Objets inanimés 3 - Le Meccano
Le meccano
Je n’ai jamais eu de chance avec les cadeaux que j’ai
reçus, quelle qu’en fut l’origine. Pour être précis, je devrais dire que ce
sont les cadeaux que j’ai reçus qui n’ont pas eu de chance. Arrivés entre mes
mains, pour mon plus grand plaisir presque toujours, il arrive parfois que le
cadeau soit à côté de l’envie ou du besoin mais même alors le seul fait qu’on
m’ait fait un cadeau me plaisait, ils trouvaient en quelques jours semaines ou
mois une fin tragique : brisés, volés, perdus. Les uns sont tombés en
panne ou dans la Seine ou dans des fleuves très exotiques sinon impassibles,
d’autres ont finis sous les roues d’un autobus, la plupart a mystérieusement
disparu.
Il n’y a guère que mon jeu de meccano qui a traversé
les âges jusqu’à mon départ de ma maison d’enfance pour de nouvelles aventures.
La première boîte était modeste, quelques plaques percées de trous et tiges
filetées, avec roues, axes, goupilles et tout un assortiment de vis et d’écrous
formant boulons. Le principe était simple, on passait de la boîte numéro un à
la boîte numéro deux avec la boîte complémentaire, ce qui évitait à chaque noël
un investissement trop important, et de réfléchir trop longtemps à ce qui
pourrait bien me faire plaisir cette année.
Le jeu a ainsi gonflé avec l’âge, passant du
tâtonnement enfantin aux entreprises hasardeuses adolescentes sous le regard
bienveillant de mon père qui, évidemment, n’était pas pour rien dans la
gonflette, et malgré les soupirs de ma mère qui vivait assez mal
l’envahissement progressif des escaliers par mes systèmes de transport d’étage
en étage. Je devinais cependant qu’ils étaient tous les deux satisfaits de mon
inventivité pensant qu’elle augurait bien de l’avenir ce en quoi ils avaient
tort, je n’ai jamais été un bon bricoleur.
Le meccano est depuis belle lurette dispersé aux quatre
coins de la planète qui pourtant est ronde ou presque, et je doute qu’il serve
à égayer les jeux de quelque enfant assez égoïste pour passer des heures seul
avec lui.
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