Retour sur une affaire connue de tous
Voilà longtemps que je n’étais pas venu me promener par
ici. Tenir encore une fois des propos sur cette vieille affaire qui nous
bassine m’a tout à coup paru intéressant. D’autres affaires sont venues
réveiller celle-ci que le principal protagoniste aurait bien aimé laisser
oublier. Raté.
Examinons cet homme, à la puissance planétaire, au
savoir économique indéniable, aux qualités politiques reconnues, qui, de façon
répétée, se trouve confronté à des accusations de comportement inacceptable
avec les femmes, ou plutôt, soyons précis, avec des femmes. Un beau soir (ou était-ce
un matin ?) le voilà pris par la police en fâcheuse posture dans un grand
hôtel d’une grande ville d’un grand pays.
Les journaux en font leurs choux gras et la vindicte se
déchaîne. Disons les choses comme en elles doivent être dites à l’horizon de
mon petit bout de lorgnette. L’homme de cette affaire, puissant et riche, avait
un prestige certain auprès de ma modeste jugeote. Et soudain voilà ce prestige qui s'effondre, après quelques temps de doute et d’hésitation car
je ne suis pas dans le secret des alcôves et je ne sais que ce que l’on a
raconté écrit et répété urbi et orbi. Un délai d’hésitation m’a semblé la
moindre des choses mais je n’ai pas pu empêcher cet effondrement. Et ce n’est
pas la pitoyable prestation télévisée qu’il s’est offerte après avoir échappé
au pire qui aurait pu redresser sa situation. Je parle ici de sa situation dans
mon estime à moi seul, individu perdu dans la foule anonyme des cerveaux
titubants.
La question n’est pas ici d’examiner si je le considère
coupable ou non d’un crime ou d’un délit dans la fameuse suite de ce fameux
hôtel ; il y a doute pour le moins, et si je penche bien au-delà du doute
je dois en rester à ce doute qui doit lui profiter comme dans toute justice
digne de ce nom. Il n’empêche que son prestige est anéanti et que l’homme est
rayé de mes tablettes d’homme méritant. C’est cette chute-là qui m’intéresse,
qu’il faut comprendre et décrire, qui aurait dû être abordée lors de son
intervention télévisée, au lieu de brandir un rapport qui ne démontre rien
sinon qu’il ne peut rien démontrer.
Autant les accusateurs frénétiques m’énervent par leur
combat perdu d’avance et contre-productif, autant il y a matière à faire peser
sur cet homme des reproches justifiés et cohérents, qui relèvent bien plus de
la philosophie, de la sagesse et de l’humanité que de la justice et de la
prison. Voilà ce à quoi je travaille. J’en profiterai pour stigmatiser les faux
procès et les bonnes consciences un peu trop hâtives, un peu trop éjaculatrices
précoces.
Il est des choses que la loi ne pourra jamais régler.
La présomption d’innocence, conquête décisive de nos sociétés, devient un
enfermement pour les victimes. Et pourtant il faut toujours accepter cette
présomption d’innocence, et s’il manque des preuves, la justice ne doit pas
condamner, même s’il en résulte un déchirement pour ceux, pour celles surtout
en l’espèce, dont la parole n’a pas suffi. Voilà les questions qu’il faut se
poser avant de hurler avec les loups. Et chacun, au nom du tribunal de lui-même
et exclusivement de lui-même, sera parfaitement habilité à acquitter ou à
condamner sur la base des éléments qui auront été mis à sa disposition par les
commentateurs, journalistes, analystes, exégètes, mais s’il vous plaît, en
toute honnêteté avec lui-même. Mais ne jamais au grand jamais, se substituer au
lent, besogneux, douloureux et nécessaire travail de la justice imparfaite de
notre humaine société.
Voilà. C’est tout pour ce soir.
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