mardi 24 mars 2020

VERTIGO



Une sorte de hangar. Une file de gens en maillot de bain attend au pied d’une échelle. Une belle fille monte lestement vers le haut de l’échafaudage. A son tour, le héros entame une montée, lente et hésitante. A quoi pense-t-il donc ? Lisons ce qu’il a dans le crâne.

Pourquoi l’autre est-elle montée si vite en haut de cet échafaudage? En maillot de bain de surcroît ! On me crie d’y aller mais je n’ai pas envie. Déjà qu’on m’a fait déshabiller, j’ai froid, personne ne m’a obligé vraiment qu’est-ce qu’il m’a pris de me laisser faire à ce point, et il faudrait maintenant aller là-haut en plein vent, ils sont malades les gens.

D’accord, elle était mignonne, la ragazza qui m’a précédé, elle m’a même fait un clin d’œil avant de disparaître sur la plateforme. Mais c’est haut quand même.

On s’impatiente derrière moi. C’est vrai, il y en a d’autres aussi cinglés que moi qui veulent monter à leur tour. Qu’y-a-t’il de si passionnant à voir ou à faire, vraiment c’est bizarre, même déjà seulement de me retrouver là dans cette tenue. On se demande ce qui me passe par la tête parfois, ou plutôt ce qui ne passe pas. Je ne suis plus sûr du tout d’avoir envie de me retrouver seul là-haut avec la jolie brune, j’ai l’impression qu’il y a des caméras qui filment tout, nos hésitations, nos reculs, nos tremblements. Alors à quoi bon ?

Je suis pourtant bien obligé d’y aller, on me pousse, on rue, on proteste. J’y vais.

...
 
Bon sang que c’est haut. Faire dix mètres à pied sur le trottoir n’est rien, mais en 3D selon z c’est beaucoup, c’est périlleux, c’est interminable. Surtout ne pas regarder vers le bas, le bon vieux conseil des montagnards aguerris qui n’ont jamais été dans ma peau, mais heureusement c’est le haut qui m’attire où a disparu ma naïade.

Moi qui ai le vertige perché sur un tabouret, incapable de changer une ampoule sans appeler les pompiers – il n’y a jamais d’électricien disponible quand il faut changer une ampoule – me voici à neuf mètres cinquante de hauteur et j’ai enfin attrapé le dernier barreau.

Ma tête dépasse un peu. Je vois la plateforme. Il n’y a personne. Je comprends tout.

Ce n’est pas un échafaudage, c’est un plongeoir et ce que j’avais identifié dans mon brouillard comme une grande flaque est une piscine en vrai. Je venais de réussir le plus facile, monter, et maintenant il n’y a pas d’échappatoire, il n’y a pas de plan B, il n’y a pas de négociation qui tienne, déjà quelqu’un monte derrière moi, il faut sauter.

Oui mais voilà. Je ne sais pas nager et j’ai encore plus peur de l’eau que du vide.