, il ne voulait rien entendre. Il était peut-être un peu sourd, à cause du nom oubliable je pense. Heureusement mon cousin qui tenait de son papi a su le charmer de ses discours sur les moulins à vent et lui a tenu la manche assez longtemps pour nous permettre d’installer Mamie sur son trône flamboyant.

Pendant une heure, une heure durant, une heure seulement, bis repetita placent, elle a pu écouter la houle de six mille kilomètres tombant en grève. Comme elle était aveugle, elle n’a pas remarqué que nous n’avions pas mis la porte du bon côté.

Il n’y aura donc jamais de fin ?

Ici, il devrait y avoir une seconde photo de RhP:

http://www.flickr.com/photos/rh-p/250701877/in/set-333561/


Ecrit le 21 novembre 2006; mis en blogue le 22 novembre 2006.


Ce billet est une copie après destruction du même qui présentait des anomalies (à la suite des tentatives de créer des liens vers 2 photos de RhP). Les commentaires ont donc été détruits (pardon Marie, pardon Akynou).

En voici le copier-collé, inséré dans le texte du billet nouveau, avec une nouvelle tentative de mettre les lien des photos.

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4 commentaires:

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Marie a dit...


Et tout ça à partir d'une photo ... dieux ! quelle imagination - que viennent-ils faire dans l'histoire ? ils devaient être plusieurs pour pousser. C'est magnifique, j'y ai cru.


22 novembre, 2006 20:19

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akynou a dit...



C'est à la fois très joli, plein d'humour et en plus, tu as fait comme moi, tu as utilisé les deux photos. Bravo :-)

Tu as récupéré une connexion correcte ?



23 novembre, 2006 10:31

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akynou a dit...


C'est dommage que tu n'aies pas mis les photos… On aurait mieux compris certains jeux de mots. Notamment sur le surnom de la baba. Je les placerai malgré tout sur le blog de jeu, puisque c'est le jeu :-)

@ Marie : à partir de deux photos!

23 novembre, 2006 10:33

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andrem a dit...

Les photos, j'ai fait plusieurs tentative de les copier-coller, puis de les lier, et je suis presque devenu fou allié et aliéné dans l'Allier.

Alors je demande pardon à RhP que j'ai réussi à délier, et je remercie Akynou de mettre les photo dans le report du texte dans sa salle de jeu.

23 novembre, 2006 18:09

jeudi 19 octobre 2006

Embarquement immédiat

Je n’aurais pas dû bouger.

Je ne me sentais pas bien ce soir là, mal assis dans le grand tuyau blanc. Oppressé, las, vaguement inquiet sans raison. J’étais fatigué certainement, et je n’avais pas assez dormi. Depuis hier matin, je n’avais pas arrêté. Courir derrière des hélicoptères, arpenter des salons encombrés, effeuiller des rapports essentiels donc inutiles, respirer des poussières d’archives, des fumées de gazole, des moquettes de nouveaux riches, expliquer l’inexplicable à des je sais tout qui connaissent les réponses alors que je n’ai aucune idée de la question, rattraper le temps à tombeau ouvert sur des routes chargées, et le perdre malgré tout, manger des sandwiches sous prétexte de ne pas gaspiller l’heure de midi, la vie quoi, de tous les jours.

Alors dans l’avion de vendredi soir, assis enfin, je ne me sentais pas bien ; une barre là, et là, et là ; délacer les chaussures les pieds y sont soudain à l’étroit, ouvrir le col de la chemise il y a longtemps que je ne mets plus de cravate, respirer un bon coup l’air confiné. L’embarquement n’en finissait pas ; lentement, toutes les places trouvaient preneur ; j’aurais préféré un hublot pour voir le ciel, il n’y en avait plus, de hublot le ciel lui était encore là, alors j’étais couloir. Une jeune femme tardive s’est contentée du plus mauvais siège, celui du milieu.

J’avais dû m’assoupir. Le collègue de l’autre côté du passage me racontait je ne sais quoi, il pouvait toujours parler, mon cerveau avait desserré les barreaux de la cage, les barres là et là et là, et s’était enfui au dessus de l’étang de Berre visible derrière l’aile de l’avion blanc. Un oiseau s’est posé sur mon épaule gauche. La lumière du soleil du soir faisait miroiter les grands réservoirs, les tours des raffineries, et les barres calcaires des montagnes. Le spectacle méritait bien le détour, tant pis pour la science de mon collègue.

Déjà j’étais plus léger. Etrange comme parfois quelques minutes d’un sommeil volé et envolé suffisent à vous redonner jeunesse, énergie, espoir, à effacer les miasmes. Mais j’ai bougé et l’oiseau est parti. Les portes de l’avion venaient de se fermer, et le pilote annonçait je ne sais quoi, la température à Orly, la durée du vol, bienvenue sur nos lignes, et tout ce qui va avec. L’avion préparait son décollage selon la procédure immuable. Mon collègue continuait à me parler. Pourquoi avais-je bougé ?

La jeune femme à côté était fatiguée elle aussi. Elle avait peut-être couru après des hélicoptères, arpenté des salons, enfoncé des portes ouvertes, rattrapé le temps perdu, et mangé des sandwiches. Elle avait peut-être fait bien plus que je serais jamais capable de faire. Et ce soir l’attendaient un mari impatient quand est-ce qu’on mange, des enfants turbulents vous n’allez pas vous taire maman est fatiguée, dix-neuf factures impayées, deux exploits d’huissier, ou une chambre de bonne solitaire et morne. Sa tête dodelinait et elle devait sans cesse se redresser pour ne pas glisser sur le voisin.

« Je déteste arriver en retard à l’enregistrement. L’hôtesse jalouse ne me loupe jamais, elle me case toujours sur le siège du milieu, le pire, impossible de dormir, impossible de sortir, et le coffre à bagage est inaccessible j’ai laissé ma sacoche avec mon livre. Déjà qu’en m’endormant j’ai posé ma tête sur l’épaule gauche du monsieur, que va t’il penser ? Je vois bien qu’il n’est pas content le monsieur, d’ailleurs il a bougé quand je me suis endormie contre lui. Je ne vais pas en plus l’embêter avec mon livre là-haut dans le coffre. Allons, ne dors pas, ma vieille, et fais comme si tu n’avais pas peur en avion. »

Ce n’était pourtant pas difficile de rester immobile, maintenant que j’avais scié les barreaux de la cage et que l’esprit m’était revenu après le survol de l’étang. Mon collègue avait fini par se taire, et sans bouger je pouvais m’absorber dans la lecture des mauvaises nouvelles du Monde, avec un nom pareil un journal ne peut que donner de mauvaises nouvelles, et laisser l’oiseau dormir. Mais qu’allait-elle penser, la dame, si je profitais ainsi de sa fatigue et de l’échancrure pudique du chemisier ? Mine de rien, sous prétexte de tourner une page, j’ai bougé et l’oiseau s’est envolé.

L’embarquement à bord du vol de 18h00 de Marignane à Orly s’est achevé pour tout le monde sur un air de paradis perdu.

mercredi 13 septembre 2006

Des institutions de la Vème République.‎

Cher Monsieur Dominique Strauss-Kahn,

Vous souhaitez avoir les avis des internautes sur les institutions, en partant de la situation actuellement vécue à l'Assemblée Nationale par la marée noire des amendements.

Je suis plutôt chagriné par cette marée noire. Que le parlement, et la minorité la plus significative en son sein (le groupe PS), soient à ce point dépourvu d'armes qu'ils en soient réduits à cette extrémité est désolant.

Désolant pour la crédibilité de l'opposition, quand bien même elle ne ferait que ce qu'elle peut faire (face à un projet extrêmement dangereux, j'en suis d'accord);

Désolant pour la crédibilité de cette institution essentielle pour la démocratie (l'intervention directe du citoyen qu'on nous présente parfois comme le summum de la démocratie est pour moi la porte du déni de démocratie, et sa destruction à brève échéance);

Désolant pour l'escamotage du nécessaire débat autour de la question de la politique énergétique et des moyens stratégiques dont l'état doit garder le contrôle (le projet de mainmise de Poutine sur EADS en est une illustration flagrante, merci la privatisation).

Je ne suis pas certain que l'opposition au parlement n'ait eu que ce moyen pour tenter de jouer la montre en attendant la montée d’une hypothétique hostilité au projet dans le pays, et en attendant l'approche des élections qui rendrait la mise en oeuvre du projet de loi plus délicate. Je suis persuadé que le PS, englué dans ses querelles, n'a pas vu venir le coup et s'est trouvé incapable d'apporter sa puissance d'opposition quand il en était encore temps. Incapacité et silence d'opposition bien trop fréquents depuis cinq années de désolation chiraquienne, sarkozyste, raffarine et villepineuse.

Tout ceci pour dire que le parlement doit être réhabilité, ses pouvoirs renforcés, notamment par un renfort des moyens d'action mis à disposition de l'opposition principale, ou regroupée (ce qui signifie accepter que ces moyens soient à disposition de l'UMP, si celle-ci devient opposition.

Le débat n'en serait que plus riche, certes plus long, mais plus riche et finalement les lois qui en sortiraient seraient plus crédibles, chacun sait que trop de lois tue la loi. Qu'on ne vienne pas m'objecter une soi-disant "efficacité", en terme législatif le mot efficacité n'a pas du tout le même sens qu'en Entreprise ; si elle est renforcée, la séparation des pouvoirs permettra à l'exécutif de garder toute son efficacité dans le cadre des lois existantes.



J'ai été trop long. Je m'arrête ici bien qu'il y ait encore tant d'autres choses à dire :


§ que je suis favorable au retour du septennat, mais NON renouvelable, avec un durcissement des règles de validation des candidatures associé à de nouvelles règles de votes (pourquoi pas un premier tour à N candidats, sorte de primaire nationale organisée deux ou trois mois plus tôt permettant de ne retenir que les candidats les mieux placés, leur nombre tant celui dont le cumul des votes aurait dépassé 50% des votants, suivi de l’élection proprement dite à deux tours). On pourrait même supprimer l’élection au suffrage direct.

§ que je suis favorable au renforcement des pouvoirs du premier ministre au détriment du président, associé à la nécessaire confiance votée par l’assemblée Nationale, et renouvelable tous les deux ans ou à chaque nouvelle législature de durée cinq ans éventuellement réduite à quatre (pas de censure), et à la suppression des ordonnances.

§ que je suis favorable au renforcement de l'institution judiciaire et à sa totale déconnection des deux autres pouvoirs, ne serait-ce que par la suppression du droit de nomination de tel ou tel procureur,

§ que je suis favorable au maintien dans des conditions très précisément limitées de l'article 49 alinéa 3 de la constitution, convaincu par le démonstration du bien connu Maître Eolas, dont vous devriez lire le blogue, Cher Monsieur Dominique Strauss-Kahn.

Mise en commentaire sur le Blogue de DSK le 13 septembre 2006.

jeudi 7 septembre 2006

L'échoppe et le nouveau-né.

Le 183 rue de Pessac.



Le phare de Cordouan est un signal étrange,
Visiteur du soir éclat sur éclat court et long,



Je ne sais comme il ponctua ma vie
Mais je le connaissais bien avant moi-même;



Bien avant lui-même, même,
Encore phare de bois inlassablement reconstruit
Sans jamais pourtant y avoir posé la main ni le pied;



Ni première rencontre ni premier regard ni première fois.


-------



Je n’irai pas dans sa nuit des temps,
Je n'irai jamais;



Car silhouette il demeure au bout du ciel changeant,
Sans fin ni commencement;



Alpha et Oméga divin totem, phallus impassible
Planté dans l’humide estuaire,
Gironde qui va et vient au gré des marées;



Il fut ma mort il sera ma naissance
Il est l’éternité.

mardi 5 septembre 2006

Cher Monsieur Dominique Strauss-Kahn

Je me prends au jeu. Mais je ne me fatigue que pour ceux qui m'intéressent. Il y a un troupeau d'éléphants qui n'attireront même pas mon regard. Du noniste qui s'y croit au revenant larmoyant qui ne se marre plus. Sans parler des paillettes ambulantes.

Je ne sais pas où caser le consort, que j'aime bien dans ses accrobaties toujours renouvelées. Un jongleur fou doublé d'un funambule sans filet, qui n'est pas encore tombé pour le bien de tous. J'espère qu'il garera son équilibre précaire, invraisemblable mais vrai.

C'est à Dominique Strauss-Kahn, DSK pour les paresseux, que j'écris aujourd'hui, après avoir écrit à Ségolène Royal. Il est, contrairement à certaine apparences, celui que je voudrais voir en costume de Président de la République, bien avant les autres. Il y a un ordre de préférence que je dirai pas, mais vous pouvez le deviner si vous y tenez.


Pouf pouf.

Lettre à DSK.


J'ai un peu de mal à débattre et à polémiquer sur les idées et les propos de DSK, qui rejoignent presque toujours mes propres idées.

Répéter bravo à chaque phrase n'aurait aucun sens ni aucune utilité. Alors je reste plutôt silencieux. J'observe et j'attends. J'attends surtout la réponse à cette question qui me taraude: pourquoi ce que dit et fait Dominique Strauss-Kahn reste aussi peu entendu en dehors du petit cercle de partisans convaincus?

Ne me faites pas le coup du complot, tout le monde sait que l'argument est si usé qu'on voit la peau dessous. Il doit bien exister une vraie raison. Je ne demande pas qu'il se médiatise façon Ségolène, ou qu'il gesticule en forme de va-et-vient avant arrière comme Lionel, ou qu'il se prenne soudain pour un gauchiste à la mode de Laurent.

Mais voilà. DSK, que je verrais très bien en premier Président de la sixième République, a pour l'instant toutes chances de ne pas être même candidat comme sixième de la cinquième.

On peut se plaindre des médias, on peut se lamenter d'une pipolitisation; c'est très insuffisant comme explication, il y a un gouffre si vaste d'incompréhension et de surdité que j'aimerais comprendre, et que DSK lui-même je le crains, aimerait comprendre aussi.

Avant de proclamer haut et fort les mérites de Dominique Strauss-Kahn, il me semble que la première démarche à faire par lui et ses équipes est de percer le mystère. A défaut, la seule proclamation agiographique bien qu'utile sera vaine.

Andrem, le 5 septembre 2006.

jeudi 24 août 2006

Chère Madame Ségolène Royal.

Je vous fais une lettre.



Chère Madame Ségolène Royal,



Depuis le temps que j'hésite à venir sur vos blogues, il faut bien que je me décide. Voilà, je me suis décidé. J'ai peu de temps là maintenant, mais, comme au bord de la mer, je vérifie que l'eau n'est pas trop froide avant d'aller me jeter dans le tourbillon. Cet imêle est juste un avant-poste, une modeste intervention d'un citoyen comme un autre, d'un soixante-millonième de la France. Pour faire court.

J'aime bien votre discours de Frangy. Il est d'ailleurs construit dans ce but; ce n'est pas un reproche, votre rôle est pour le moment de prononcer des discours qu'on aime bien, sinon, à quoi bon se décarcasser.

J'aime bien votre parcours depuis bientôt un an, depuis qu'on a commencé à parler de vous partout. Vos positions antérieures me convenaient parfois et parfois m'irritaient, comme il arrive avec des acteurs politiques majeurs dont on suit la carrière avec intérêt, et vous en étiez pour moi, parmi d'autres.

Vous n'avez pas commis d'erreurs depuis un an. On le dit souvent, on dit vrai. Votre savoir faire, je suppose, autant que celui de vos conseillers sinon davantage, il ne faut jamais trop faire confiance à ses conseillers mais quand même un peu, votre charisme, appelons le ainsi, le mot veut tout dire et son contraire, mais c'est le seul qui me vient. Mais attention au dérapage, au faux pas, ce sera la curée. Attention au vernis trop lisse, il finit par craqueler.

Je dois être franc avec vous si je veux continuer à venir commenter sur vos blogues et chez vos soutiens. Il y a un an, je ne donnais pas cher de vos ambitions, et j'attendais avec curiosité le moment où vous alliez chuter dans un grandiose saut de l'ange. Rien n'est arrivé, et vous êtes toujours là, à dire et écrire des choses que j'aime bien. Je vais finir pas me demander si je ne devrais pas vous choisir comme candidate favorite à l'élection présidentielle, disons les mots sans détour, il s'agit bien de cette question.

Pendant longtemps, et peut-être encore maintenant, vous allez vous fâcher je le devine, Monsieur Dominique Strauss-Kahn avait ma préférence, d'une part pour des raisons objectives - ses performances passées, son sens de la politique, sa présence rude et impassible, enfin ce qu'on en voit à travers les miroirs que les médias nous tendent à nous autres simples citoyens, et il en est de même pour vous d'ailleurs car ce sont ces miroirs qui nous bercent -, d'autre part pour d'obscures raisons probablement inavouables parmi lesquelles un relent de machisme n'est pas à exclure.

Il a eu beau se démener, il n'a pas réussi à émerger, le Doumé. Une sorte de boulet reste obstinément accroché à sa cheville, boulet médiatique avant tout, boulet injuste et insupportable, mais la plupart de vos concurrents au sein de la famille socialiste font mieux que lui. Je sais que les sondages ne sont que des sondages, et bien imprudent celui qui y croit, qui s'y croit, il n'empêche. Il est inaudible, sourd et muet, et si ses apparitions dans le journal, dans le poste ou dans les lucarnes me réjouissent, je vois bien qu'elles sont oubliées le lendemain même et que nul ne vient commenter dans le journal, dans le poste, dans les lucarnes. Comme s'il avait utilisé un violon à des fins non musicales. Je m'en désole, je m'en indigne, mais un soixante-millionième de la France jamais n'abolira le hasard.

Je voulais être franc. Je vous sais maintenant fâchée de m'avoir vu avec un nom concurrent. Avec un peu de chance, mon imêle déjà trop long aura été effacé par vos gardes du blogue. Mais je vous devais cette franchise pour continuer, je ne suis pas un politique je suis un citoyen.

Vous comprendrez ainsi pourquoi j'hésite encore. Je n'ai pas envie de vous soutenir pour la simple raison d'un soutien utile, parce que les sondages frénétiques vous font déjà présidente avant la peau de l'ours, ou pour le simple plaisir de voler au secours de la victoire. Celle-ci n'est jamais acquise, ni devant les militants (je ne suis pas un militant), ni devant les vrais ennemis. Et j'aimerai vous soutenir pour de solides raisons.

Le combat sera féroce et cruel. Victorieuse ou perdante, vous n'en sortirez pas indemne et votre entourage non plus, vous le savez mieux que moi. Je crains les débats en direct, je crains les coups fourrés, je crains la haine de la droite, qui ressemblera à celle qu'elle avait pour François Mitterrand, qui y ressemble déjà, la haine pour celle qui aurait dû être de ce camp-là, et qui a fait le pas de côté pour ne pas la suivre dans son bruit de bottes.

La droite n'a jamais haï Guy Mollet, Maurice Thorez ou Jean Jaurès, pour prendre des exemple anciens de tous bords, elle n'a jamais vraiment haï Lionel Jospin ni Michel Rocard pour lesquels j'ai la plus haute estime, mais je me trompe peut-être je ne suis pas historien, comme elle a haï Léon Blum, Pierre Mendès-France, ou François Mitterrand. Juifs pour certains, grands bourgeois pour d'autres, et parfois les deux, la droite pour ces personnages n'était plus que haine exacerbée, et j'ai peur que vous n'ouvriez une nouvelle catégorie en la matière, la catégorie femme aggravée de la catégorie fille de militaire. La droite a la haine sélective, elle vous a sélectionnée.

J'ai surtout peur que vous ne trébuchiez dans ce marécage là. Il vous appartiendra de dissiper cette peur, et vite, dès les premières escarmouches sérieuses, dès les premiers coups bas.

La formule n'est pas très heureuse, on ne trébuche pas dans un marécage, on s'y enlise, on s'y noie.

Voilà pourquoi je pense que les quelques mois qui viennent vont être difficiles, et pas seulement dans le combat politique, avec discours polémiques et échanges forcené d'arguments qui tuent qui font partie de la règle démocratique. Mais nous allons vite sortir du débat d'idées (à supposer d'ailleurs que nous y soyons entrés) et vous devrez vous confronter à des forces sournoises, à des sous-entendus détestables, et aux tentatives calomnieuses dont la droite est si friande, toutes choses qui avaient été épargnées par exemple à Monsieur Jospin du moins dans la limite des pratiques ordinaires.

Les bassesses machistes ont même commencées, mais ce sont certains de vos amis qui s'y brûlent pour l'instant. Vos amis? Pas les miens en tout cas.

Ma chère Madame Ségolène Royal, êtes-vous sûre de pouvoir affronter ces corbeaux là, qui volent bas sous l'orage?

Personnellement, je suis encore dans le doute, je vous l'ai dit. J'attendrai un peu que ma peur s'estompe. J'ai tant le désir de voir la gauche revenir, surtout avec ce qui nous attend sinon.

L'élection présidentielle, par nature, par essence, qu'on accepte ou non l'idée de ce type d'élection décidée depuis 1962, bien plus qu'un débat d'idées et de programmes, est un vote pour une personne, ou plutôt pour un personnage construit sur un long parcours passé et par un discours présent cohérent et lisible, lorsque du moins cette construction survit au déchaînement de la campagne, aux dernières semaines et avant, au premier tour, et avant encore au tour primaire. Les haillons qui restent après ces premiers combats révèlent la vraie nature de la combattante, bien plus que les beaux discours de la rentrée après les vacances.

Tiens. J'ai dit la combattante, j'ai oublié d'utiliser un neutre prudent.

Montrez-nous, à nous tous citoyens impatients, que vous êtes plus belle que l'image que vous avez su donner jusqu'aujourd'hui, beauté métaphorique, et plus forte, et plus rusée.

Non. Il ne faut pas montrer que vous êtes rusée. Ce serait montrer que vous ne l'êtes point.

Andrem.

vendredi 11 août 2006

Le destin de la calandre.‎


Je suis squatté par un moine de passage, qui s’est mis à causer dans le poste. Je ne sais pas comment il devrait écrire poste, c’est vous qui voyez. Mais comme il cause, je me tais.

1 –

« Je fais un aveu qui me coûte. Cherchant à la lettre Cé un mot dans un dictionnaire volé à mon cafetier d’en bas, dictionnaire tout éparpillé de reliure relâchée, l’envie soudain me prit d’aller jeter un œil sur le mot calandre. L’irruption dans des lieux où je ne l’imaginais pas irruptir m’avait étonné, réveillant le lointain souvenir d’anciens étonnements évanouis, lointain souvenir que quelque chose fut dont je ne me souviens pas. En un tournepage je résolus une vieille énigme, si ancienne que j’en avais oublié l’existence, l’énigme de la calandre ailée.

« Il s’agissait bien d’ailes, de miroirs, d’Europe du Sud et de rivages rocheux, un peu de chez moi en quelque sorte. Evidemment, j’en ai oublié le mot que je cherchais à Cé. Vous pensez bien que je ne vais pas m’en vanter dans mes discours officiels tenus d’un air martial sur un tabouret verglacé. Alors je squatte ici, incognito mais quand même un peu ».

2 –

« Je suis un père unique, comme on dit une fille unique. Personne ne peut m’appeler ainsi sauf elle, qui ne le fait pas. On ne doit pas me nommer père. La décision de me nommer n’appartient qu’à elle. Il faut m’appeler de mon nom. Un nom à touches noires et blanches, un nom à silences, un nom sphérique. C’est un ordre, et ceci est un conseil : on ne doit pas me faire confiance, il ne faut jamais faire confiance à personne et surtout pas à moi. Fallacieux, arbitraire, la mauvaise foi en totem et le calembour en bandouillère, j’exige je commande et je punis qui me trompe.

« Et même ceux qui ne me trompent pas pour faire bonne mesure. Celui qui aime ce que j’écris ne s’en prendra qu’à lui-même, mais malheur à ceux qui n’aiment pas ».

3 –

« La bonne conscience. Il faut écrire sur la bonne conscience. Il faudrait en dire tout le mal que j’en pense. Il faudrait répéter que ce n’est que fuite aveugle devant la vérité, paix mentale et mortelle, pente inexorable de la satisfaction momentanée au compromis inutile, à la renonciation à la vie. J’y cède aussi, à la bonne conscience, ne serait-ce qu’en en disant du mal loin de tout choix douloureux, et debout sur mon tabouret j’ai mauvaise conscience de me donner bonne conscience.

« Parfois, le tourbillon est trop fort pour pouvoir choisir d’y rester ou d’en sortir ; on y reste, piégé peut-être, mais le seul fait de vivre n’est-il pas en soi un piège, tourbillon ou calme plat ? »

4 –

« Séraphine a-t’elle choisi de naître à Carrefour-sur-Gambette ? Amusons-nous à calculer la probabilité qu’elle y naisse, justement, et que ce soit cette Séraphine là qui soit et pas une autre. La probabilité pour que ce soit ce spermatozoïde-ci, et pas celui juste à côté ni celui du lendemain, et que ce soit l’ovule de ce mois-ci et pas du mois d’avant, sans parler de la probabilité d’existence d’Augustin et de Bonemine les zeureux parents, sans parler de la probabilité qu’ils se soient rencontrés et aimés, et que ce jour là ils ont fait l’amour tout comme la veille et le lendemain et que seul ce jour là ce spermatozoïde ci a franchi la membrane de cet ovule-là, la probabilité de toutes ces survenance successives est si faible que j’aurais bien mis ma main à couper que Séraphine n’existera jamais.

« On devient manchot à écrire des phrases trop longues. Séraphine existe bel et bien, on m’a coupé la main. Vous aussi vous existez, moi aussi, malgré toutes les bonnes raisons qu’il y avait pour qu’on n’existât point. Nous existons donc, à parler, à écrire, à lire, à commenter, à aimer, à nous marier, et à ramer. Alors, quel est le piège, mon moine ? »

5 –

« On a longtemps ergoté sur le libre arbitre, sur la question du choix, depuis le choix impossible parce que prédéterminé, veux-tu être riche et bien portant ou pauvre et malade, jusqu’au choix impossible parce que indéterminé, tel l’âne qui meurt de faim devant deux chardons tellement identiques que rien ne permet de commencer par l’un plutôt que par l’autre.

On a si longtemps ergoté qu’on a oublié que la question du choix n’existe pas. Seule subsiste la question de la décision : décider que le tourbillon qui nous entraîne est à nous et qu’il faut s’y donner body and soul. A moins qu’on ne décide le contraire et qu’on lâche prise ; s’engloutir, silencieux, morne et passif. Dans les deux cas, on se noie ou on surnage, et bien malin qui saura le prédire. »

6 –

« Je ne sais pas s’il faut aimer ou non ses enfants, où est le devoir d’amour, peut-il seulement être un devoir sans devenir un oxymore, aimer ou non son mari, sa femme, ses parents ? Pourquoi pas la terre entière tant qu’on y est ? Il m’importe peu qu’on aime ou non. Il y a des pactes, dont certains sont absolus et d’autres révocables. On s’y tient, c’est déjà assez difficile ainsi. Et si un peu d’amour survient, le joli cadeau devra être soigneusement entretenu.

« Le pacte avec l’enfant est total, irrévocable, absolu. Tant pis si elle hait le père pour des raisons que nul ne sait pas même elle, tant pis si aucun spermatozoïde ne fut à l’origine de cette paternité là, tant pis si l’attente est lourde comme une cuirasse de plomb. La paternité se gagne à ce prix puisqu’il faut le payer, et l’enfant qui s’est ainsi construit en vit aujourd’hui ; ainsi s’allège un peu le poids ».

7 –

« Voilà. J’ai répandu mes métaphores, et en les répandant j’ai répondu. Il n’y a pardon qui tienne, jugement qui vaille, humeur qui brouillasse ; il y a vie qui va et calandre qui bat de l’aile. Le jour où la vie s’en va, la vie va ».

Appelez-le Moine. Il comprendra.


mercredi 19 juillet 2006

Le ponton aux sirènes.

Vous avez tous entendu parler des sirènes. Les filles de Terpsichore, certains diront Calliope, et d’Acheloos, les filles à la belle voix persuasives et veloutée. Seul Ulysse écouta leur chant mais il ne put se détacher du mât impassible. La plus connue est Parthénope la napolitaine ; il en est d’autres moins célèbres, sans nom mais à l’ombre attirante que l’on poursuivrait jusqu’à oublier d’être.


Ces ombres là, c’est Pénélope qui me les a racontées. Je ne vous présente pas Pénélope, vous la connaissez bien mieux que moi, je n’en sais que ce qu’elle a bien voulu révéler et inventer, et je m’en tiens aux inventions et aux révélations. Elle n’est pas de celles qui font tapisserie et qui se morfondent au milieu des vers d’Homère en attendant le navigateur. Elle est la Pénélope voyageuse qui enjambe les océans, et tandis qu’Ulysse boucle ses devoirs à la maison, elle explore les îles parfumées, les cascades joyeuses et les Abymes dédaléens.



Pénélope m’a raconté un jour son aventure avec la sirène sans nom. L’innommable sirène. On la savait évanescente, il fallait d’abord marcher jusqu’au bout du ponton. On a prétendu que c’était le plus long ponton de tous les pontons longs, mais non. Que c’était un ponton de papier là collé sur le mur. Qu’il s’allongeait au fur et à mesure jusqu’à nous mener derrière l’horizon des pontons, là où la terre s’arrête et où la chute devient silence faute de fond.


LA PHOTO DE JERÔME




Laissez prétendre. C’est un ponton comme vous et moi, planté sur les rochers noirs de la réserve, et il aurait montré sa banalité au grand jour si le miracle du grand angle ne l’avait transfiguré. Grandeur de l’œil du photographe qui voit ce que nul ne voit, et toujours quelques dixièmes de seconde plus tôt que tout le monde quand par hasard le monde voit.


Il faut marcher jusqu’au bout du ponton. Pénélope a marché jusqu’au bout du ponton avec ses filles. Elles voulaient aussi voir l’ombre de l’ombre de la sirène sans nom. Je ne vous présente pas les filles de Pénélope, vous les connaissez mieux que moi. Je vous l’ai dit, invention et révélation. La louve, fine et redoutable, l’œil acéré tombé dans la marmite photographique avant de savoir parler. La boule de feu, étoile du sud, d’où jaillissent émeraudes et rubis et l’auréole magique. Et, silencieuse sur ses petons coussinets, last but not least, la féline jamais en reste et parfois pelotonnée.


Au bout du bout, on se penche un peu et on la voit, on croit voir. Ombres rapides, furtives, un lièvre ne pourrait les suivre. Ce jour là, sœur Anne ne voit rien venir que l’eau qui clapotoie. Pénélope n’avait pas traversé les mamelles de Tirésias pour un tel lapin. Tout le monde à l’eau, Lagardère iratatoi. Quatre plongeons répondent aussitôt, ce n’est pas une sirène évanescente qui va se jouer de l’équipe, la mer est calme, l’eau fraîche, l’alizé soyeux.


Vous connaissez la suite, Pénélope vous l’a aussi raconté. Elles ont vu l’ombre de l’ombre, puis l’ombre, et enfin elles ont arraché la preuve, un peu floue la photo j’en conviens, mais on la reconnaît dans son halo, l’innommable. Dans le petit monde des sirènes, on ne comprend toujours pas. La procédure s’était pourtant bien déroulée comme prévu et comme elle se déroule toujours, une fois par an en moyenne, la brève apparition au début, les manœuvres d’éloignement, le cousin Poséidon qui monte les vagues et met le courant, et Alizé qui gonfle les joues. Pourquoi ce ratage?


Pénélope le sait, ce qu’il advint. Il fallut soudain transformer en jeu et en concours ce qui devenait une boule là au creux surtout ne pas qu’elle gonfle, allez on joue, le gagnant aura la glace la plus grosse là bas le monsieur il attend. Il fallut rire contre vent et courant, rester derrière en menaçant de doubler sans pour autant s’essouffler, et si la fatigue gagne que personne ne voit la fatigue dans les yeux de Pénélope mais seulement le jeu, la glace, le monsieur là bas. L’œil acéré avait un drôle de regard, et la boule de feu un air mouillé, et la féline lorgnait le dos de maman, quand enfin le sable noir prit pied sous leurs pas.


Je me souviens ainsi d’une voie ferrée traversée où le train en cachait un autre et d’où je fus tiré sur le quai par une main maternelle vigoureuse et je pèse mes mots ; je me souviens du bout de papier que je gardais précieusement au creux de la paume et qui alors m’échappa. J’en demeurai inconsolable. Ce n’est pas exactement du bout de papier dont ma mère a dû se souvenir le restant de ses jours. J’avais cinq ans, et moi, c’est le bout de papier qui me manque encore.


Je ne sais pas ce dont se souviendront les trois magiciennes, de ce jeu de l’ombre, du ponton et de la glace. Je suis sûr que Pénélope, elle, ne l’oubliera jamais. Comme un palpitement secret et doux, où la vie un instant prend toute la place, juste la vie, là, hic, nunc. Et l’amour des siens.


Elles ont retrouvé Ulysse qui, tout étonné, s’est demandé pourquoi ces quatre là autour de lui soudain lui semblaient à ce point indestructibles.

samedi 24 juin 2006

Les nouvelles du front.


Tout va bien. Le camp est beaucoup plus vaste que je l’imaginais. On n’èst pas entassé, et chacun vaque sans déranger. L’esplanade est entourée de bâtiments joliments construits, ocres et arrondis, beau comme là-bas dis, ainsi on ne voit pas la clôture.
Tout va bien. À mon arrivée, ils m’ont dit que je pouvais y faire ce que je voulais, alors je fais ce que je veux. Je me lève tôt ou tard, j’erre, je tourne autour du grand bassin carrelé où cuisent les naïades, mais je n’aime pas me mouiller. On me le dit souvent, tu n’aimes pas te mouiller ; c’est pourquoi peut-être ils m’ont mis ici.
Tout va bien. Je n’en demandais pas tant. Mais ils sont tous gentils avec moi, les gens habillés de blanc. Tant que je prends les gélules colorées qu’ils veulent, ils sont gentils. Je respecte la règle du jeu et ils me laissent tranquille.
Tout va bien. Je vais où je veux ; si je ne m’approche pas de la ligne verte, il ne se passe rien. Parfois un petit malin la passe, ô le gros nul, comme s’il ne savait pas que son bracelet allait sonner ! Le bracelet a sonné, je n’ai pas eu besoin de cafter, les hommes tachetés l’ont aussitôt emmené dans la petite chambre. Moi je suis rusé, je reste loin, mon bracelet reste coi, ils en sont pour leurs frais et ne savent jamais où je suis.
Tout va bien. Je sais comment leur échapper. Ils ne connaisent que mon pseudo de la vraie vie, alors dès que je reprendrai mon nom d’ici, hop je me tire par les fils de cuivre et les fibres optiques, ni vu ni connu.
Tout va bien. Les hommes tachetés ne nous parlent jamais. Ils tournent, en petits groupes de trois, je me demande comment ils supportent leur lourd costume à grosses chaussures par ce temps imbécile où jamais il ne pleut. Ne fois j’ai posé la question : kamoufflache, m’a-t’il aboyé. Les deux autres m’ont chassé, et j’ai vu en m’éloignant qu’ils étaient en colère contre l’aboyeur.
Tout va bien. D’habitude, ils me laissent en paix. Leurs petits groupes semblent plus nombreux dans les parages depuis que j’écris. Je ne vois plus de blouses blanches. On ne peut plus parler de petits groupes, ils sont tous réunis en cercle, et moi au centre. On dirait bien que le cercle rétrécit. Je vais bientôt comprendre : en voici un qui s’avance, je ne peux me lever pour saluer, des anneaux me tiennent les bras. Il a une grande seringue à la main.
Tout va bien mais j’ai peur, vas savoir pourquoi. Je veux appeler les blouses, les chanter même, chanter les blouses, rien ne sort. Allez, un effort, crie, vas-y crie, il est tout près maintenant, tout prêt. Voilà je crie.
Au secours.
Tout va bien.

vendredi 2 juin 2006

Les deux réponses.

1. La première réponse : à Karine F.

Alors d'abord Karine. Règle d’or : Faire toujours le plus facile en premier, ce qui me permets de détourner l'attention et de ne pas répondre au second. Plume salée pour commencer.

Le nom de celui qui poste est inscrit au dessous du commentaire. C’est bien Clopine qui vous a interpellée et non moi, quoique je l'eusses fait chez vous si Clopine ne l'avait fait chez elle.

Et même que j'ai déjà lu le billet posté, dont auquel il est d'étonnantes voyageuses.

Voilà, c'était le plus facile, à très bientôt Karine chez vous, mais je n'irai pas à Saint-Malo, j'ai un billet d'essscuzes. Ah non ! J’ai autre chose à vous dire. En lisant votre liste des peuplades de votre monde, je n'ai vu ni frangins ni copains. Où sont-ils passés ?

2. La seconde réponse : à Marie de B.

Ma chère Clopine, j'espérais que vous soyûtes partite, pour ne pas répondre. Mais vous attendez, appuyée sur votre fourche menaçante. Les déchets, justement. Je vois bien le piège que vous me tendez. Ah ! Ah ! Ah ! Je vais me précipiter à vous faire une démonstration savante pour vous expliquer avec mon arrogance habituelle que :

a) les déchets quels déchets ?

b) mais voyons c'est pas dangereux !

c) vous inquiétez pas on maîtrise.

Au choix, n'importe laquelle des réponses convient pour que le piège se referme, dans lequel tous les arrogants qui nous gouvernent tombent chaque fois.

Derrière ce qui vous apparaît comme une esquive, vous le pensez si fort que je l'entends alors que vous ne me lisez même pas encore, les amateurs de corrida ont pour cela un mot technique que je ne connais pas, il y a tout le débat préliminaire dont j'ai tenté de donner les termes dans mon blogue. Certes en suggérant une morale simpliste histoire de provoquer des réactions qui ne sont jamais venues, mais surtout en tentant de poser les termes permettant d'alimenter la réflexion, je préfère ce mot à celui de débat, l’important est de réfléchir sur les mêmes miroirs, quel que soit le côté qu’on utilise.

J'ai bien noté que les écolos vous laissaient parfois un peu réticente malgré vos sympathies, et nous nous ressemblons en cela que les technocrates me laissent particulièrement énervés, quand bien même je ne serais pas un ennemi du nucléaire.

Vous notez les doubles négations. En réalité, je ne réponds pas vraiment à votre amorce. Je le sais farpaitement (c'est le rhum d'Yvonne qui commence à agir). Mais on ne condamne pas le nucléaire au seul motif de l'inconnu des déchets. On travaille à comprendre le moins mal possible, on ne jure pas que tout va bien, on ne lance pas des programmes pharaoniques de but en blanc, mais on apprivoise doucement la bête en commençant petit et en grandissant doucement.

Ceux qui se demandent d’où sort cette Yvonne ont raison de se le demander, je ne la connais pas. Sachez seulement que ceux qui la connaissent s’en réjouissent et me l’ont fait savoir, alors je leur réponds ainsi, en secret.

Les recherches menées, sous le contrôle (plus ou moins) attentif du parlement, afin de trouver différentes solutions de neutralisation des déchets et de leur stockage, sont loin d'être abouties ; elles me semblent pourtant l’exemple d’une démarche convenable, tant technique que politique, et elle propose déjà des pistes intéressantes. Aucune d'entre elle ne donnera de bons résultats à elle seule et toutes comporteront leur part de risque, y compris des risques non descriptibles aujourd'hui.

Ce n'est pas une raison pour renoncer, mais c'est encore moins une raison pour tenter de cacher la vérité aux citoyens. Bien au contraire. Les secrets d'état d'un côté et les anathèmes de l'autre n'apporteront jamais la moindre chance d'amélioration à nos vies.

Je ne tiens pas ici des propos évanescents et consensuels pour plaire à tous. Je me compromets aussi: je considère en effet que nous ne pouvons nous priver d'une énergie abondante et durable, qu'il faut progresser dans la connaissance de ce monde mystérieux et dangereux, et qu'il faut savoir que cette énergie coûte beaucoup plus cher que ce qu'on prétend nous faire croire aujourd'hui, une fois alignés les vrais coûts de neutralisation à très long terme des déchets, les vrais coûts de démantèlement des centrales vieilles, les vrais coûts de recherche fondamentale et de recherche industrielle. Puis il faut y aller, en regardant devant soi.

Je n'ai jamais été partisan de l'énergie à bon marché, qui n'est qu'un miroir aux alouettes qui nous a permis de vivre à crédit sur le dos de nos enfants.

Sachons accepter ce qui est difficile mais nécessaire (voilà aussi un pavé que j'assume), et connaissons en le coût. Qu'on ne me parle plus de Tchernobyl ni d'Hiroshima, ce n'est pas la faute de l'atome si c’est arrivé. L’homme est ce qu’il est, seules la conscience démocratique et la connaissance technique viendront à bout des obstacles et limiteront les dommages : car sûr et certain, il y aura des dommages, ne comptez pas sur moi pour dorer la pilule histoire d'obtenir lâchement un consentement paresseux.

Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, raison de plus pour ne pas attendre.

Voilà. C'est juste un début, et je sais ce qui m’attend. Allez voir mon blogue, euh vous y êtes déjà d’ailleurs, pour d'autres éléments à mettre sur la table en vue de notre prochain festin de guerre.

Je l'ai dit, je suis plutôt en panne ces jours-ci, et pour quelques temps, ce serait trop long à expliquer, le silence est parfois d'or à qui dort.

Ce n'est pas d'arrêter d'écrire que je vous soupçonne, je me suis mal exprimé, c'est bien d'arrêter votre blogue. Comment vais-je venir chez vous si vous fermez la porte ? Si je sors de ma torpeur, et que mes liens vers vous se découvrent rompus, il ne me restera que de m'enfouir avec mes déchets préférés. Un bref instant, j'illuminerai le monde.

FIN.