vendredi 28 décembre 2007

Des cultures mélangées #5.


5. Le désert et le tissu.



Tu vois, je n’ai pas oublié. Les quatre épisodes ont fait un petit cinquième. Je ne me referai jamais. Habiba n’a pas terminé son histoire et nous en saurons un peu plus bientôt. Mais ce qui est écrit est écrit, et ce qui lui arrivera ne change rien à ce que j’ai dit.

Je connais une Habiba voisine. Je la vois, doucement, à son rythme, presque à son insu, ne serait-ce qu’en remarquant chaque jour son voile un peu plus accroché autour d’elle, de plus en plus serré jusqu’à se plaquer à la forme du crâne à en écraser les cheveux, comme une dernière racine à laquelle s’agrippe celui qui va tomber dans la cataracte. Inévitablement, il lui échappe, son voile, il s’envole et ses cheveux trouvent le chemin de la lumière. Elle sait qu’ils dépassent et n’en resserre que plus fort le nœud ; son mari aurait pu se nommer Aziz, mari normal et c’est là le plus terrifiant, normal, ni bourreau ni fanatique, normal. Ainsi je devine qu’elle s’interroge.

Elle ne me dit rien, pensez donc, je suis un extra-terrestre pour elle et je n’ai là aucune espèce d’importance. Elle seule face à elle importe, elle doit faire seule ce chemin, dans son corps et dans son âme, et ce chemin est douloureux. Je n’y peux rien, sans regarder je le vois, je la vois qui s’y engage, en avançant un pied puis l’autre, entre rempart et précipice.

Son voile, bout de tissu si peu anodin, n’est pas un accessoire vestimentaire secondaire, mais n’est pas non plus la cible honnie à viser et arracher, le seul sujet de nos conversations civilisées. C’est bien ainsi que nous sommes, n’est-ce pas, quand nous conversons de voile.

Au bout du compte, il ne cache rien, bien au contraire, il dévoile ce qui se passe.

Je suis sûr seulement d’une chose, dans l’histoire d’Habiba, avant d’en connaître la fin. Elle est entrée dans notre monde, Habiba, elle devenue partie de notre monde, elle l’a enrichi de sa présence et de sa vie, ni plus ni moins que moi, ni plus ni moins que toi. Elle a déjà fait une bonne part du chemin parcouru par sa fille qui la guide.

Elle n’est plus fille de douar.

FIN.

jeudi 27 décembre 2007

Des cultures mélangées #4.

4. L'histoire de Malika.

Malika est partie. Elle est partie pour construire un couple, ce n'est pas un hasard quand j'écrivais qu'un couple est une décision et je savais que nous y viendrions ; qui pourra nier qu’il y a eu décision de Malika, rien qu'à imaginer tous les liens qu’elle a dû détruire en elle et hors d'elle, pour partir construire sa vie. Malika est de ce monde-ci, nommons-le comme nous pouvons, notre monde, le nôtre, l’occident, donnons lui des airs plus libres, le monde de la république et de la citoyenneté, le monde où Dieu nous laisse en paix. Ce monde est nôtre. Il n’est pas supérieur au monde sarahoui, il n’est pas du même climat et c’est celui-ci où nous sommes. C’est celui-ci où a grandi Malika. Nous sommes ni meilleurs ni pire qu’elle, nous avons la même tête qu’elle, à l’intérieur. Notre sœur.

Que savons-nous du bonheur de Malika et de ses tristesses, du voile de poussière impalpable qui lentement recouvre un monde perdu, moins qu’on croit mais plus qu’il faut : le douar vit en elle, même si elle n’en est pas et n’en a jamais été, il l’aide face aux défis quotidiens comme la parole de mère le fait aussi, à elle comme à chacun. Le douar est la parole de sa mère. Malika contient en elle toutes les batailles, gardons ce mot de culturel bien qu'un peu trop simple, batailles culturelles qu’un couple doit livrer à deux, entre eux et face aux autres.

Au lieu de l’aider, son père l’a contrainte à choisir, comme si un tel choix était nécessaire à supposer qu’il soit possible, en lui interdisant le choix. Son père a plus sûrement détruit sa propre culture ainsi que par les ravages du feu et du sang.

Il y a toujours là-bas des oasis où la vie est précautionneuse. La culture y reste vivace et forte pour qui s’y attache et s’y tient. Et s’il faut penser à d’autres voies de la raison quand le ciel se couvre et que la nuit tombe sans même qu’on le remarque, elle ne disparaîtra pas dans le changement des formes et des habitudes. Elle se mettra en boule dans un recoin de l’âme, et le moment venu saura apporter à ceux qui l’auront protégée le réconfort à des fatigues qu’on ne peut encore prédire, et parfois la réponse à des défis qu’on ignore aujourd’hui.

Les traditions et la culture sont le fruit d’une société, elle-même le fruit d’un climat, soyons simplistes. Tu changes de société, tu changes de climat, et la tradition devient prison. Mais bon, je sais, ne me le dis pas je le sais, que je suis blanc, homme, chrétien de culture mais athée de décision, et vieux, trop vieux sans doute, et qu'il m’est facile de faire le malin.

Et pourtant nous aussi, nous aurions besoin de sarahoui. La ceinture d’Aziz et nos ceintures de chasteté resteront celles qui interdisent cet ensemencement.

#5 à suivre. Je ne tiens jamais mes promesses, il y aura un cinquième billet.

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mercredi 26 décembre 2007

Des cultures mélangées #3.

3. L'histoire d'Habiba.


C’est sur Habiba que je veux écrire, et à qui ce billet très incertain est dédié. L’histoire d’Habiba est chez Marie-Laure, et là je mets un lien hypertexte, sinon comment lire ce que j’écris si l’histoire est inconnue. Vingt-quatre billets à lire à ce jour, un de plus chaque matin, comme la décision du couple vous-vous souvenez ? L’histoire d’une fillette qui grandit et découvre le monde depuis son village aux portes du désert, loin des grandes villes et des agitations du monde, mais qui autant par curiosité que soumission va partir à la conquête d’autres pays et d’autres vies.

Comment savoir s’il s’agit de conquête, vraiment, malgré toute son intelligence et sa curiosité.

En tous cas, c’est bien une histoire de différence culturelle, de traditions, d’usages, de pratiques, et c’est pour elle que je me penche sur ce destin inachevé. Je pourrais l’intituler : comment les traditions qui permettent la vie dans un monde donné deviennent prison quand on change de monde.

Mais l’intitulé est déjà une réponse à la question que je me pose, et en cela il est malhonnête puisqu’il crée dans votre tête du cerceau disponible pour vous fourguer mes idées. Allez donc faire connaissance avec Habiba Chez Trassagère. Histoire d’Habiba, décembre 2007.

Quelque chose commence à m’embarrasser dans cette histoire. Le poids des traditions, le poids de la culture, et parfois la nécessité de ces traditions et de cette culture pour vivre dans un monde donné, par exemple la limite du désert, cet espace qui me fascine tant mais impose sa loi. Mais une fois changé de monde, tout se détraque, comme le montre l’histoire, dont je suppose qu’elle n’est pas finie.

Habiba qui dispose de toutes les armes pour comprendre, n’entrevoit même pas que certaines chaînes n’ont plus lieu d’être. Mais je vais peut-être plus vite que la musique, et les filles à leur tour ont peut-être leur rôle à jouer. Au vingt-et-unième épisode de l’histoire, je ne savais pas que Malika allait entrer en scène, comme pour venir m’encourager dans mes fictions. Pour son pire, mais en sommes nous si sûrs ?

Habiba ne connaît pas ses petits enfants. Elle attend, boule de tristesse infinie et boule d’espoir infini. Elle comprend en son tréfonds que Malika ne l’a pas trahie, et que sa vie à elle, qui fut fille de douar, n’a pas été vécue en vain, et continue d’être nécessaire. Malgré sa fuite, ou grâce à elle vas savoir, le lien reste indéfectible, Malika sait et Habiba sait que de rester en attente l’une de l’autre vaincra un jour le poids de la tradition mortelle, le poids du mari qui lui, n’a pas compris, le mari Aziz, le cher Aziz puisque tel est le prénom qu’il porte, Aziz le fautif.

Il est toujours rassurant de se trouver un fautif idéal, alors je me rassure comme je peux. Pourtant je sais qu’il faudra se pencher sur lui aussi et sur sa difficulté d’être dans ce monde où il est venu, sa difficulté de savoir qui il est, sa peur de se perdre qu’il a cru conjurer à coups de ceinture sur sa fille, parce que le dragon est caché dans cette peur, celle de n’être plus, celle de se dissoudre dans le monde du climat pluvieux et noir. On ne peut pas prétendre que notre monde s’est décarcassé pour lui faire sa place.

à suivre.

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lundi 24 décembre 2007

Des cultures mélangées #2.

2. Un couple mixte.


Le blogue de toi. Tu avais abordé joliment la question de la différence culturelle par le truchement du couple. La différence culturelle vécue dans un couple. On dit parfois couple mixte. J’aime cette expression dont l’allure pléonastique dissimule une réalité compliquée ; on pourrait dire que tout couple même non mixte, est mixte, il a toujours des différences culturelles pour peu qu’on donne au mot culture un sens large. Mais sans aller chercher l’universel de principe, diluant de la pensée, je peux rester accroché à ces différences quotidiennes sources de différends, à cet exotisme de l’un pour l’autre qu’il faut savoir partager, comme on partage un paradoxe.


Ne fuyons pas ta vérité racontée, ton quotidien décrit sous couvert d’odeurs d’aliments, fruit inconnu et fromage du Nord. Bien au-delà de la différence qui attire, il est des unions de cultures fortes qui imposent une exploration quotidienne pour pouvoir durer. Durer dans le Durian.

Ouais.

Durer est une décision sans cesse renouvelée ; un couple est une décision, décision du matin et décision du soir, et même la nuit d’après si affinités. Un couple n’est pas le résultat d’une rencontre d’un soir et tout qui s’enchaîne de source, ce n’est que l’apparence du couple. Un couple est une décision, prise après réflexion ou sans, avec le temps ou dans le précipité, mais il n’y a pas de couple naturel, spontané, que seul l’amour avec un grand tas aurait construit de ses petites mains déjà encombrées de l’arc et des flèches.

De multiples fils se sont entremêlés pour amener la décision, des fils identifiés et d’autres plus mystérieux, remontant au-delà des utérus jusqu’à Mathusalem ; aucune décision en aucune matière quelle qu’elle soit n’est indemne de ces secrètes pulsions. La décision n’en est pas moins fondatrice, et personne n’aurait pu interdire de la prendre ou de ne pas la prendre, ou obliger.

Blogue de toi, tu as écrit bien mieux que moi là-dessus. Je n’ajouterai rien à tes mots jolis, et au combat féroce du Durian et du Maroilles, la terre entière retient son souffle et je compte bien qu’il n’y ait ni vainqueur ni vaincu. Je ne suis pas venu pour écrire sur un couple, sur le couple, sur le général et le particulier, même si tu le crois en me lisant. Je suis venu pour écrire autre chose et mon clavier m’entraîne loin du but. Il croît m’entraîner, il se trompe, je sais très bien ce que je fais, mes sinusoïdes balayent le territoire que j’explore.

Le moment est venu d’aller dans ce lieu du bout de ma route, ce lieu pluvieux de pluie noire et glacée, un petit pavillon de banlieue et d’exil, mais est-ce bien l’exil, le pavillon d’Habiba.

#3 à suivre.

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vendredi 21 décembre 2007

Des cultures mélangées.

1. Mes promenades à moi.


Je me promène chaque jour, trop souvent peut-être, dans les territoires peuplés des blogues. J’ai mes allées préférées, mes bancs favoris, mes points d’eau assurés. Je me désaltère au son des idées nouvelles, et des sujets imprévus. Parfois se sont des sujets rebattus qui prennent un tour nouveau, et des idées anciennes qui se colorent en nouveau siècle. Ici et là une porte est ouverte, j’entre, et je passe entre les sièges et la cheminée, personne ne me voit, j’entends de l’inouï, et des odeurs m’assaillent, un lait d’ânesse, un maroilles, que sais-je encore. Des odeurs fortes venues de loin, qui froncent et qui demeurent, longtemps après que les pouêts ont disparu. Pardon, je ne pouvais y résister.

Je ne ferai pas de lien avec ces amis blogues. Vous en êtes puisque vous êtes ici. Chacun saura ou ne saura pas, chacun cherchera s’il veut et s’il ne sait pas. Je suis le premier à me réjouir des liens qui me permettent de sauter d’allée en allée, de banc en banc, dans mes promenades, mais aussi parfois le prémâché m’ennuie, et le point d’eau n’a de sens que si l’on a soif. Un lien est une sorte d’impératif et je n’aime pas l’impératif, si commode soit-il.

Et si j’énumère, qui vais-je oublier qui va m’arracher les yeux ? C’est juste une idée à moi, je me fais les silhouettes que je veux sur les pixels qui me regardent. Un nom en passant pourtant. Je m’inquiète de la disparition du blogue de Folie et ses vents rugissants d’Antarctique. Si encore elle donnait de ses nouvelles, juste un soupir de début d’imêle, juste un œil, juste un clin. Si tu me lis, Folie soit raison une fois.

Des chemins de traverse parfois viennent changer mes habitudes, un lieu favori disparaît, un nouveau s’installe. Quelques uns sont là depuis longtemps, et si je passe peu j’en reviens content chaque fois que je fais le détour. Les fantômes bougent encore.

Pourquoi donc suis-je ici à convoquer tout ce monde, sans parler des oubliés qui me haïssent désormais ? Quelle mouche me pique ? Moi qui voulais seulement disserter sur les différences culturelles poussé par le vent d’un blogue de par chez vous, le blogue de toi, je parle de tout le monde et j’oublie mon sujet.

Monsieur le censeur, sachez que je n’oublie pas mon sujet. J’y suis, en plein dedans, dans le mille, dans la marmite même, dans le bouillonnement des différences, différence d’âge, de genre, de lieu, de couleur, de langues nous écrivons tous le français mais est-ce la même langue, il y a ceux qui sont nés à Bordeaux et ceux qui sont nés à Floirac, ceux de Boulogne et ceux de Billancourt, ceux d’Issy et ceux des Moulineaux, la plaine et la colline, le marais et la terrasse alluviale, la rue des francs-bourgeois et la rue de Turenne, le Vietnam et le Maroilles, l’Amérique de l’Est et de l’Ouest, du Nord et du Sud, Canada et Chili, et la bonne Habiba face à la France.

Voilà pourquoi j’écris sur vous. Ma besace chaque jour se remplit de ce que j’ignore, ou de ce que je crois savoir et qui soudain me semble étrange, secrets de femmes, regards d’autistes, parfum d’orient, voile virtuel parfois pire que le réel, voile mental, neige de Montréal et fleuve d’Amazonie, retour au pays et angoisse de Noël. Il me faudrait disserter savamment avec mes airs péripathétiques, mais pour être pédant il me faudrait beaucoup de temps et vos pieds légers me dépassent, ma besace déborde et les idées s’enfuient dans le caniveau.

#2 à suivre.

jeudi 13 décembre 2007

Billie, Cathie, Edie (2).


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Les terriennes ne permettent pas que l'on se taise. Mes chanteuses sont des terriennes.

Les chanteuses. Toutes les chanteuses. De Suzy Delair à Elizabeth Kontomanou. De Bessie Smith à Axelle Red. De Cora Vauquaire à Céline Dion.

Non. Pas Céline Dion.

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Pouf pouf. Je recommence.

De Cora Vauquaire à Émilie Loizeau. Toutes les chanteuses ou presque. La dernière en date qui est tombée dans mon escarcelle est Stacey Kent.

Deux mots nécessaires qui chaque fois me mettent au pied du mur, lorsqu’elles me chantent à l’oreille : sensualité et précision. De Rose Murphy à Marilyn, en passant par la Lorraine (Patricia Kaas) et par l'Égypte (Natacha Atlas). Par l'Azerbaïdjan (Aziza Mustapha Zadeh). En veux-tu en voilà, des noms des noms des noms.


♥♥♥♥

Une marée de chanteuses sensuelles et précises, autour de moi, qui me soulèvent et m'emportent, dans tous mes états. Lesquelles pourrais-je sans honte oublier de citer, lesquelles ne pas choisir. Juliette la Greco, Juliette tout court, Marianne James, Aretha, Callas, Berganza, il ne faut pas les oublier les grandes voix de l'Opéra, non, pas Stich-Randall ni la Tête Noire, il faut bien en écarter quelques unes au risque de défriser Kozlika, mais je garde Reri Grist et Crespin, bien au chaud contre moi, je garde Barbara et la Thebaldi, Ella Fitzgerald dois-je même le dire, la Vaughan, Vaune pour qui l'aime, bon j'arrête.

♥♥♥♥

Autant dire de qui je ne veux pas. Piaf par exemple. Ce n'est pas la même galère, mais rien n'y fait, rien de rien non je ne regrette rien. Sylvie Vartan. La poupée de cire. La plupart des poupées de cire qui passent et partent, et les gonflettes du jour, ou de la veille. Gros seins et voix d'anorexique, ou voix tonitruante de pacotille. Pas de précision et pas de sensualité. De la pornographie musicale. Je ne nommerai pas davantage.


♥♥♥♥

Je ne les mets pas dans le même panier, celles qui ne me font rien. Mais elles ne me font rien, voilà tout. Et je garde toutes les autres, de Françoise Hardy à Victoria de Los Angeles.

Un jour, je vous parlerai des chanteurs. Aussi.

Posté en commentaire de Clopine le 11 décembre 2007 à 00:00

mercredi 12 décembre 2007

De l’amitié de Bouteflika et de la compromission avec Khadafi.


Sur son blogue, mon amie Oxygène la plus méditerranéenne des guyanaises a déploré, au sens fort du terme, les attentats d’Alger. Elle a notamment remarqué que nombre de victimes étaient des étudiants ce qui n’est pas dû à la fatalité du hasard aveugle.

Si tu veux lire Oxygène, tu vas voir ...là-bas... si j’y suis.

Leeloolene ajoute ce commentaire:
« Quelle tristesse que cet attentat... Quelle horreur surtout. Rien de tel pour déstabiliser un pays qui retrouvait peu à peu un peu de calme. Je viens de lire quelques articles dessus. Comme tu le dis, ils savent exactement qui cibler pour en plus du drame humain, détruire aussi une certaine élite comme une sorte de mise en garde. Atroce. Chez nous... heureusement ça ne se passe pas comme ça hein... on sort juste le tapis rouge à un ancien terroriste... à L'Élysée et tout et tout. Ah qu'il est beau ce monde ! »
Fin du commentaire.
Le commentaire me souffle ce billet qui apparaît aussi sur le blogue d’Oxygène

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L'Algérie ne retrouvait pas le calme. Elle n'a jamais "retrouvé peu à peu un peu de calme" ; tout au plus nous l'a-t'ont fait croire en encensant Monsieur Bouteflika. La vérité est qu'une chape de plomb a été posée pour faire croire que c'était en train de devenir calme, et qu'aucun journal d'ici ne s'est avisé de nous révéler la supercherie. l'Algérie n'a jamais été calme, et les violences qui y règnent ressortiront au grand jour, le soir d'un matin calme.

La vérité est que quelques investisseurs se sont précipités chez Monsieur Bouteflika pour faire de bonnes affaires, au risque de la vie des "volontaires" qui travaillent là-bas pour ces affaires. Pas la vie des investisseurs bien au chaud sur les Champs-Élysées, mais la vie des "volontaires", qui travaillent encerclés de barbelés et de milice armée jusqu'aux dents pour leur sécurité (encore heureux, mais bonjour l'ambiance).

On ne sait jamais qui est dans la milice.

Et les premiers visés, naturellement, sont ceux qui apprennent à penser, et qui pourraient bien se mettre à penser de travers, comme le remarque Oxygène, les étudiants algériens.

Bon. Ceci dit, ne mélangeons pas l'Algérie et la Lybie. Oublions un peu le vilain Monsieur Kadhafi. Il n'est pas productif de crier à la compromission, qui me semble en outre bien moins manifeste qu'avec Monsieur Bouteflika. Je n'aime pas du tout notre équipe aux manettes, ses spadassins, ses menteurs, ses sabreurs ; ce ne m'est pas une bonne raison pour hurler au loup à chaque poignée de main un peu suspecte. Et je garde ma liberté de rester silencieux devant la venue de Monsieur Kadhafi sans me donner une bonne conscience de facilité en me souvenant ostensiblement du passé récent.

J'évite la pose. Ce qui n'empêche pas chacun de devoir lui dire son fait et de le fuir ostensiblement à l'Assemblée. Une bonne leçon aurait été un hémicycle désert. Il ne faudrait pas, sous ce prétexte de la bonne conscience et de la posture de commandeur, tomber dans le piège où est tombée l'Amérique à vouloir faire la guerre à Saddam Hussein.

Seuls les peuples opprimés sont habilités à chasser leurs tyrans, et nos leçons de droits de l'homme leur font une belle jambe. Notre rôle, s'il existe, est au mieux de les aider dans leur combat s'ils nous le demandent et seulement dans ce cas, et s'ils sont assez organisés pour nous le demander et pour que l'aide soit vraiment utile; à défaut, jamais nous devons nous mêler de ce qu'ils font et peuvent faire.

Nous ne sommes pas les grands libérateurs extérieurs que notre arrogance s'imagine être, nous ne sommes pas Zorro, et chaque fois que nous l'avons cru nous avons laissé derrière nous plus de champs de ruines que de champs de blé. Les peuples opprimés n'ont jamais gagné à voir leurs dictateurs mis à l'index, bien au contraire. Il faut malgré tout, obstinément, y compris pendant les rencontres "amicales" avec ces dirigeants honnis, rester lucide sur ce qu'ils sont, et sur ce que peut-être ils peuvent devenir. Un des arts de la politique internationale est aussi de réussir à faire changer certains états, à travers ses représentants même les plus inquiétants.

Voyons Arafat en son temps.

L'Histoire et l'actualité en montre, de temps à autre, un exemple. Evitons simultanément de nous gargariser de leur amitié trop vite, et là je pense en effet à Monsieur Bouteflika, trop encensé par chez nous au point que l'on en arrive à croire qu'il a fait la paix en Algérie, ou à Monsieur Ben Ali, ou quelques autres dont la liste est malheureusement trop longue.


Rédigé le 12/12/2007

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mardi 4 décembre 2007

Billie, Cathie, Edie (1).

Commentaire chez Clopine (chanteuses)

Bonjour.

Ma Clopine a sévi. Tu la connais, ma Clopine, je n’ai pas besoin de te la présenter. Elle énerve, elle titille, elle agace, c’est pourquoi je fonds en la lisant. Je n’ai pas envie de la contredire même lorsque je ne suis pas sur son fil de rasoir, en sens inverse, il qu’il devient nécessaire de se croiser, de croiser le fer. Alors je ruse, je m’use, et j’accrobatise le croisement pour me retrouver de l’autre côté sans trop déranger la belle ordonnance de son discours, car il le vaut bien.

Elle a décidé de mettre dans son panier, en osier garanti pur bio entièrement fait à la main, trois chanteuses que je n’aurais jamais pensé regrouper. Pour me parler de Catherine Ringer qui a bien du mal à cacher son chagrin. Alors tu fais ce que tu veux, tu peux aller voir chez elle, et ne pas revenir chez moi, tu peux rester ici sans savoir ce qu’elle a raconté qui me fait raconter, tu peux te sauver à toutes jambes pour échapper aux fous que nous sommes.

Voilà, sauve-toi, Lola.


♥♥♥♥

Diantre. Vous mettez dans le même panier Catherine Ringer, Billie Holiday, Édith Piaf. Je n'aurais jamais osé ce truc. Avec vous je m'attends à tout et je ne suis jamais déçu, même si parfois je trépigne. Mais là, non. Tout va bien, et pour saugrenue qu'elle paraisse, elle est riche de possibilités. Vous en avez extrait tout un billet où je me reconnais bien.

Je vous dois quelques nuances cependant, et un préalable absolu indispensable pour me comprendre : je n'aime pas Édith Piaf, mais alors vraiment pas. Le surjoué que vous évoquez me vrille, le pathos dégoulinant m'englue, et je ne parviens pas à trouver le moindre commencement de second degré dans sa présence, il n'y a pas de second degré. Je n'aime pas la voix tonitruante, sans nuances, sans ces amortis et glissandos à glisser dans le dos, et je m'ennuie en l'écoutant, ce qui est encore pire que le reste. Le péché mortel est d’ennuyer, ce qui est ma spécialité, mais ne devrait pas être celle d’une chanteuse.

Certains airs sont pourtant beaux, et de les entendre chanter par d'autres me les fait enfin découvrir (exemple : la foule, par Édith Lefel). Encore Édith, mais Madame Lefel était une fervente de Piaf, et ignorait à quel point elle la surpasse.

Voilà pour l'une. Voici les deux autres.

♥♥♥♥

Je suis un amoureux de Billie Holiday depuis la première seconde où j'ai entendu sa voix. La première seconde, oui, j'avais fait très fort cette nuit là, j'avais posé le diamant sur la plage, en fermant un œil pour mieux viser, et la plage était "strange fruit", insu de moi mais fichu pour la vie. Clopine, tu reconnaîtras que les paroles de cette chanson vont au delà de la ritournelle.

J'aimais déjà le jazz à cette époque mais, très branché free jazz alors comme aujourd’hui, ce n'est pas le subtil balancement du middle qui m'a plu, mais vraiment et uniquement le timbre de ce son absolu, irremplaçable, inimitable, le placement de sa voix sur le (non) rythme, vous l’entendez Clopine cette erreur minuscule qui donne le frisson à chaque mesure dans le tréfond du tempo, et ses fins de phrases à déchirer la partition, comme Ella casse les verres.

Bien plus tard j'ai appris le jeu extraordinaire de ses complices, Lester en particulier, et l'amour a cru en force et en exclusivité.

Madame Catherine Ringer va avoir du mal à trouver sa place ici. L'atmosphère est plombée, et si j'ajoute que je n'aime pas les rythmes binaires, le "rock" et presque toute la bouillie qu'on empile sous ce nom, les guitares saturées et les mélodies limitées, la voilà mal partie pour passer l'arc de triomphe.

♥♥♥♥

Que nenni. Comme avec Billie, dès la prime écoute des Rita Mitsouko, j'ai aimé. Allez savoir le mystère, tout était réuni pour que non, eh bien oui. Les histoires d'amour finissent mal, qu'elle disait la dame qui chantait, et ce mélange d'affirmation péremptoire sur fond de moquerie a traversé les barrières mentales qui protègent mon cerveau de ce qu'entendent mes oreilles. Sur une musique pas si mécanique que d'habitude, ou plutôt tellement mécanique qu'elle en redevenait intéressante, une mécanique poussée à bout, et non une mécanique d'automatisme. Un V12 de formule 1 et non un V8 de voiture américaine.

Je l'ai guettée au virage suivant, le prochain morceau serait la soupe habituelle j’en étais sûr. Que nenni bis. Alors j’ai installé madame Ringer dans mes favorites. Et même si la compagnie choque ces messieurs sérieux de chez Assouline, vous avez le droit chère Clopine puisque je l'ai fait aussi, de l'asseoir à côte de Billie, d'Ella, de Madeleine, de Sarah et d'Abbey ? Ce sont mes grandes à moi, dans cette catégorie. J'en aime d'autres, mais ce sont les grandes, ici.

Je ne vous ai pas écrit sur Barbara ou Juliette G. ou Colette M. ou sur bien d'autres, qui ne sont pas de cette catégorie. Les chanteuses à texte, dirait-on avec un brin de négligence, et parmi lesquelles j'ai aussi mes grandes. Mais il ne faut pas tout mélanger, et nous sortirions des limites du comparable.

Bonne soirée, Clopine. Vous m'avez donné l'occasion d'un long commentaire, que je vais derechef mettre en billet chez moi.


- à suivre #2.

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lundi 3 décembre 2007

De l’espoir dans les cataclysmes.


Texte d’un commentaire posé chez Oxygène au sujet des orpailleurs de Guyane.

Le 3 décembre 2007.

Il y a parfois, dans la description d'un naufrage, des infimes détails auxquels un infime espoir peut s'accrocher.

Je l'avais vaguement ressenti lors de mon périple américain, dont la relation n'est pas encore finie paresseux que je suis. Un récent voyage au Mexique, en terre indienne, l'intérieur du Yucatan, hors des autoroutes à autocars, et les écrits canadiens qui vont et qui viennent au gré des saisons, ajoutent encore des indices à ces détails.

Marie-Guyane nous en remet encore un peu, dans sa dénonciation d’un Etat indifférent sinon complice, qui doit probablement avoir une tendresse pour les mafias orpailleuses, qui chacun le sait travaillent plus pour gagner plus ; objection, elles FONT travailler plus, mais c'est la traduction usuelle du slogan gagnant n'est-ce pas ?

Je m'égare. Revenons à l'infime espoir. En tous ces territoires confisqués par les zépopées séculaires des européens des grandes découvertes et de la conquête de l'Ouest, qu'il soit Canadien, Zétazunien, Mexicain, plop plop plop jusqu'à descendre au sud du Chili, les indiens ont été les grands perdants. Leurs civilisations englouties, leurs hommes massacrés, leurs femmes emportées, leurs enfants confisqués.

Il est déjà extraordinaire que certains de ces peuples survivent encore, certains d'entre eux au moins, quelques uns ont bel et bien disparus. Là survient l'infime espoir. Après avoir été victimes des rapts, des viols, des massacres, des conversions forcées, de l'enseignement dominicain ou franciscain bien-pensant, de la destruction des fétiches sacrés et quotidiens, les voici victimes de l'oubli. Et cet oubli, ils commencent, lentement, mais tous ces signes que j'ai vus ne trompent pas, du Pérou au Nunavut, et des Sioux aux Mayas, en passant donc par les Wayanas et les Quechuas et les Shoshones, et tu me permettras de ne pas allonger la liste pour ne pas ennuyer (prétexte) et parce que j'ai dit tout ce que je savais (la honte), sauf Algonkin mais c'était la bonne bouche, ils commencent tous à en faire leur salut, ou plutôt, n'allons pas trop vite en espoir, leur début de commencement de tentative de renaissance.

L'Etat français les néglige et va fricoter avec les mafias ? Ils vont installer un péage pour leur compte ; l’Etat mexicain ne passe plus voir les pauvres mayas perdus et se moque de leur éducation, de leur santé, de leur confort, ni route ni électricité ni école ni hôpital ? Une hiérarchie renaît qui organise le village, le groupe de village et les dépendances, avec écoles à même le sol, dispensaires de fortune, chemin cahoteux, et paraboles à satellites, holà oui aussi la parabole, métaphore et réalité ; et les indiens du fleuve abandonnés des gendarmes peu à peu apprendront à se défendre contre les mafieux lourdement armés, ils s'armeront à leur tour et la forêt est leur alliée. Voilà l'espoir que je retire de ce que tu me racontes derrière ta colère, Marie-Guyane ci-devant Oxygène.

J'ai le droit de te nommer comme je veux. Non ? Oui ? Attention, je sais me battre en duel. L'arme sera l'écriture.

Je reviens au vent nouveau et aux mayas, par exemple. Leurs villages perdus dans la forêt étrange du Yucatan revivent comme si la main d'aucun espagnol n'avait pis le pied dans le coin, et les liens détruits entre villages semblent, doucement, se réanimer dans l'indifférence coupable mais bienvenue des investisseurs touristiques de la riviera Maya de Cancun et ses parages ; mais ils n’ont pas oublié, eux, le passage du conquistador, ils en savent la nuisance, ils en ont découvert les secrets. Alors ils construisent bien à l’écart et sous la parabole. Si les roulements de mécaniques des indiens du Chiapas et son sous-commandant se voient à la télé, la vraie renaissance viendra du silence de la forêt aux jaguars.

J'ai senti ce vent nouveau dans les baraques installées de Navajos en Arizona, dans les ondulations des herbes de Wounded Knee d'où me regardaient une jeune femme et son enfant aux yeux noirs brillant, dans la première victoire internationale que représente la création du Nunavut, peu célébrée dans le monde et si essentielle pour son devenir, au monde, dans l'arrivée au pouvoir d'un Evo Moralès, peut-être un peu trop instrumentalisé, mais pourtant porteur symboliquement de ce renouveau, même s'il peut arriver qu'il finisse par sombrer dans les entortillements de la politique des états inventés.

Les conquérants ont détruit les peuples indiens à trop s'intéresser à eux et à leurs terres. Qu'ils commencent à les oublier, et l'espoir revient. Il est trop tôt pour prédire, mais il est temps de frémir.
à Oxygène et à Moukmouk. Cadeau.

mercredi 21 novembre 2007

Pépé le marocain #4.


Cinquante ans plus tard, on me disait encore qu’il aurait suffi que je me promène au Maroc, surtout derrière la montagne, en disant que j’étais le petit-fils de ce colonel, pour voir s’ouvrir toutes les portes des douars et des ksars. Je n’ai jamais vérifié, et qui connaît l’histoire là-bas maintenant ? Peu importe au fond, il me faut une conclusion, une morale. Je n’aime pas ce qu’il a fait, le Colonel, et à la différence de la chanson, s’il est content mon colonel moi non.
Il avait cinq enfants, l’Homme, de son indomptable épouse, la cinquième était venue après la grande boucherie ; ce n’est pas rien, une femme et cinq enfant à nourrir. L’institutrice, hussard noir, épouse indomptable, avait laissé derrière elle ses petit paysans patoisants du Poitou et du Lot-et-Garonne, pour le suivre dans la grande aventure. Il aurait bien pu y penser ne serait-ce qu’un instant, avant son coup d’éclat d’orgueil mal placé. Face à eux, qu’importe le général à bretelles ?
Verbehaud était la troisième de ses enfants, deux mâles et trois pisseuses. Elle ne s’est jamais vraiment remise de la mort de son père quand elle avait exactement vingt ans. Je l’ai deviné petite touche par petite touche, à travers ce qu’elle m’en disait et ce qu’elle ne m’en disait pas, et d’être Verbehaud était une façon en elle de le faire survivre à travers sa voix. J’ai deviné la souffrance qui éclata bien plus tard et la rendit presque folle, et dont je sais que des séquelles restent en moi bien que guérie pour ma naissance.
Il faudra que je trouve le courage d’y aller, dans ce pays, sans passer par le circuit des villes impériales, ni la tournée des plages « all included », l’énergie de traverser les hauts cols et de redescendre dans ces vallées secrètes où la verdure trouve à temps juste assez d’eau pour nourrir quelques animaux et laisser construire quelques merveilles rouges. Ou bien faute d’os et de muscles, faute d’yeux et de cœur, il faudra que je trouve le courage de renoncer à ce pèlerinage, en laissant la légende me posséder pour toujours jusqu’à ce que la mort nous sépare.
Que me reste-t-il de tout cet héritage, entre ce qu’on m’en a dit, ce que j’en ai cru et ce qui coule à la place de mon sang dans mes veines ? Pas grand-chose à vrai dire, une seule peut-être, comme un boulet :
Elle se nomme l’orgueil.
FIN
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dimanche 18 novembre 2007

Pépé le Marocain #3.

3. Sa mort.

Puis un jour, la tête brûlée se réveilla. Son chef du moment, un diplômé débarqué à la légion pour des raisons mal élucidées mais pourtant général, lui ordonna quelque part là où le Sahara vient se cogner contre l’Anti-Atlas en multipliant les oasis secrètes, d’entreprendre une stupide manœuvre d’attaque d’un groupe Chleuh que sa science toute neuve et scolaire lui avait suggéré d’attaquer.

La réticence du Colonel lui déplut. « Vous avez peur », lui dit le Général. Le Colonel sortit sans rien dire et organisa la manœuvre comme il voulait, sans tenir compte des ordres. Si j’ai bien compris les stratèges en chambre qui se sont évertués à m’expliquer (c’est pourtant simple, qu’ils disaient), il fallait surtout éviter de descendre par la crête où attendait l’embuscade car la fausse sécurité que donnait l’élévation du terrain était utilisée comme appât, le Colonel savait depuis longtemps mais ce n’était pas dans les livres du Général, il fallait au contraire arriver par le bas en passant avant l’aube dans les deux thalweg de part et d’autre. Bon, si tu as compris, tu viendras me faire un dessin.

Mais le Colonel, bouillant de rage incontrôlée, voulait montrer au monsieur étoilé que lui, le Colonel, n’avait pas peur ; il ajouta un appât à l’appât. Son équipe, comment dire, un escadron, un bataillon, un régiment, une armée, bref, les hommes dont l’Homme avait charge d’âme, firent la manœuvre par le bas comme lui le voulait, et lui décida de descendre par la crête seul sur son cheval dont je ne connais pas la couleur personne ne me l’a dit, exactement comme le voulais le Général, on allait voir ce qu’on allait voir. Avec son képi blanc en guise de panache.

On vit, il en mourut. Une seule balle dans la gorge à l’endroit prévu de l’embuscade certaine, suivie d’une agonie de plusieurs heures parce que la balle n’avait touché ni les cervicales ni la trachée. Un petit trou dans la carotide en plein désert. La légende veut qu’une fois le blessé reconnu par les Chleuhs embusqués, car le connaissant ils le reconnurent, ils l’allongèrent doucement et tentèrent de le soigner, avec l’aide de la troupe sortie des thalwegs avec un drapeau blanc. Bon, c’est la légende, hein.

#4 à suivre

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vendredi 16 novembre 2007

Pépé le Marocain #2.

2. Sa vie.

Cette épopée fondatrice fut celle de la prise en protection par la France d’un pays de grande civilisation, le Maroc, entre 1900 et 1912, protection est le mot utilisé, protectorat. Les connaisseurs savent que ce ne fut pas de tout repos pour les acteurs de cette colonisation, car le vrai mot est bien celui-là ; mais les ennemis n’étaient pas toujours ceux qu’on croit. Ils étaient plutôt Espagnols et Anglais, et le plaisir de l’Homme était de s’asseoir sous la tente et boire le thé, avec un Cadi, avec un Sage, avec un berger. C’était parfois le même. Il s’emmêlait le palais avec les langages, entre arabe de l’Ouest, berbères des plaines et des montagnes, et ces langues du Sud venues d’Afrique. On m’a raconté cela.

En 1912, le tour était joué, les anglais sont partis en Égypte et les Espagnols sont rentrés à la maison, en gardant le Rif et Ifni. L’autorité déclara que l’Homme n’avait plus rien à faire et l’envoya à Poitiers. Pourquoi Poitiers, quel est le rapport avec le Maroc, boule de gomme de Charles Martel. Il n’empêche, mon destin apparut à ce moment précis du débarquement de ma Grand-mère, l’épouse indomptable, chez les Pictes du Nord, et ce serait trop long à raconter ici pourquoi.

Il ne rongea pas son frein longtemps et la grande boucherie commença. .Le voici reparti comme en 14, il fut gravement blessé dès les premiers combats rapidement vers Laon. Il mit 5 ans à se rétablir de la blessure, sous haute surveillance allemande en Suisse du même métal. Furieux comme toujours de ronger son frein à côté de sa tête brûlée, mais parmi ses trois enfants déjà nés et un quatrième bientôt venu.

Quelques années d’ennui à s’occuper de Mayence occupée, après le traité calamiteux de Versailles, l’ont poussé, devenu Colonel de la Légion, à repartir au Maroc pour pacifier le Rif et le grand Sud, en compagnie du plus civilisé des chefs, le ci-devant résident Lyautey, face au plus subtil des chefs, le malin Mohammed Cinq. Il retrouva ses Cadis, ses Sages, ses Bergers, et parfois c’étaient les mêmes, il s’assit sous leurs tentes et but le thé.

#3 à suivre
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jeudi 15 novembre 2007

Pépé le Marocain #1.


Il serait furieux d’apprendre que je le nomme ainsi, Pépé le marocain. Il n’est ni l’un ni l’autre, aucun petit fils n’existait quand il mourut, plutôt jeune, une petite cinquantaine en 1933. Et il n’est pas marocain, même si sa légende vient de là-bas. Cet homme intrigue et il est mon grand-père maternel. Le père de Verbehaud. Va donc voir dans les ricochets de madame Kozlika si j’y suis et tu sauras qui est Verbehaud. C’est par là-haut.

Ce n’est pas tant l’effet de quelques allusions obscures dans des commentaires ; il intrigue surtout ceux qui sont de sa lignée sans l’avoir connu autrement que par des mots glanés dans l’enfance, il intrigue ceux qui l’ont connu vivant dont peu sont vivants encore aujourd’hui. Ainsi a pu naître sa légende.

Intelligence subtile, rien ne lui échappait, ni les méandres tortueux des comploteurs emberlificotés, ni l’état d’âme de ses proches, ni les mystères des civilisations inconnues. Toujours prêt à découvrir et à embrasser l’autre, toujours à l’affût les yeux grands ouverts.

Tête brûlée, il fonçait dans le tas et réfléchissait après, il attendait le lendemain pour voir s’il chantait. Il ne connaissait jamais le présent et reliait directement le passé au futur. Il fugua sans autre raison que le désir de défendre Cuba contre les espagnols, à 16 ans, fais donc le calcul si tu veux vérifier en pensant à José Marti. Faut-il préciser que la seule île qu’il aperçut fut l’île de Ré et que les gendarmes le ramenèrent à son village du Périgord et plus vite que ça.

Energie inépuisable, il traversait les déserts en chameau et le chameau se fatiguait avant lui, et le chameau réclamait à boire avant qu’il ait ouvert son outre pour se désaltérer. Avait-il remarqué seulement qu’il avait soif ? Il était parfois distrait parmi les dunes et les rocailles. Et tu l’as sans doute deviné, dès qu’il put, après avoir franchi les obstacles des écoles militaires, il s’engagea dans la légion et partit au Maroc.

#2 à suivre

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jeudi 8 novembre 2007

Un scandale présidentiel #3/3.

suite (complétée le 15 novembre 2007)

3. Une piqûre de rappel :

Un texte pour comprendre à quoi pensait Môquet le jour où il a été fusillé. Un texte d’anciens résistants :

« Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l’héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle. Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et sœurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n’a pas totalement disparu et notre colère contre l’injustice est toujours intacte.

Nous appelons, en conscience, à célébrer l’actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succèderont d’accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s’éteigne jamais.(...).

Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection : Créer, c’est résister. Résister, c’est créer ».

Texte partisan, certes, mais Guy Môquet ne l’était-il pas, partisan ?

Et pour finir:

Poème de Guy Môquet (pas terrible, d’accord, mais ce n’est pas pour cette raison que Sarko n’a pas « pensé » à le faire lire obligatoirement).

« Ces agents du capitalisme nous les chasserons d’ici
Pour instaurer le socialisme
Main dans la main révolution
Pour que vainque le communisme ».

Guy Môquet a une excuse, il n’a que 17 ans et ne se nomme pas Rimbaud (poème de sa main récupéré le jour de son arrestation).

Notes complémentaires (édition du 15 novembre 2007).

Ainsi se précise l’enjeu du combat de Guy Môquet. Voilà ce qu’on tente de nous dissimuler. Est-ce clair ?

Les beaux esprits vont dire qu’il s’agit d’un tract militant, pire, qu'il provient de la CGT ; ils vont le dire en prenant un air entendu qui sous-entendra ce que tous entendront. Il n’empêche que c’est la vérité et qu’aucun mensonge ne sort de ce texte, sinon par omission.

Tout doit être dit : le militantisme communiste de Guy Môquet était d’autant plus méritant qu’à ce moment précis de l’histoire, les communistes n’étaient pas entrés en résistance, pacte Germano-Soviétique oblige…

Je continue en noir et blanc.

La récupération politicienne de Guy Môquet est une vieille tradition chez nous. Son assassinat (je préfère ce mot au mot de martyre) et quelques autres du même acabit ont été l’occasion rêvée pour le PC (ou plus exactement pour la direction du PC, Maurice en tête) de se refaire une virginité lorsque les circonstances lui ont permis « enfin » de se jeter dans la résistance. Je dis « enfin », parce que une bonne part des militants n’avaient pas attendu les consignes pour commencer le combat, ils avaient bien compris que, quoiqu’ils fassent, ils seraient cibles, alors autant devenir cible combattante. L’anticommuniste primaire peut donc ravaler sa salive, je ne retirerai pas mon estime aux communistes sous prétexte de pacte et d’attentisme, et je n’ai JAMAIS eu la moindre admiration pour Maurice Thorez.

Mais il fallait que ce soit dit aussi, cela. Comme quoi je maintient mes propos : laissons donc en paix Guy Môquet, ce sera la seule chance pour lui de ne pas être mort pour rien.


§ 59. FIN.

vendredi 26 octobre 2007

Un scandale présidentiel #2/3.


2. Données complémentaires : un texte de « Chez Fab »


J'ai trouvé
ici un texte qui donne quelques éclairages supplémentaires, histoire de poser des cailloux pour traverser le gué, histoire de jeter quelques pierres dans le jardin de tartempion, histoire d'entasser des enrochement pour que la tête laide ne réussisse plus à sortir de son marasme originel.



Nicolas Sarkozy, en tsar de l'histoire, demande à tous les professeurs de lire la lettre de Guy Môquet. C'est affligeant (le pouvoir n'étant pas dans son rôle, en réécrivant l'histoire) mais on peut aussi de poser quelques questions.

Rappel historique : Guy Môquet est né le 29 avril 1924 et est mort le 22 octobre 1941. Il est le plus jeune des fusillés du camp de Châteaubriant. Ils furent fusillés en représailles, après la mort de Karl Hotz (lieutenant-colonel des forces d'occupation).

Mais qui a désigné ce jeune militant syndicaliste et communiste aux forces d'occupation ?

Il s'agit de Pierre Pucheu et de ses sbires. Qui était Pierre Pucheu ?

Il était le ministre de l'intérieur du gouvernement de Pétain. Il était surtout le grand patron des forges françaises, le chef des Maîtres de Forges d’antan.

Rappelons au passage que dans les années 30, il finançait les ligues fascistes, les croix de feu et parfois aussi la cagoule. Et il s'écria en 1936, au moment de la signature des accords de Matignon :

"Si les salariés veulent gagner plus, ils n'ont qu'à travailler 50 heures par semaine."

Travailler plus pour gagner plus ?

C'est donc bien des français, qui dans un jeu subtil et cynique, on fait désigner des militants syndicaux et communistes pour s'en débarrasser sous les balles de l'occupant nazi. C'est bien une fange revancharde du patronat, qui ne supportait pas l'après 36, qui a fait tuer ces jeunes gens, ces travailleurs.

Mais au delà de l'histoire, sommes-nous dignes des mots et des combats de ces hommes ? Eux qui rêvaient d'un monde plus juste, moins inégalitaire, fraternel et sans frontières ? Les partisans.

Aujourd'hui nous avons toujours des gens qui meurent de faim, de plus en plus de pauvres, des frontières toujours plus dessinées[1], des combats xénophobes, de la haine... Non, nous ne sommes pas dignes du combat de ces martyres. Et nous les salissons une nouvelle fois en utilisant la lettre de Guy Môquet à des fins nationalistes, là ou l'homme n'avait qu'une vision humaniste et internationaliste des choses.

Souvenez vous d'eux non parce qu'ils sont "morts pour la France" mais parce qu'ils sont "morts pour leur idéaux".

Fin du texte emprunté chez Fab. J'y ai ajouté une petite amorce de polémique sans rapport, histoire de rire jaune. La petite note de bas de page qui casse l'ambiance.

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[1] Attention, toi la gauche de la gauche, réfléchis un peu à ce que tu dis ! Souviens toi de ce que tu as fait à l’Europe, avant de parler de frontières, souviens-toi !

#3/3 à suivre

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jeudi 25 octobre 2007

Un scandale présidentiel #1/3.

1. Un commentaire venu de chez Anne CHIBOUM, sur un billet d’aile.

Bon d’accord, j’ai un peu changé certaines articulations, et non des moindres. Mais c’est la rançon du différé sur le direct.

L'émotion, vous dis-je, comme en son temps était le poumon.

Je me demande si je n'ai pas un mauvais esprit anti français. Je me demande pourquoi le petit homme a choisi cette lettre laïque et obligatoire, à lire. La lettre de n'importe qui sur le point de mourir serait tout aussi bien trouvée, comme tu l'as exactement dit, Anne.

On aurait pu lire d'autres lettres écrites par ses petits camarades, si par hasard on les retrouvait. Oui mais elles sont un peu trop militantes, non ? Neutralité qu’ils disent, neutraliser qu’ils font.

On aurait pu lire d’autres lettres de Guy Môquet, il a bien dû en écrire pendant le court temps de son combat, ce que pudiquement notre petit ami haut perché oublie. Mais ce seraient des lettres militantes, sans doute, où ce jeune homme décrit ses véritables ennemis, le grand capital d'alors, la haute finance de toujours, leurs complicités avec les envahisseurs, les dégâts qu'ils provoquent et qu'il faut réparer ; il n'y oubliera pas les bons français du jour qui aimaient Hitler, il n'oublie pas les patrons des patrons, dont l'un d'eux, comme par hasard, fut celui qui mit son nom sur la liste des 27. Sarkozy connaît-il le nom de ce bon français de patron qui mit le nom de Guy Môquet sur la liste ? En a-t-il cure ?

Les lettres militantes sont bonnes au cabinet, dit le petit homme.

Il a oublié ces autres lettres de Guy Môquet, l'ami président. Jamais connues, peut-être. Elles comptent pour du beurre, ces lettres ? Ne seraient elles pas le seul et véritable testament à la nation, bien plus que le testament aux siens à qui il évite les discours de lutte pour s'en tenir à l'amour qu'il leur porte, juste un fils un frère un ami qui aime, émouvant mais je le dis, banal, heureusement banal, émouvant parce que banal, émouvant parce que chacun de nous peut s'y reconnaître dans cette banalité là, nous aurions écrit pareil sans aucune forfanterie. Tous les français auraient écrit pareil sans avoir de leçon à recevoir, pour peu qu'ils aient eu envie de combattre l'ignominie. Elle n'est jamais où l'on croit qu'elle est, et aujourd'hui elle est dans les sommets démocratiques. Nul besoin d'Hitler.

Je prie chacun de me pardonner, je ne trouve rien de patriote ni de national ni de républicain dans cette lettre à lire, et seules des motivations patriotes, nationales et républicaines pourraient justifier d'une lecture obligatoire et laïque.

Qu'elle contienne de belles paroles, des paroles aimantes, particulièrement matures pour un gamin de dix-sept ans, c'est évident et c'est bouleversant, mais ne le devient-on pas toujours, évident et bouleversant, dès lors que la mort s'approche et qu'on la regarde en face en écrivant ? Ce sont avant toute chose des paroles intimes, assez pour me mettre mal à l'aise dans ma position de voyeur.

Soixante millions de voyeurs par la volonté présidentielle. Ce n'est pas le moindre pilier du scandale.

Péroraison : cette lettre n'a rien à faire sous nos yeux. Il en est de plus éducatives et civiques, il en est de moins intimes et secrètes. L'exhibition des tripes et la dissimulation des vraies raisons du combat de Guy Môquet sont les seules mamelles de cette gesticulation médiatique honteuse.

#2/3 à suivre.

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mercredi 17 octobre 2007

L'Amérique est en panne

Ceci est une simple annonce de rien, destinée aux lecteurs qui s'intéressent au blogue America, et qui peut-être le trouvent bien inerte depuis un mois exactement.

Il me fallait écrire et relire, corriger et confirmer. Je l'ai fait. Cinq ou six billets bien propres sur eux, prêts à l'envoi, et sagement sauvegardés dans des clés et dans des boîtes.

Ainsi va la vie informatique que le dernier fichier enregistré s'est trouvé endommagé, ce qui ne l'a pas empêché d'écraser les sauvegardes précédentes. Mes tentatives pour le récupérer n'ont abouti qu'à écraser les sauvegardes antérieures lisibles avec des sauvegardes antérieures endommagées. Résultat: deux semaines d'écriture envolée. Et contrairement à ma prudence habituelle, je n'avais rien imprimé.

C'est donc ma mémoire qui va devoir se pencher sur la feuille blanche et tout recommencer à zéro car ce sait ce qu'elle vaut, ma mémoire. Pour une fois que j'avais été génial.

Ceux qui ont envie de se consoler pourront aller chez Théolone qui n'en a pas fini avec ses insanités hors de saison, quitter les grands espaces continentaux pour une île de discorde, les hangars géant pour des chapelles microscopiques.

Je suis découragé par l'hostilité du monde cruel et par cette vallée de larmes que personne ne m'aime, même pas mon ordinateur préféré ; cette dernière phrase est juste destinée à provoquer le seul commentaire que je suis en mesure d'accepter sans censure sauvage, je ne le fais pas dire:

Mais si, on t'aime.

Merci, je ne vous le fais pas dire. A bientôt.

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mercredi 10 octobre 2007

Lettre ouverte à l’Ours de Pohénégamouk.


L’Ours a publié chez lui un billet qui m’a plu. Comme la plupart me plaisent, je dirai qu’il plu plus. Il y évoquait la bulle de savon qui se gonfle sous le nom de biocarburants, entre autres évocations. J’en ai lâchement profité pour lui signifier mon approbation bruyante et ma surenchère opportuniste, dans un commentaire que je mets ici chez moi. Vous connaissez l’Ours, son billet se nomme « des signes d’espoir » et date du 3 octobre dernier. Le lien est ici :

http://pohenegamouk.free.fr/index.php?2007/10/03/456-des-signes-d-espoir

Moukmouk, bonjour.

Il est 11h GMT. C'est un peu tôt pour toi, tu dors encore je suppose, décalage horaire aidant, sans d'ailleurs décider qui de nous deux est décalé.

Tu dois être buvant ton café très matinalement en fait, en contemplant le lac tout lisse, enfin c'est l'image que je me suis fabriquée. Mais je ne suis pas venu pour ces sornettes de couleur locale.

Je me suis toujours heurté aux accusations soit d'incompétence absolue soit de complicité avec les pollueurs chaque fois que, depuis que l'on parle de carburants soi-disant alternatifs, j'affirmais l'absurdité d'une telle solution. Bien entendu, surtout il y a 15 ans quand le sujet commençait à apparaître en dehors de cercles fermés des imaginaires et des inventeurs, je ne disposais pas d'arguments quantifiables.

Dès le début, il me paraissait inévitable qu'une production massive rendue nécessaire pour se substituer au pétrole sans rien changer (c'était le rêve d'alors) allait avoir des très graves répercussions sur l'écologie, mais surtout qu'elle aurait un rendement en C02 pire que l'usage du pétrole et dans la meilleure hypothèse identique alors à quoi bon, et allait détruire tout le fragile tissu de productions vivrières tel qu'il existe encore dans le monde, qu'elles soient extensives ou intensives.

Incompétent qu'ils disaient. Nul à chier qu'ils disaient. Prêt à tous les mensonges pour faire un tapis rouge aux pétroliers, qu'ils disaient. Ce fut une des motivations de création de mes blogues, où je peux écrire sans être interrompu, au point que pas assez d'ailleurs...

Nous y sommes. Personne n'en parle. Les écolos purs et durs parce qu'il refusent de s'avouer qu'ils commencent à douter, les pétroliers parce qu'ils savent que ce débat stupide empêche de réfléchir à comment moins de pétrole, les grands cultivateurs parce que tout ce qui entraîne une production massive leur plaît, et le reste du monde parce qu'ils parlent de réchauffement et mélangent tout. C'est ce reste pourtant qui devrait parler haut, car nous y sommes.

Le prix des denrées fondamentales (blé, riz, lait, par exemple) subit depuis de nombreux mois une hausse vertigineuse qui ne va pas s'arrêter, les terres dédiées aux oléagineuses pétrolifères et aux sucreries alcoolisantes se multipliant rognent sur l'espace vital de l'alimentation ; la pollution au nitrate croît et embellit pour améliorer encore les rendements ; le bilan carbone, en imaginant qu'il soit très légèrement positif (ce qui est faux si on observe toute la chaîne), est sans commune mesure avec le négatif du bilan azoté, en tenant compte du fait qu’ils leur faut leur part massive d'engrais ; et du fait que les biocarburants produisent en brûlant plus d'oxydes d'azote que le bon vieux naphte. "Bon vieux" est une image sympathique qui ne doit pas faire masque : il importe au plus vite d'apprendre à s'en passer en inventant les moyens de ne pas détruire le confort quitte à le diminuer un peu. Nous parlerons un jour aussi de ce dilemme.

Ils sont drôlement sympathiques, les oxydes d’azote, ils sont plus réchauffeurs que tous les carbones du monde, et en plus ils sont toxiques. Nous gagnons sur tous les tableaux avec eux. L’imbécile de service m’a soufflé que l’azote était un gaz neutre, un jour j’en parlerai, de l’imbécile de service.

Biocarburant, qu'ils disent. Rien que le mot est une escroquerie.

Voilà pourquoi tu m'as mis du baume au coeur en évoquant le biocarburant au détour d'un écrit, et voilà pourquoi j'ai osé te réveiller. Vu le temps que j'ai mis pour écrire, tu es déjà parti dans la forêt et tu ne me verras qu'en rentrant.

Bonne chasse, l'Ours.

Petit complément : l’Ours me fait remarquer que l’augmentation des prix des aliments de base provient plus des « intrants », je suppose qu’il pense aux engrais et toutes ces additions, du gazole du tracteur aux nourritures des bêtes, que du prix de la terre. Je souscris à cette remarques, en pensant qu’elle s’ajoute à la question des surfaces cultivées, et que les moteurs du cycle infernal sont multiples qui ne font que commencer à vrombir.

Ils croient nous endormir en nous racontant que la source ne sera jamais tarie du pétrole à rouler, mais nous ne laisserons pas s’étendre la croyance à un monde inchangé. Même si nous ne le voulons pas, un jour nous serons contraints de moins rouler individuel, de perdre un peu de cette liberté si douce pourtant et dont j’ai tant usé, et de changer quelques habitudes. Contraints tardifs ou devanciers volontaires, tel est le choix, mais devancer ne changera pas l’échéance, elle changera notre cerveau et nous serons plus libres que les contraints.

Ce n’est pas de la sagesse politique, c’est de la philosophie. Ce n’est pas de la sauvegarde de planète, c’est de la sauvegarde de soi. Ce n’est pas un geste citoyen, c’est une victoire de notre tête contre son ventre. Rien de plus, et rien de moins.

FIN

jeudi 4 octobre 2007

Petite annonce

Bonjour.

Il ne t'a pas échappé que ce blogue n'était pas seul, et que parfois j'allais sévir ailleurs, soit pour transmettre les cartes postales d'un Moine bizarre, soit pour recopier des cartes postales d'Amérique.

Trois blogues, en quelque sorte. Dans lesquels tu te perds, et moi donc. Il m'arrive même de mélanger ce que je dois écrire dans l'un avec ce que j'écris dans l'autre. Ton oeil exercé a observé certainement que parfois je disais ici le contraire de là-bas, et tu te moques. Ma crédibilité, ce mot est à la mode, en prend un bon coup dans les gencives.

Il faudrait relire attentivement tout, et dans le bon ordre, pour se rendre compte que ces contradictions n'en sont pas et que l'apparence est trompeuse qui la fait apparaître. Mais je ne sais pas moi-même où se trouve la cohérence derrière l'apparence désarticulée. Alors je prends une décision terrible.

Oui, tu trembles et tu as raison. Je vais bouleverser mes blogues "Théolone" et "America", pour leur donner au moins une allure temporelle plus maniable. Loins d'être formatables (ce mot taussi est à la mode) en blogues, ils ont une logique de début vers fin qui se heurte à la loi du billet qui recouvre les autres. De sorte que le premier billet est depuis longtemps oublié, même si toi ou ton voisin prenez soin parfois de remonter le courant impétueux.

Alors voici: je vais inverser l'ordre, et le dernier billet publié apparaîtra désormais à la fin, pendant que le tout premier billet mis en ligne sera invariablement celui qui apparaîtra à l'ouverture du cahier. La recherche n'en sera pas moins facile; dans la colonne latérale, le dernier billet est visible avec son lien pour un accès direct. Les titres des chapitres verront leur ordre inversés également afin que le chapitre en cours apparaisse en haut de la liste. Tu pourras aussi utiliser le calendrier.

Enfin, il faut espérer que le mécanisme décrit fonctionne bien ainsi, le mystère est total pour le moment.

Je tente ainsi de résister à ce côté éphémère du blogue, ce côté au jour le jour, qui passe et ne revient plus. Combat perdu d'avance, comme tous les combats contre la mort , mais combat nécessaire, hein, parce que le plus tard possible, n'est-il pas?

Je n'ai pas commencé la manœuvre, il faut d'abord que j'aille déposer un cierge à Sainte Elodie, pour ne pas perdre en route tout ce que vous avez lu si vous avez voulu.

Elodie? Oui, Elodie, parce qu'elle le vaut bien. Saint-Antoine de Padoue que j'ai testé (encore un mot à la mode) est nul pour les pertes informatiques.


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