Du libre-arbitre #1
Voilà déjà quelque temps que je me suis résolu à
accepter cette idée que le libre-arbitre est une illusion, un faux-semblant,
conséquence ultime du monisme, et j'ai été séduit par la confrontation de cette
intuition avec les travaux scientifiques de ces quarante dernières années. L’irruption
de la mécanique quantique et de la théorie du chaos dans la pensée
philosophique sont des évènements majeurs dont on ne mesure pas encore l’importance.
J'avais tourné en rond comme un indien son totem autour
de la fable de l'âne de Buridan, et je m'étais convaincu que si vraiment les
deux seaux étaient rigoureusement identiques, il était inévitable que l'âne rationnel
meure de soif, dans une immobilité instable mais insoluble. A l'inverse, le
moindre frémissement, une aile de papillon par exemple, emporterait aussitôt la
décision de l'âne assoiffé et le maintiendrait en vie. Pas de choix, pas de
libre-arbitre, juste un élément imperceptible qui, en dehors de la pensée de
l'âne, a provoqué l'action.
Le monde du vivant est un chaos déterministe, ensembles
d'équilibres instables sans cesse rompus par de minuscules événements à jamais
ignorés. Et l'on pourrait sans doute élargir cette image au cosmos tout entier.
Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à identifier les causes et leurs
effets, renoncer à la science, à la connaissance. Au contraire. Il faut
seulement accepter l'idée qu'il n'y aura jamais de bout du chemin, et que toute
découverte, toute nouvelle loi de la physique, toute expérience décisive,
ouvrira les vannes d'un océan de questions plus difficiles encore que celles
qu'on avait cru résoudre, et que l'on a d'ailleurs effectivement résolues.
Le renoncement au libre-arbitre est une bonne nouvelle.
Il va permettre de se débarrasser du fatras multimillénaire platonicien, aristotélicien,
chrétien, crédule, dont le combat apparent n'était qu'un rideau de fumée
interdisant d'avancer. Ce n'est pas parce que nos décisions n'en sont pas qu'il
faut renoncer à les prendre, et qu'il faut prétendre échapper à nos
responsabilités. Car assumer les responsabilités fait partie du champ de forces
qui conduit à la décision. De même, savoir que tous nos actes ne sont
finalement que la résultante d'un faisceau de causes si entremêlées qu'aucune
chatte n'y retrouverait ses petits ne doit pas nous empêcher de lutter pour
préserver notre liberté. L'idée de liberté n'est pas détruite par l'invalidation
du libre-arbitre dès lors que, dans le faisceau des causes, aucune d'elle ne
devient seule agissante et seule identifiable.
L'âne de Buridan n'aura peut-être pas remarqué le
battement de l'aile du papillon qui l'a définitivement attiré vers ce seau-ci
plutôt que vers ce seau-là, et il se sera cru libre, et tu peux lire la phrase
à voix haute si tu veux. L’âne aura bel et bien été libre.
Plus nous fouillerons les secrets de la matière, plus
nous dénicherons les minuscules causes dont la multiplication fait exploser les
étoiles ou naître les hommes, plus nous comprendrons nos tenants et nos
aboutissants, plus nous nous croirons libres, donc, plus nous le serons.
Subsistera ainsi, dans le grand chaos déterministe, la petite étincelle de
liberté qui ne fait pas de mal et qui participe à la joie du voyage, la joie de
ne pas être dupe.
1 commentaire:
Une idée erronée est préférable à une croyance entretenue ! Plus l’homme a de science et plus il perçoit sont ignorance. Voila pourquoi nous voulons la démocratie et le droit, pour pouvoir aller sont chemin sans les interdis des dogmes et préjugés, des religions ou pouvoir sectaires ! Le droit de dire non a cette Europe qui ressemble de plus en plus a un monstre, au royaume de Nabuchodonosor et sont pouvoir brutal et injuste !
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