VERTIGO
Une sorte de hangar. Une file de gens
en maillot de bain attend au pied d’une échelle. Une belle fille monte lestement
vers le haut de l’échafaudage. A son tour, le héros entame une montée, lente et
hésitante. A quoi pense-t-il donc ? Lisons ce qu’il a dans le crâne.
Pourquoi l’autre est-elle montée si vite en haut de
cet échafaudage? En maillot de bain de surcroît ! On me crie d’y aller
mais je n’ai pas envie. Déjà qu’on m’a fait déshabiller, j’ai froid, personne
ne m’a obligé vraiment qu’est-ce qu’il m’a pris de me laisser faire à ce point,
et il faudrait maintenant aller là-haut en plein vent, ils sont malades les
gens.
D’accord, elle était mignonne, la ragazza qui m’a
précédé, elle m’a même fait un clin d’œil avant de disparaître sur la
plateforme. Mais c’est haut quand même.
On s’impatiente derrière moi. C’est vrai, il y en a
d’autres aussi cinglés que moi qui veulent monter à leur tour. Qu’y-a-t’il de
si passionnant à voir ou à faire, vraiment c’est bizarre, même déjà seulement
de me retrouver là dans cette tenue. On se demande ce qui me passe par la tête
parfois, ou plutôt ce qui ne passe pas. Je ne suis plus sûr du tout d’avoir
envie de me retrouver seul là-haut avec la jolie brune, j’ai l’impression qu’il
y a des caméras qui filment tout, nos hésitations, nos reculs, nos tremblements.
Alors à quoi bon ?
Je suis pourtant bien obligé d’y aller, on me pousse,
on rue, on proteste. J’y vais.
...
Bon sang que c’est haut. Faire dix mètres à pied sur
le trottoir n’est rien, mais en 3D selon z c’est beaucoup, c’est périlleux,
c’est interminable. Surtout ne pas regarder vers le bas, le bon vieux conseil
des montagnards aguerris qui n’ont jamais été dans ma peau, mais heureusement
c’est le haut qui m’attire où a disparu ma naïade.
Moi qui ai le vertige perché sur un tabouret,
incapable de changer une ampoule sans appeler les pompiers – il n’y a jamais
d’électricien disponible quand il faut changer une ampoule – me voici à neuf
mètres cinquante de hauteur et j’ai enfin attrapé le dernier barreau.
Ma tête dépasse un peu. Je vois la plateforme. Il n’y
a personne. Je comprends tout.
Ce n’est pas un échafaudage, c’est un plongeoir et ce
que j’avais identifié dans mon brouillard comme une grande flaque est une
piscine en vrai. Je venais de réussir le plus facile, monter, et maintenant il
n’y a pas d’échappatoire, il n’y a pas de plan B, il n’y a pas de négociation
qui tienne, déjà quelqu’un monte derrière moi, il faut sauter.
Oui mais voilà. Je ne sais pas nager et j’ai encore
plus peur de l’eau que du vide.
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