dimanche 27 juin 2010

Pas de panique à France-Inter.

J’ai détourné le titre d’un billet d’Akynou sans vergogne, et je m’en vante. Il faut lire chez elle avant de lire ici.

L'évocation des vieux souvenirs ne me rajeunit pas ... Bien que Bernard Lenoir n'ait jamais réussi à me faire aimer le rock en général (même si j'en aime un peu en particulier), il annonçait à 21 heures le début d'une soirée d'écoute qui se terminait généralement vers 2 heures du matin, avec les suivants. Les réveils, mâtin, étaient difficiles. Je me souviens de l'oreille en coin et de la petite crécelle, de Julien Deli-Fiori, de Sim Copans (ouais, je suis assez vieux), d'André Francis, par exemple. Et j'ajoute José Arthur sans qui la vie m'aurait été bien dure s'il n'y avait eu le pop-club avec lui, yeah.

Des radios dites généralistes, je n'ai jamais su écouter autre chose qu'Inter, même lorsque quelque émission passait ailleurs très attirante mais coupée sans cesse. Je n'ai pas envie de renier ce passé là sous le prétexte de la vengeance du tueur même pas masqué.

Alors je vais faire une petite cure d'austérité (c'est à la mode par les temps qui courent), et j'attendrai la rentrée pour voir.

Je me souviens aussi de Philippe Val. Il fut un de ces trublions dérangeants comme ceux qu'aujourd'hui il laisse choir, probablement beaucoup plus cinglant, injuste (parfois) et insultant (souvent) que ne le sont Stéphane Guillon et Didier Porte.

Il s'est fait depuis une spécialité du silence piteux.

Son complice de la grande époque se nommait Patrick Font. Comme larrons en foire, ils étaient. Le truculent et le romantique, l'agressif et le révolté. Chacun son rôle, le duo était parfait. Puis Patrick Font a eu des ennuis avec la justice pour des raisons justifiées
qui me révulsent autant que vous mais qui n'avaient rien à voir avec ses textes.

La bien-pensance tenait l'occasion rêvée de le détruire, ce qu'elle fit, et si je n'accorde à Font aucune circonstance atténuante, je remarque que nombreux sont ceux qui dorment tranquilles malgré des comportements similaires sinon pires. Bien entendu, personne n'a manifesté son soutien à Font, et surtout pas Val, qui s'est terré, plus profil bas tu meurs, je dis bien bas.

La question n'est pas de défendre l'indéfendable, la question est de rappeler sans honte qu'on a été son ami et que cela ne s'oublie pas, même s'il mérite sa punition. Et pour preuve que c'est possible, quelqu'un l'a fait. J'ai dit que personne ne s'était ému de ce qui arrivait, j'ai tort, quelqu'un l'a fait qui n'est dans le collimateur de personne et qui continue sa carrière avec succès.

Quelqu'un a dit qu'il appréciait Font et ses textes, et que son amitié lui restait acquise malgré la gravité des faits. C'est ainsi, il restait son ami. Il a refusé de hurler avec les loups de la bien-pensance trop contente.

On peut penser qu'il a failli, cet ami qui s'est exprimé ainsi publiquement. On peut penser ce qu'on veut. Moi je pense qu'il a été d'un courage exemplaire.

Il ne se nomme pas Philippe Val, terré dans sa cachette. Il se nomme Laurent Ruquier.

mercredi 23 juin 2010

LE LANGAGE FACILE.

On croit toujours qu’il est facile d’écrire en français. Je me suis piqué de maîtriser cet exercice avec virtuosité, d’avoir du style comme on dit. Plus dure est la chute.

Tout le monde connaît dame Akynou et je ne vous la présente pas. Je vais régulièrement flâner dans ses racontars et souvent je m’y perds, j’explore, je voyage. J’y trouve des coups de cœur, des coups de gueule, des leçons de choses, des batailles rangées et des sommeils de chat. Parfois je laisse un commentaire en me donnant l’impression d’être celui qui entre dans un salon avec des bottes de chantier.

Dans un billet récent, le dernier en date, elle a expliqué ce que devaient être les qualités de l’écriture du journaliste. Entre nous, je vous avoue qu’il s’agissait de l’écriture de tout le monde, car les règles énoncées ne concernent pas que les journalistes, et les manies et facilités de nos lieux communs qu’elle dénonce sont à pourchasser partout, jusque dans les derniers recoins du langage parlé.

Pour nous illustrer ses propos, elle a annoncé qu’elle nous soumettrait un texte bourré de ces fautes d’usage, de pratique, d’orthographe et de rédaction qui émaillent ce que nous prenons pour notre francophonie cacophonique. J’ai donc lu le billet jusqu’à la fin en attendant de voir arriver l’exercice que je me réjouissais d’avance d’affronter. Trop facile et même pas peur.

Las. En arrivant à la fin du billet je me suis aperçu que j’avais lu l’exercice sans avoir vu que c’était lui. Heureusement que j’étais au fond de ma cave et que personne n’a vu ma tête, ni moi non plus d’ailleurs il n’y a pas de miroir. Quinze fautes au moins, et peut-être dix-sept ou dix-huit m’étaient passées sous le nez sans coup férir, sans le moindre hoquet, sans le plus petit ricanement, genre cécellekidikihé. J’ai bien entendu repris mon bâton de pèlerin, remonté en haut de l’écran, et repris la lecture de la partie encadrée dont à laquelle j’aurais dû me méfier même si cette façon d’écrire ne me semble pas tout à fait convenable.

Et victoire, j’ai trouvé vingt-et-une fautes !

Conclusion : j’écris si mal que je ne vois pas les fautes où elles sont, et que je les vois où elles ne sont pas. Comment voulez-vous qu’ensuite je vous écrive ?

Plongé à ce point dans le ridicule, je vais faire diversion et vous donner, à mon tour, quelques leçons de langage. Après tout, notre monde où nous vivons est le monde de ceux qui donnent des leçons en ne se les appliquant pas, qui exigent des autres ce qu’ils sont incapables de faire eux-mêmes, et qui se pavanent sur le haut du pavé sans le moindre commencement d’humilité. Alors je ne vais pas me priver.

Deux usages m’agacent particulièrement. Akynou, si tu me lis, n’oublie pas d’en parler à tes ouailles. L’usage du mot problème et l’usage du mot technologie.

Tout est problème. J’ai un problème, tu as un problème, la société a des problème, Eric Woerth a un problème, problème, problème, problème. A croire que les mots questions, difficultés, soucis, ennuis n’existent pas. A croire que tout ce qui nous perturbe relève uniquement d’un énoncé interrogatif disposant d’une solution connue, car c’est cela le problème et rien d’autre. Nous confondons allègrement avec le sens que donnent les anglais au mot « problem ». Il y a des problèmes de mathématique, de physique, de chimie, mais il n’y a pas de problème de société ni de philosophie, il n’y a pas de problème de couple ni de problème de santé. La notion de problème contient à la fois l’existence d’un énoncé interrogatif, et d’une réponse à cet énoncé. La réponse à l’énoncé s’appelle la solution. Sans solution, pas de problème. Un énoncé sans solution est une conjecture. Voilà le problème, pardon, ma réponse.

Technologie. Mon dieu le gros mot. On en a plein la bouche, et on le fait précéder de préférence par l’adjectif « nouvelle ». Nouvelle technologie. Je fais dans les nouvelles technologies, disait l’autre qui se pavanait ainsi en public. Plus le mot est long, plus il en impose et le journaliste machinal va l’utiliser à longueur d’article, le commercial de service à longueur de boniment, le politicien de sortie à longueur de discours, pour se faire croire à eux-mêmes qu’ils en connaissent un rayon.

Mais vous ne pourriez pas dire technique, bande de nazes ! Ce n’est pas parce qu’elle utilise des découvertes scientifiques récentes que la technique devient technologie, elle reste technique. L’ordinateur est un matériel très technique et n’est pas du tout technologique. Les cellules photovoltaïques non plus, ni les combinaisons de nageurs, ni l’organisation du fonctionnement d’une automobile, ni le four à micro-ondes ni le traitement anticancéreux de dernière génération. Tout cela est technique, rien de cela n’est technologique.

Ouais. Pourtant tout le monde le dit. Justement, c’est la raison pour laquelle je suis si agacé. Facilité langagière, et surtout, dans ce cas précis, tentation de fatuité. Le mot technologie existe bel et bien, et comme son étymologie l’indique, il s’agit de l’étude des techniques, du discours sur les techniques, non point des techniques elles-mêmes, qu’elles soient nouvelles ou archaïques.

Voilà. Je vous ai fait la leçon et je retourne à mes avatars.

Akynou, avec toute mon amitié. Andrem.