mercredi 16 août 2023

LES CHANTEUSES

 

Les terriennes ne permettent plus que l’on se taise.

Les chanteuses. Toutes les chanteuses. De Suzy Delair à Elizabeth Kontomanou. De Bessie Smith à Axelle Red. De Cora Vaucaire à Céline Dion.

Non. Pas Céline Dion. J’ai décidé d’être injuste et personne n’est obligé de me suivre. Elle n’est pas la seule que j’écarte, mais c’est tombé sur elle ici.

Je reprends. De Cora Vaucaire à Emilie Loizeau. Toutes les chanteuses ou presque. La dernière en date qui est tombée dans mon escarcelle est Stacey Kent. Je crois que c’est son nom. On a les découvertes tardives qu’on mérite, en 2007 je ne suis plus à la page depuis longtemps.

Deux mots nécessaires qui chaque fois me mettent au pied du mur, lorsqu'elle me chantent à l'oreille : sensualité et précision. De Rose Murphy à Marilyn, en passant par la Lorraine (Patricia) et par l'Egypte (Natacha). Par l'Azerbaïdjan (Aziza Mustapha Zadeh). En veux-tu en voilà, des noms des noms des noms. Une marée de chanteuses sensuelles et précises, autour de moi, qui me soulèvent et m'emportent, dans tous mes états, des secrètes et des célèbres. Lesquelles pourrais-je sans honte oublier de citer, lesquelles ne pas choisir ? Celles dont le prénom suffit, celles dont le nom seul claque, toutes celles qu’il faut nommer avec soin, Juliette la Greco, Juliette tout court, Marianne James, Aretha, Callas, Berganza, il ne faut pas oublier les grandes voix de l'Opéra, du moins pas toutes. J’ai souvent un peu de réticence avec elles. Alors j’en écarte quelques-unes mais je garde Reri Grist et Crespin bien au chaud contre moi, et je monte en gloire la Callas, nommée plutôt deux fois qu’une ; je garde aussi Barbara la longue brune et la Tebaldi parce qu’il faut mélanger sans peur ; et encore Ella Fitzgerald dois-je même le dire, la Vaughan à murmurer Vaune pour qui l'aime. Et Nina que j’ai gardée pour la presque fin.

Il y a toujours la question qui fâche : et s’il n’en fallait qu’une ? Ai-je une tête à mettre tout ce beau monde à la poubelle pour qu’il n’en reste qu’une et que ce soit celle-là ?

Oui. Billie. Justement. C’est elle, à la fin, qui gagne.

Au fond, il vaudrait mieux nommer qui je ne veux pas, pour ajouter à l’injustice. Piaf par exemple. Ce n'est pas la même galère, mais rien n'y fait, rien de rien non je ne regrette rien. Quelques autres, du temps de Salut les Copains que j’ai traversé sans aimer. Certaines font une longue carrière, elles sont encore là et vieillissent plutôt bien dans leur corps, leur voix, leur tête ; mes oreilles restent sourdes, distraites, impatientes. Je ne leur en veux pas, qu’elles ne m’en veuillent pas. Et pour ne pas être tout à fait injuste, je garde dans un petit coin Françoise Hardy qui, tout au long des années, a su m’émouvoir, sa voix, ses textes, ses airs.

A côté de ces indestructibles se répandent d’innombrables poupées de cire, qui passent et partent, trois petits tours et puis s’en vont, gonflettes du jour ou de la veille. Gros seins ou déshabillé vaporeux, voix d'anorexique ou voix tonitruante de pacotille, sonorisation frénétique sur débauche lumineuse. Pas de précision et pas de sensualité. Pas de musique mais de la pornographie musicale. Je ne nommerai personne.

Toute cette débauche m’insupporte car elle réduit à l’inaudible de belles réussites, de belles voix, de belles musiques, qui honorent la chanson francophone. Et du reste du monde. Je ne les mets donc pas toutes dans le même panier, celles qui ne me font rien. Mais elles ne me font rien, voilà tout. Et je garde toutes les autres, de Jeanne Moreau à Victoria de Los Angeles. Je ne classerai pas par style, école, domaine, catégorie. Du moment que la musique est bonne.

Et Billie, à la fin des fins.

Un jour, je vous parlerai des chanteurs. Aussi. Peut-être.

2007


 

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